Chapitre 4
Eylen se reveilla puis ouvrit les yeux et observa par la fenêtre le soleil qui brillait sur le ciel bleu sans nuage. Elle étira ses membres engourdis et se retourna dans les draps soyeux avant de se figer net. L’empereur était là, assis à ses côtés, adossé à la tête de lit les yeux fermés. Elle se redressa silencieusement, tout en observant son torse se soulever au rythme régulier de sa respiration. Même quand il dort il a l’air énervé, se dit-elle en remarquant ses traits crispés.
Du coin de l’œil elle aperçut une dague à la ceinture de l’empereur. À peine l’idée de s’en emparer pour le menacer avec lui traversa-t-elle l’esprit qu’aussitôt la douleur dans son crâne réapparut, plus forte que jamais. Elle se recroquevilla sur elle-même gémissant de douleur.
L’empereur bougea aussi vite que l’éclair, l’attrapant par la gorge. Il releva son visage face au sien et la dévisagea, une froide colère se dessinant dans son regard. Eylen tenta de se libérer en agrippant ses doigts de ses deux mains, fermant les yeux de douleur.
Elle l’entendit alors soupirer et relâcher la pression sur sa gorge tandis que la souffrance disparaissait soudainement de son crâne. Elle rouvrit les yeux, la main de l’homme toujours posée sur son cou qui continuait de la fixer calmement.
— C’est un réveil fort désagréable que tu m’as fait là, dit-il en la relâchant.
Eylen se massa le cou en lui jetant un regard mauvais, son mal de crâne revenant doucement.
— Pfff, fit-il en souriant. Tu ne t’arrêtes donc jamais ?
Il tendit la main vers la jeune femme qui recula brusquement.
— De quoi parlez-vous ? dit-elle, le regardant avec méfiance.
— Tant que tu continueras de me maudire ou de me vouloir de mal tu souffriras, lui répondit l’empereur en laissant sa main retomber. Il suffirait que tu cesses de penser du mal de moi pour aller mieux.
Eylen caressa le métal froid en réfléchissant à ses paroles. Elle se doutait que le collier était responsable de son mal de tête. Arrêter de le maudire... Plus facile à dire qu’à faire ! Pensa-t-elle en grimaçant.
— Je peux toujours soulager ta douleur en te touchant, si tu le souhaites, continua-t-il en la fixant.
Elle lui jeta un regard mauvais, augmentant encore l’intensité de sa migraine.
— Que se passera-t-il si vous ne venez pas soulager mes maux de tête ?
— Tu mourras, répondit-il froidement.
Eylen encaissa la nouvelle silencieusement.
— C’est donc comme ça que vous vous assurez que je ne puisse pas fuir... chuchota-t-elle presque pour elle-même.
— Tu comprends vite. Maintenant approche que je calme ce mal de tête.
Eylen s’approcha spontanément, comme pressée de lui obéir et il posa sa main sur son front, soulageant instantanément sa souffrance.
— Est-ce aussi le collier qui fait ça ? Demanda-t-elle, toujours appuyée contre sa main.
— Quoi donc ?
— Le fait que je vous obéisse si facilement...
— Disons qu’il te pousse à en avoir envie, mais il ne t’y force pas, répondit-il en plongeant ses yeux sombre dans les siens.
Elle sentait l’Energie de l’homme, semblable à celle utilisée par Elie et Marwen, circuler à travers sa main et entrer dans son corps, lui donnant une impression de bien-être et de puissance. C’était semblable à ce qu’elle faisait quand elle aspirait les blessures des autres, mais sans la douleur. Elle avait la sensation de remplir un profond vide, comme si cette Energie était une part manquante d’elle-même.
Eylen ferma les yeux et s'appuya un peu plus contre sa main, essayant d’aspirer encore un peu de cette étrange force. L’empereur retire subitement sa main, et elle dut se rattraper pour ne pas tomber en avant. Rouvrant les yeux elle se rendit compte qu’une femme rousse, à la peau halée vêtue de noir se tenait de l’autre côté du lit, fixant sur Eylen des yeux gris et froids. Qahir se pencha en avant, comme s’il voulait se mettre entre les deux femmes.
— Saki, dit-il calmement.
— Maître..., répondit-elle en s’inclinant et posant un genou à terre.
— Le prince est bien arrivé ? Demanda-t-il en sortant du lit.
— Oui.
— Tu peux aller te reposer.
Eylen aperçut la femme se relever et lui jeter à nouveau un regard en coin tout en se dirigeant vers la fenêtre. Elle remonta instinctivement le drap sur elle face à son évidente hostilité.
— Dorogaï, souffla-t-elle entre ses dents.
— Dehors, s’exclama l’empereur avec colère.
La femme sauta à travers la fenêtre sans se retourner, laissant Eylen et l’empereur seuls.
Ce dernier s’avança vers la fenêtre pour le refermer, tournant le dos à la jeune femme.
— Qu’est-ce que Dorogaï ? Demanda-t-elle doucement.
— C’est aisni que l’on nomme ceux de ton peuple de l’autre côté de la frontière, répondit-il en se retournant.
Eylen se releva d’un coup, sortant de lit.
— Mon peuple ? Ils vivent de l’autre côté ?
L’empereur la regarda étonné..
— Tu ne savais pas ? Où as-tu grandi ?
— Ici, je suis née à Elaria.
L’homme s’approcha d’elle et lui prit les épaules.
— Tu ne viens pas du désert ? Tu n’as jamais traversé la frontière ?
— Bien sûr que non ! Je vous ai dit que je ne l’avais même jamais vue !
Il soupira et la relâcha, s’éloignant d’elle en se trottant la nuque.
— Il est temps d’avoir une discussion avec cette fichue prêtresse, se dit-il à lui-même.
Eylen le regarda sans comprendre. Son peuple vivait donc de l’autre côté de la frontière ! Et dire que Marwen et elle n’avaient rien trouvé sur eux dans la bibliothèque de la cité royale. Il fit tinter la petite cloche d’argent pour appeler la domestique qui arriva rapidement.
— Messire, fit la femme blonde en rosissant.
— Remplissez mon bain.
— Bien.
Elle repartit aussitôt, refermant doucement là porte derrière elle. Eylen serra les bras autour d’elle ne sachant pas où se mettre. Il ôta sa tunique en lui tournant le dos, tandis que plusieurs servantes entraient avec des seaux d’eau.
— Mon invitée souhaiterait visiter le jardin intérieur. L’une d’entre vous peut-elle l’accompagner ?
— Oui, répondit la brune, elle s’approcha d’Eylen en s’inclinant. Désirez-vous vous y rendre maintenant ?
Eylen acquiesça de la tête, suivant avec soulagement la femme de chambre hors de la pièce.
L’empereur lui jeta un dernier regard par-dessus son épaule avant qu’elle ne sorte.
— Profite bien, lui dit-il.
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