Chapitre 5

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Le jardin intérieur de la demeure du maire Lughen était un petit chef d’œuvre fait de haies et de buissons savamment taillés. Le sol était recouvert de petits galets blancs et brillants, des jardinières de pensées, géraniums ou pétunias de toutes les couleurs étaient placées en bordure des murs gris. Des petits bancs de pierre blanche étaient installés tout le long du sentier qui zigzaguait entre les murets bas de houx crénelé qui formaient un labyrinthe miniature.

Eylen avança en prenant une grande bouffée d’air frais et eut enfin le sentiment de revivre. L’air embaumait différents parfums de plantes, elle pouvait entendre les oiseaux chanter au loin et sentir les rayons du soleil réchauffer sa peau malgré la fraîcheur ambiante.

— Désirez-vous que je vous apporte un châle mademoiselle ? Lui demanda la servante qui l’accompagnait. Le temps s’est quelque peu rafraichi dernièrement.

Eylen réalisa en baissant les yeux qu'elle s’était inconsciement enlacée de ses bras pour se réchauffer.

— Oui, merci, répondit-elle en souriant, gênée.

La servante se précipita vers le manoir, laissant Eylen seule au milieu du jardin. Cette dernière s’avança dans le petit labyrinthe, admirant les parterres de fleurs et les statues qui y étaient exposées. Elle entendit alors les murmures d’une conversation au loin. S’avançant encore, elle découvrit de l’autre côté d’un couloir couvert du patio, une seconde petite cour pavée.

Une quinzaine de personnes, enfants, adolescents et adultes, étaient assis à même le sol, se tenant les mains en ronde. Ils avaient tous les yeux fermés, à l’exception d’un homme, sur la droite, vêtu de la robe brune des mages, les cheveux aussi clairs que de la paille.

— Inspirez profondément, ressentez le lien qui vous traverse de part en part. Unissez vos Energie pour n’en former plus qu’une, soufflait-il doucement en observant ses élèves.

Eylen reconnu la robe brune des mages du troisième ordre. Elle avait appris à les distinguer à force de les croiser régulièrement dans les allées de la bibliothèque de la cité royale.

Les mages d’Elaria étaient classés en trois ordres ; le premier ordre était le plus respecté, ceux qui en faisaient partie étaient généralement originaires des familles nobles ou riches et vivaient pour la plupart dans la cité royale ou dans d’autres villes de grande envergure ; ceux du second ordre étaient les plus puissants et devenaient généralement chercheurs ou inventeurs ; quant au troisième ordre, il s’agissait de ceux qui n’étaient ni nobles ni très puissants. Ils étaient le plus souvent envoyés dans les petites villes pour servir le maire en fonction, comme cela semblait être le cas ici.

C’est tout de même étrange que ce soit un mage du troisième ordre qui ait été envoyé à Toren, se dit la jeune femme en songeant à la frontière remplie de monstre qui se trouvait non loin de la cité. Si le roi s’était réellement inquiété de la sécurité des habitants, il aurait plutôt envoyé un mage de second rang pour aider à défendre les murs.

Le mage qui avait été envoyé à Frozir appartenaoit également au troisième ordre, mais la petite ville étant éloignée de la frontière peu de monstre s’en approchaient.

— Bien. Maintenant, je veux que vous fortifiiez ce lien, insufflez-y le plus de force possible.

Eylen pouvait sentir le cercle d’Energie qu’ils formaient, comme une pulsation qui vibrait en chacun d’eux à des rythmes et avec des forces différentes. Certains chuchotaient des suites de mots incompréhensibles tandis que d’autres transpiraient à grosses gouttes malgré la fraîcheur.

Le mage sembla remarquer la fatigue chez ces jeunes élèves, il brisa la chaîne et tapa dans ses mains.

— Ça suffit pour aujourd’hui, allez vous reposer.

Les apprentis mages rouvrirent les yeux et se relevèrent en s’étirant. Lorsque le mage se leva à son tour, Eylen vit briller autour de son cou le même collier doré que celui que l’empereur lui avait mis de force. Elle porta machinalement la main à sa gorge se demandant si lui aussi été retenu prisonnier dans cette demeure. Ce dernier remarqua enfin la présence de la jeune femme et s’avança pour la saluer.

— Bonjour, êtes-vous une nouvelle élève ? Lui demanda-t-il poliment en jetant un rapide coup d’œil au collier d’Eylen.

— Oh non ! Désolée, j’étais juste curieuse, s’excusa-t-elle en rougissant.

Le mage lui adressa un aimable sourire de façade, ses yeux restant froids et distants.

— Il n’y a pas de mal, il n’est pas interdit d’observer, même si je ne suis pas sûr que ce soit très intéressant à regarder pour quelqu’un dénué d'Energie.

— Comment savez-vous ? S'étonna la jeune femme.

Le mage rit doucement avant de lui répondre.

— C’est un don particulier que j’ai. Je ne vous ai pas mise mal à l’aise, j’espère ?

— Non, pas du tout, répondit-elle en restant tout de même méfiante.

— Maître ! les interrompit un jeune garçon blondinet d’une dizaine d’année en s’approchant.

Il portait des habits sobres de bonne qualité qui contrastaient avec ses cheveux coiffés en bataille et son corps chétif. Ses grands yeux bruns brillaient d’excitations et il sautillait sur place avec impatience.

— Qu’y a-t-il Léon ?

Eylen reconnu avec surprise, le nom de l’ami dont lui avait parlé Yrua, la petite marchande de fleurs. Est-ce son ami qui apprend la magie ? Elle confirma ses soupçons en apercevant le fin bracelet doré qui était fixé au poignet du garçon. Est-ce le même genre de bijou que le collier que je porte ? Cet enfant n’a pourtant pas l’air de souffrir des mêmes effets que ceux de mon collier, se dit elle en voyant le sourire plein de joie et d’excitation qu’il affichait.

— C’est bien vrai que nous partons demain ? J’ai entendu les guerriers en parler tout à l’heure avec les marchants !

— En effet, répondit l’homme dont le sourire sembla se figer sur son visage.

— Trop bien ! Il me tarde de voir la frontière et les monstres qui y habitent !

— Ne sois pas si impatient, si tout se passe bien nous ne devrions même pas les voir. Allez, va donc préparer tes affaires et prévenir tes amis. Demain, tu n’auras plus le temps... Lui dit le mage en lui faisant signe d’y aller.

— Oui j’y vais ! Cria le garçon pardessus son épaule en s’éloignant en courant.

Eylen, qui avait observé silencieusement à l’échange, s’était figée en comprenant les paroles de l’enfant.

— Vous allez bien ? S'inquiéta le mage qui posa une main sur son épaule, la faisant sursauter.

— Oui... J’ai un peu froid, je pense que je vais rentrer... parvint-elle à lui répondre en reculant.

— Mademoiselle ! Je vous ai cherché partout, tenez ! lui s'écria la domestique qui arrivait du jardin et lui posa le vêtement sur les épaules.

— Merci, répondit faiblement Eylen en serrant le tissu contre sa poitrine.

— Nous devrions rentrer, l’empereur semblait mécontent que je vous ai laissée seule dans le jardin, continua la servante avec un rire gêné.

Eylen acquiesça sans un mot et se retourna vers le mage pour le saluer.

Ce dernier la fixait désormais avec méfiance, tout sourire ayant disparu de son visage. Il inclina toutefois respectueusement la tête pour lui dire au revoir avant de les regarder s’éloigner.

Demain. Il veut traverser la frontière demain ? Pourquoi amener avec lui des enfants si jeunes ? C’est bien trop dangereux ! Elle suivit la domestique silencieusement, perdue dans ses pensées. Ce n’est que lorsqu’elle aperçut le tissu d’un pantalon blanc devant elle, qu’elle s’arrêta et releva la tête.

Une femme à la longue tresse rousse, semblable à la femme qu’elle avait vue plus tôt la dévisageait avec mépris et agacement, ses deux poings posés sur ses hanches.

— L’empereur m’a demandé de vous escorter. Dit-elle avant de se retourner.

La servante échangea un regard désolé avec Eylen et elles emboîtèrent le pas à l’étrangère en direction des appartements de l’empereur.

Lorsqu’elles passèrent la porte, l’empereur les attendait assis dans son fauteuil habituel, un verre à la main. Eylen ressentit aussitôt une étrange pression, l’air lui semblant tout à coup peser lourd sur ses épaules. Elle se tourna vers la servante qui avait blêmi et semblait être sur le point de s’effondrer.

— Sortez, dit-il de sa voix profonde en continuant d’observer son verre.

La femme rousse se retourna sans un mot, son visage ayant perdu de ses couleurs et jeta un regard de reproche à Eylen avant de sortir à la suite de la domestique.

Se retrouvant seule avec l’empereur, elle remarqua que ce dernier avait relevé les yeux et la fixait avec une froide colère.

— Je te laisse sortir deux minutes et tu te débrouilles pour te débarrasser de ta servante.

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