Chapitre 6
Qahir entra avec soulagement dans la baignoire remplie d’eau chaude. La chasse de la veille n’avait pas été particulièrement difficile, mais avoir dormi adossé au mur n’avait pas aidé à détendre ses muscles. Il était étonné de s’être endormi si facilement sans même s’en rendre compte. La présence d’Eylen qui semblait apaiser ses migraines et sa colère s'avérait également le détendre plus que de nécessaire.
Je ne dois pas baisser ma garde pour autant.
La jeune femme était sortie depuis à peine quelques minutes quand on frappa à la porte.
— Entrez.
C’était la domestique qui était censée accompagner Eylen.
— Je viens chercher un châle pour mademoiselle, s’excusa la femme en réponse au regard interrogateur de l’empereur.
— Vous l’avez laissé seule ?
Il se concentra sur le lien qui l’unissait à Eylen pour percevoir ses émotions, mais ne ressentit absolument rien, ni même une quelconque indication du lieu où elle se trouvait. Pourtant, il sentait qu’elle portait toujours le collier, leur lien étant encore présent.
Serrant les dents, il se redressa dans sa baignoire.
— Où l’avez-vous laissée ? demanda-t-il avec colère.
La servante blêmit, serrant un châle rouge dans ses mains.
— D-dans le jardin intérieur messire...
— Allez la chercher !
— Oui ! Fit la domestique en se précipitant hors de la chambre.
Qahir sortit du bain, essayant toujours de percevoir l’emplacement d’Eylen, en vain. Il enfila les vêtements propres que lui avaient déposés les domestiques en rageant intérieurement. Aamal l’avait pourtant prévenu :
“— Une fois que tu l’auras trouvé ne la quitte pas un seul instant des yeux. Elle pourrait disparaître à tout moment si tu lui en donnes l’occasion.”
Il s’apprêtait à sortir de la cambre pour aller lui-même la chercher lorsqu’il perçut enfin à nouveau les émotions de la jeune femme. Elle semblait terrifiée, se trouvant toujours dans la cour intérieure, il sentait également la présence de Rainir près d’elle.
Soulagé, il s’assit dans l’un des fauteuils, se demandant ce qui pouvait tant effrayer la jeune femme.
— Inaya, souffla-t-il.
La guerrière apparut dans la chambre quelques instants plus tard, s’inclinant à ses pieds.
— Tu seras chargée de surveiller Eylen désormais...
Il sentit l’agacement s’emparer de la femme qui ne montra pourtant aucune réaction et acquiesça silencieusement, obéissante, comme toutes ses consoeurs.
Inaya était la plus docile des guerrières Suharis, même si elle ressentait une certaine animosité à s’approcher d’une Dorogaï, elle serait celle qui se montrerait la moins venimeuse envers Eylen.
Il regarda la guerrière ressortir et se servit un verre de liqueur ambrée toujours concentré sur le collier d’Eylen, cette dernière semblant encore perturbée.
Qahir lui, enrageait contre lui-même. En l’espace de quelques minutes, il l’avait perdu de vue et de perception, rendant inutiles les deux années qu'il avait passé à attendre qu'elle vienne enfin à lui, exactement comme l’avait prévenue la grande prêtresse.
Je ne referais pas deux fois la même erreur.
Lorsque la porte s’ouvrit, il laissa sa colère envahir toute la pièce, gardant lesyeux fixés ur son verre.
— Sortez, dit-il.
Il sentit Inaya blêmir légèrement avant qu’elle ne se sortde la chambre et observa Eylen qui regardait les deux femmes, inconsciente de la colère de l’homme qui la fixait. Il attendit que la porte se refermer derrière la servante et que la jeune femme le regarde enfin pour parler :
— Je te laisse sortir deux minutes et tu te débrouilles pour te débarrasser de ta servante.
La jeune femme le regarda, surprise.
— Elle est simplement allée me chercher un vêtement pour me protéger du froid.
— Et qu’as-tu fait ensuite ? Questionna-t-il, incapable de calmer sa colère.
— Je me suis promené, répondit-elle en commençant à s’agacer, je dois justifier chacun de mes pas ?
— Oui ! fit Qahir en se relevant pour s’approcher d’elle. Je dois savoir à chaque moment, à chaque instant où tu te trouves.
La jeune femme se laissa également gagner par la colère et s’avança vers lui.
— Alors dans ce cas-là, ce n’est pas un collier, mais une laisse que vous auriez dû me mettre ! s’emporta-t-elle en agrippant le cercle doré sur son cou.
— Ne me tente pas ! lui répondit Qahir en lui attrapant le poignet.
Elle essaya de se dégager en le fusillant du regard.
— C’est injuste, je suis simplement sortie prendre l’air dans le jardin, continua-t-elle. Je n'ai ni voulu m’enfuir ni cherché à vous trahir.
Ses yeux bleus, qui le fixaient avec colère, commencèrent à briller, la jeune femme luttant pour contenir ses larmes, les joues rosies par l’énervement. Qahir perçut alors toute la frustration qu’elle ressentait, ainsi que la peur mélangée à la colère et à l’incompréhension.
Aussitôt, sa propre colère s’évapora, comme soufflée par le vent. Il desserra sa prise sur et elle se libéra, reculant de quelques pas. Ce n’était donc pas volontaire ? Était-ce le collier qui fonctionnait mal ? Il voulut s’approcher, mais elle recula encore vers le mur.
— Approche, lui ordonna-t-il agacé.
La jeune femme se figea, serrant les mâchoires et crispant les muscles avec un regard de défi. Qahir grogna et fit deux grandes enjambées pour la rejoindre, il posa ensuite vivement sa main sur le collier d’Eylen pour vérifier qu’il était intact, mais ne discerna aucun défaut.
Le lien était à nouveau complet, l’empereur ressentant pleinement l’état d’esprit de la jeune femme qui souffrait toujours de forts maux de tête. Se concentrant, il atténua la douleur causée par le collier et soupira avant de laisser retomber sa main puis se dirigea vers la sortie.
— À partir de maintenant, Inaya t’accompagnera lorsque je ne serais pas avec toi, dit-il en laissant entrer la guerrière qui attendait derrière la porte.
Eylen laissa échapper un grognement et Qahir sentit la douleur émerger à nouveau dans le crâne de la jeune femme.
Ce n’est pas aujourd’hui qu’elle cessera de me maudire... se dit-il en quittant la pièce.
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