Chapitre 12
Aodren était en train de finir de s’habiller lorsque son conseiller frappa à la porte de ses appartements.
— Entrez.
—Bonjour majesté, le salua Varen après être entré en s’inclinant respectueusement. C’est un plaisir de vous voir de retour sain et sauf.
Aodren grogna, un sourire amer se dessinant sur ses lèvres à la pensée de ses deux cents chevaliers qui avaient péri dans la forêt de Toren.
— Ce n’est pas grâce à moi… marmonna-t-il tout bas.
— Comment ? L'interrogea le conseiller l’air incertain.
— Rien. Qu’est-ce qui vous amène ?
— Le roi vous demande... Dans son bureau, dit-il avec réticence en grimaçant.
— Oui... je m’en doutais, soupira le prince. Autant régler cette affaire rapidement.
Il se dirigea rapidement vers le couloir, suivit de près par son conseiller.
Une fois devant le bureau du roi, il attendit que le garde l’annonce avant de lui ouvrir la porte.
Le Roi était penché sur une lettre qu’il finissait de signer, sa couronne posée sur un guéridon prévu à cet effet, ses cheveux grisonnant lacés lui retombants jusqu’aux épaules.
Il releva ensuite les yeux sur son fils et lui fit signe de s’installer sur le fauteuil face à lui.
Aodren s’avança mais préféra rester debout, les mains croisées dans son dos.
— Vous m’avez demandé père.
— Oui, j’ai besoin que tu m’éclaircisses sur la situation à Toren. Sire Laren qui t’a précédé m’a fait un bref rapport, mais je veux avoir toutes les informations avant de réunir le conseil.
— Je comprends Majesté.
— Bien, fit le roi en s’adossant à son siège, je t’écoute.
— Je suppose que mon chevalier vous a décrit notre arrivée et la situation à Toren, concernant le second mur et les autres dissimulations qu’à commis le maire de Toren, sire Lughen ?
— Oui, j’en ai été informé, répondit le roi avec une grimace d’agacement.
— Bien, je me concentrerai donc sur l’empereur du désert et de ses agissements dans ce cas.
Son père acquiesça, lui faisant signe de continuer.
— Lorsque nous sommes arrivés, nous avons tout de suite pu voir que la ville était aux mains des étrangers, ceux-ci se promenant dans la ville comme si elle était la leur. Les portes de la cité étaient étrangement gardées et il fallait un laissez-passer pour y entrer. Ils nous ont bien entendu laisser traverser les murs lorsque je me suis présenté.
» L’empereur avait élu domicile dans la demeure de Sire Lughen, et je dirais même qu’il en avait pris le total contrôle.
Le roi grogna et se redressa.
— Le maire Lughen a donc juré fidélité à cet homme ? En dépit des vœux qu’il a prononcés envers la couronne ? demanda-t-il en haussant le ton.
— J’en ai bien peur père, à moins qu’il n’ait agi par crainte. Mais je pencherai plutôt pour son appât du gain.
Le roi souleva un sourcil interrogateur et Aodren s’expliqua :
— Il est évident que l’empereur a fourni au maire de Toren énormément de trésors, ces derniers ayant certainement servi à ériger le second mur de protection et aussi à assurer le silence des marchands et des collecteurs d’impôts...
— Aaaah, on ne peut plus faire confiance à personne... Parle-moi de cet empereur. Comment est-il ?
— Il est puissant et dangereux. Après avoir réduit à néant mon armée de chevaliers, énonça Aodren le cœur lourd, il m’a ensuite donné un message à vous transmettre...
Le roi attrapa deux verres dans un des tiroirs de son bureau et les remplis d’hydromel avant d’en tendre un au prince.
— Et quel est-il ? Questionna-t-il en buvant une gorgée d’alcool.
— Il a dit qu’il ne tarderai pas à marcher sur le palais royal et que ce jour-là, si vous ne l’accueilliez pas avec un drapeau blanc, alors il mettrait à feu et à sang toute la cité et ses habitants. Il a ajouté... que c’était à vous de voir si vous teniez plus à votre couronne qu’à votre peuple...
Le roi ricana en finissant son verre.
— Et combien sont-ils ?
— Ils étaient moins d’une centaine.
— Et vous vous êtes fait massacrer ?! Explosa le roi en frappant son verre contre le bureau. Comment cela est-il possible ? Il s’agissait de tes meilleurs soldats, cela est inadmissible !
Aodren sentit la honte lui brûler les joues, mais ne se laissa pas démonter pour autant.
— Les étrangers sont vraisemblablement bien plus entraînés au combat que nos troupes, ils combattent les monstres de la frontière tous les soir. Nous étions sur leur terrain, ils connaissaient parfaitement les environs, pas nous.
— Ce n’est pas une excuse ! La honte est sur notre royaume.
Aodren serra les mâchoires, sachant que rien ne pourrait apaiser le roi. La colère faisait bouillir son sang et pulser ses veines. Si seulement nous avions été plus nombreux et mieux préparés !
— Enfin, ce qui est fait est fait, lâcha finalement le roi en soupirant. Demain je convoquerai le conseil pour décider de la suite. Va te reposer, tu dois être épuisé par la longue route que tu as parcourue.
Aodren remercia le roi en inclinant la tête et sorti rapidement de la pièce.
Installé dans le siège à gauche du roi, Aodren regardait les dix conseillers entrer dans la pièce et prendre place. Certains lui adressèrent un salut respectueux après s’être inclinés devant le roi, d’autre l’ignorèrent et certains osèrent même lui jeter un regard hautain.
Il ne put s’empêcher de fusiller du regard le Sire Telmar qui venait de l’éviter discrètement. Il est bien plus chaleureux quand il s’agit de me parler de ses précieuses filles. Peu importe, ce n’est pas comme si elles m’avaient intéressé, se dit-il en détournant le regard.
Une fois que tout le monde fut confortablement assis, le roi fit signe aux gardes de fermer la porte.
— Je vous ai convoqué aujourd’hui afin que nous parlions de Toren.
Les conseillers ne montrèrent aucune surprise. Le prince aurait mis sa main à couper qu’ils avaient tous été informés de la raison de cette réunion bien plus tôt par leurs espions. Reste à savoir si certains n’étaient pas déjà au courant de la situation à Toren avant même que je n’y parte en reconnaissance. Ses doutes étaient tout particulièrement tournés vers Sire Paollan, un homme au ventre rond et au crâne entièrement chauve. Ce dernier s’était montré le plus réticent à son expédition lors de leur dernière entrevue et avait ensuite insisté pour qu’il emmène avec lui une armée entière.
— Il me semble que tout le monde n’a pas été informé de la situation, intervint Sire Méolan, assis à droite du roi. Peut-être le prince accepterait-il de nous faire un point sur la situation ?
Le roi acquiesça de la tête et se tourna vers son fils et lui fit signe de s’exprimer. Aodren se redressa et fixa les conseillers avant de commencer.
— Lorsque nous sommes arrivés, nous avons pu constater que la cité de Toren s’était largement agrandie, à tel point qu’ils ont même construit un second mur autour du premier. Il semblerait également que le maire de cité et les marchands entretiennent des relations commerciales et amicales avec le peuple du désert. Et ceux, depuis bien plus longtemps que nous ne l’imaginions, énonça Aodren en jetant un regard appuyé à Sire Paollan, qui était justement le président de la guilde des marchands. Le maire Lughen a selon toute vraisemblance, offert son obéissance à l’empereur du désert et il est fort possible que la population de Toren également.
— Comment ? Oseraient-ils se détourner de la couronne ? Après tout ce que nous faisons pour eux ? S’insurgea l’un des conseillers à la moustache noire.
— Ce que nous faisons pour eux ? Demanda Aodren en levant un sourcil. Que faites-vous exactement pour les habitants de Toren Sire kallus ? Avez-vous envoyé des soldats pour les défendre contre les monstres ? Leur avez-vous proposé d’envoyer l’un des nombreux mages qui servent dans votre ville pour les aider à protéger leurs murs ? Les hommes du désert, qui sont pourtant des étrangers, ont fait cela. Ils les ont protégés, tous les soirs depuis deux ans. A tel point que les habitants de Toren leur vouent admiration et respect...
Le conseiller devenu entièrement pâle baissa les yeux, ne sachant quoi répondre.
— Du calme mon fils, intervint le roi, tes mots sont certes justes, mais la responsabilité incombe avant tout à la couronne. Même si certains conseillers auront des explications à fournir.
Aodren vit du coin de l’œil sire Paollan qui semblait avoir légèrement blêmi.
— Bien que je ne cautionne pas les agissements du maire Lughen, continua le roi, je comprends les habitants de Toren. Si l’empereur a su leur offrir la sécurité dont ils avaient désespérément besoin, il est nlogique qu’il se soient ralliés à lui... Ce sera donc à nous de montrer que nous sommes toujours présents pour eux afin de les rassurer.
Sire Méolan approuva de la tête et certains conseillers firent de même, visiblement soulagés.
— Néanmoins, il semble étrange que nous n’ayons pas été mis au courant de la situation plus tôt, s’exprima Sire Telmar en relevant fièrement le menton. Le collecteur passe tous les ans et les commerçant itinérents s’y rendent également avant de retourner à la cité royale pour l’hiver.
Il finit sa phrase en jetant un rapide coup d’œil à Sire Paollan qui serra les mâchoires. Ah ! La guerre du pouvoir vous rattrape, pensa Aodren avec un petit sourire en coin. Je ne serais pas étonné que Sire Telmar soit intéressé par une place plus haute au sein du conseil...
— En effet, intervint Sire Méolan en fixant le président de la guilde des marchands. Cela est pour le moins étonnant Sire Paollan, les marchands itinérants ne vous auraient-ils pas informé de la situation ?
Aodren jubila intérieurement. Si le président de la guilde répondait par l’affirmative, cela voudrait purement et simplement dire qu’il n’était pas au courant de ce qu’il se passait dans sa propre guilde. À l’inverse, dire qu’il était au courant de toutes cette situation n’était ni plus ni moins qu’avouer sa trahison envers la couronne. Dans tous les cas, il y perdra quelque chose, à voir si ce sera son siège au conseil ou sa tête...
Sire Paollan sembla arriver à la même conclusion que le prince et répondit le visage grave :
— J’en suis malheureusement le plus affligé parmi cette assemblée, sire Méolan. Il semble que ma guilde ne me soit plus entièrement fidèle...
— Vous me décevez Sire Paollan, lui répondit le roi avec froideur, j’avais placé énormément de confiance en vous, mais il semblerait que je me sois trompé.
L’homme devint entièrement livide et baissa la tête.
— Je suis profondément navré de vous avoir déçu mon roi, dit-il d’un ton accablé. Je ne mérite plus la place que j’occupe, j’en suis conscient.
— En effet, reste à savoir où elle se situera dorénavant...
Il prit la cloche qui se trouvait devant lui et la fit tinter pour appeler les gardes. La porte s’ouvrit et les deux soldats entrèrent avant de s’incliner vers le roi.
— Veuillez raccompagner Sire Paollan jusqu’à mon salon, je m’entretiendrai avec lui plus tard.
— Oui Majesté ! Répondirent en cœur les deux hommes avant de s’approcher du conseiller.
Ce dernier s’inclina bien bas face au roi et suivit sans un mot les gardes qui refermèrent la porte derrière eux, laissant la salle du conseil plongée dans un lourd silence.
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