Chapitre 7

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Qahir laissa ses pas le guider jusqu’au terrain d’entraînement où Babil et ses hommes s’exerçaient au combat, son esprit toujours concentré sur Eylen.

Il n’arrivait pas à calmer l’angoisse qui l’avait saisie plus tôt ni la colère sourde qui grondait toujours en lui.

— Je ne sais pas ce qui te tracasse mon ami, mais si tu veux parler, je suis là, l’interpella Babil inquiet.

Qahir le fixa un moment sans comprendre puis découvrit avec surprise les Garidans qui semblaient mal à l’aise, certains se tenant à leur lance.

— Oui, fit-il en se frottant le visage. Je crois que j’ai besoin de prendre l’air...

— Ça tombe bien, je dois aller voir certains commerçants ! S'exclama Babil en lui tapant l’épaule.

Qahir se concentra pour réduire son aura qui continuait de bouillir et suivit son vieil ami vers le centre de la cité.

— C’est rare que tu te laisses ainsi aller à ta colère... commença Babil en lui jetant un regard en coin. Cela a-t-il un rapport avec ta fameuse invitée ?

Qahir le fusilla du regard instinctivement.

— Laisse tomber ! fit le chef des Garidans en levant les deux mains. Mais les soldats se posent pas mal de questions...

— Ah ! Les soldats ou toi ?

— Moi aussi, répondit Babil avec un visage sérieux.

Qahir observa silencieusement son vieil ami. Il l’avait suivi de l’autre côté de la frontière, sans poser de question et avait passé deux ans à Toren à attendre, toujours sans rien lui demander. Deux longues années à patienter loin de chez eux et à combattre les monstres sur les terres d'Elaria.

Il mérite de savoir.

— Je sais, fit Qahir en soupirant. Nous aurions déjà dû avoir cette conversation...

— Il n’est pas trop tard.

— En effet... La femme que je garde dans mes appartements est une Dorogaï.

Babil émit un petit sifflement inquiet.

— Je vois... Je croyais que les Dorogaï avaient tous été tués.

— Moi aussi.

— Alors, si j’ai bien compris nous avons attendu deux ans ici pour cette fille ?

— Oui.

— Comment savais-tu qu’elle serait là, demanda le chef des Garidans en lui jetant un regard suspicieux.

Qahir grimaça avant de répondre doucement :

— Aamal...

— Ah ! Encore elle. Tu ne cesseras donc jamais de suivre ses visions ? Tu ne te souviens pas de ce qui est arrivé à l’ancien empereur qui se conformait lui aussi ses indications ?

— C’est différent.

— En quoi ?

— Cette femme va nous aider à traverser la frontière.

— Nous savons déjà traverser la frontière ! S'emporta Babil. Cela fait des années que nos marchands et nos soldats traversent.

— Oui, mais au prix de combien de vies sacrifiées ? Demanda Qahir en s’arrêtant au milieu de la rue pavée.

Babil s’arrêta également pour le fixer, perplexe.

— Les Dorogaï apportent le malheur, se frotter à eux n’est pas une bonne idée.

— Elle est différente.

— En quoi est-elle différente de ceux de son peuple ?

— Elle est née ici. Elle n’a pas grandi avec les siens, elle ne les connaît même pas.

— Dans ce cas, comment va-t-elle nous aider à traverser la frontière si les siens ne lui ont rien appris ?

— Aamal l’a vu...

— La grande prêtresse voit beaucoup de choses... répondit le guerrier avec sarcasme.

— Raah ! Moi aussi, je l’ai vue ! finit par avouer l’empereur en se grattant la tête gêné.

Babil ouvrit de grands yeux ronds.

— Toi aussi tu as des visions ?

— Non ! S'exclama Qahir exaspéré. Je n’ai pas de visions, je l’ai vue elle...

— Qui ça, elle ?

— Eylen...

— La Dorogaï ? Demanda Babil, avec une expression grave.

— Oui... Et pas qu’une fois. Je la vois presque toutes les nuits depuis des années.

Il se remit à avancer pour éviter le regard insistant de son ami. Les étals étaient encore installés, les marchands commençants à peine à ranger leurs produits pour aller manger.

Babil le rejoignit en silence, perdu dans ses pensées.

— Donc tu penses que cette femme peut nous faire passer sans danger la frontière...

— Ça je n’en sais rien, c’est Aamal qui l’affirme. Nous verrons bien une fois rentrés.

— Et après ? Que comptes-tu faire si elle peut en effet nous faire traverser en toute sécurité ?

— Je compte libérer notre peuple de cette maudite frontière, lui répondit Qahir en serrant les mâchoires. J’obligerais les mages d’Elaria à défaire ce qu’ils ont créé.

Babil ricana en souriant.

— Ça, ça ne me déplairait pas !

Ils étaient arrivés devant la plus grande épicerie de la ville.

Le commerçant, Fared, était un homme brun de petite taille aux larges épaules. Il faisait commerce avec la plupart des marchands itinérants et avait donc une grande variété d’aliments provenant de tout Elaria.

— Bienvenue Empereur, chef Babil ! les accueillit-il avec un aimable sourire.

— Bonjour Fared, répondit Babil en entrant. Nous avons besoin de vivre pour la traversée de demain.

— C’est donc vrai, vous nous quittez demain ? S'exclama le commerçant avec une pointe de déception.

— Et oui, il est temps pour nous de rentrer dans notre cité.

— Je comprends, le temps a dû vous paraître long. Mais vous nous avez vraiment aidés durant ces années. Tous les habitants et les marchands de Toren vous en savent gré.

— C’était un plaisir Fared, répondit Qahir en entrant également. Nous avons également beaucoup appris auprès des vôtres.

— Alors c’est un bon échange si nous sommes tous satisfaits.

— En effet.

Ils marchandèrent de nombreux vivres et aliments pour le voyage de retour, ainsi que des produits qu’ils souhaitaient ramener de l'autre côté de la frontière tel que des viandes séchées, des conserves et aussi des graines pour essayer d’améliorer leurs propres cultures. Babil réussit sans mal à les obtenir au plus bas prix, Fared leur offrant même quelques produits en guise de cadeau et de remerciement.

Ils étaient à présent attablés dans l’échoppe non loin du commerce de Fared.

— Donc, tu ne m’as toujours pas dit ce qui te contrariait tant, repris Babil en mordant à pleines dents dans sa cuisse de gigot.

Qahir finit sa gorgée de bière avant de répondre.

— Aaah... je n’arrive pas à comprendre cette femme. Chacun de ses actes semble être fait pour me pousser à bout ou me tester !

— C’est le commun des femmes ça mon ami... Elles resteront un mystère pour nous !

— Un instant je pense avoir le contrôle, la seconde d’après elle disparaît comme par magie et réapparaît ensuite l’air de rien, comme si tout était normal !

— Comment ça elle disparaît ? Tu lui as pourtant bien mis un de ces fameux colliers Suharis ?

— Bien sûr. Mais il a cessé de fonctionner pendant un instant... Je ne sais pas si elle est responsable de cet incident, ni même si elle a conscience de ce qu’il s’est produit.

— Dommage que ta seconde épouse ne soit pas là pour t’éclairer sur le sujet, répondit Babil en sauçant son assiette.

— Mmmm.

Shaïa aurait certainement eu une explication à lui donner mais elle était restée dans la cité impériale avec Nora et Aamal. Qahir lui avait demandé de garder un œil sur les deux femmes durant son absence. Il avait plus confiance en la reine des guerrières Suharis qui lui avait offert son entière dévotion par le biais des colliers qu’en sa première épouse Nora, qui était manipulée par la grande prêtresse.

— Je demanderais à Saki avant de partir chasser... Viens, il est temps de rentrer au manoir, trancha Qahir en se levant de table. Babil posa une pièce de cuivre sur la table puis se leva à son tour pour le suivre

— Aaah, la nourriture d’Elaria va me manquer, dit-il en se tapotant l’estomac.

— Seulement la nourriture ? demanda l’empereur en le voyant faire signe à une des serveuses de l’échoppe qu’ils quittaient.

— Ça et d’autres choses, oui... éluda le guerrier avec un petit sourire. C’est dommage que tu n’aies pas goûté aux autres plaisirs qu’Elaria avait à t’offrir mon ami. À moins que tu ne préfères demander à ton invitée ?

— Arrête ça, le coupa sèchement Qahir.

— Tu es le seul parmi nous à être venus avec plusieurs de tes concubines et pourtant, tu ne t’amuses jamais ! Ce n’est pas comme si elles étaient contre, je suis sûr qu’elles n’attendent que ça... Si elles ne te conviennent pas, certaines des Elariennes de Toren seraient ravies de réchauffer ton lit.

— Je n’ai pas besoin de ça Babil !

— D'accord, d'accords. Fais comme si je n’avais rien dit alors, répondit le chef des Garidans en levant les mains en signe de paix.  

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