Chapitre 16

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Eylen s’éveilla avec la sensation presque habituelle maintenant d’être dans un endroit totalement inconnu. Encore un lit dans lequel elle avait été déposée durant son sommeil, encore une chambre aux murs et aux meubles totalement étrangers. La seule chose qui lui sembla ironiquement familière fut le regard froid d’Inaya posé sur elle, comme à son accoutumée.

La jeune femme soupira avant de se redresser et étira ses muscles encore légèrement endoloris par la chevauchée à travers la frontière. La douleur fulgurante et l’immense fatigue qu’elle avait ressenties après avoir secouru l’empereur avaient disparu. Seul restait un petit tiraillement dans sa poitrine, comme une étrange sensation de vide.

Elle essaya avec perplexité de comprendre ce qui pouvait à ce point la déranger, sans succès, ses yeux cherchant inconsciemment dans la pièce des traces du passage de l’empereur.

Il doit avoir mille choses à faire, maintenant qu’il est enfin rentré chez lui, songea-t-elle avec une pointe de déception, choquée par ses propres pensées au moment même où elles traversèrent son esprit. Elle secoua vivement la tête pour se remettre les idées en place. Qu’est-ce que ça peut me faire ? Je suis bien contente de ne pas avoir à supporter sa présence !

De l’autre côté de la pièce, la guerrière l’observait avec un étonnement qu’elle parvenait difficilement à camoufler.

— Bonjour, la salua Eylen machinalement.

L’expression de la guerrière se fit encore plus dubitative et Eylen se demanda si elle allait même lui répondre. Quoi ? On ne dit pas bonjour chez vous ?

— Nous nous sommes vus tout à l’heure, lui rappela la guerrière avec sérieux.

Eylen fronça les sourcils, se concentrant sur le moment où elle avait pu croiser cette dernière, mais aucun souvenir ne lui vint.

— Juste après avoir traversé la frontière... insista Inaya.

— Oh ! C’était toi ? Désolée, j’étais trop concentré sur le monstre et...

Elle ne finit pas sa phrase, se rappelant tout à coup l’effrayante scène de combat avec le gigantesque taureau blanc et l’inquiétude qui lui avait ensuite tordu l’estomac lorsque l’empereur était tombé sous lui. Elle avait alors couru instinctivement vers lui pour l’aider, oubliant tout le reste.

Pourquoi ai-je fait ça ? Se questionna-t-elle incrédule. Je n’avais aucune raison de l’aider, au contraire ! S’il avait été tué, j’aurai été libre... Aussitôt, la migraine qui avait disparu revint à la charge, lui vrillant les tympans.

Elle se recroquevilla sur elle-même en gémissant faiblement.

— Satané collier, maugréa-t-elle avec agacement.

— Si tu arrêtais de penser du mal de l’empereur, tu ne souffrirais pas tant, lui dit la guerrière qui s’était approché.

Eylen releva les yeux et vit avec étonnement une certaine compassion se refléter dans les yeux de sa gardienne.

Cette dernière soupira avant de remplir un verre d’eau qu’elle lui tendit.

— Bois, ça aide.

Eylen la dévisagea avec suspicion avant d’accepter le verre et de le boire d’un trait.

— Essais de penser à quelque chose de positif sur l’empereur et ta migraine diminuera, lui dit la guerrière en la fixant calmement.

— Plus facile à dire qu’à faire ! Lâcha Eylen avec un petit rire amer.

— Ce collier n’a pas pour but de faire souffrir son porteur, lui expliqua-t-elle en gardant son calme.

— Vraiment ? C’est pourtant l’impression que j’en ai.

— Il sert normalement de lien entre le porteur et celui qui l'a fermé. À travers lui, aucune hypocrisie n’est possible, seule l’honnête des sentiments subsiste. Il permet à son maître de mieux comprendre le porteur et ainsi de mieux répondre à ses besoins et à ses attentes. C’est un lien très puissant, pour peu que tu l’acceptes...

— Et si je ne veux pas l’accepter ?

— Alors il finira par te tuer... répondit la guerrière en la fixant froidement.

C'est sûr que ça donne tout de suite plus envie de l’accepter... se dit Eylen avec une certaine ironie. Elle poussa un profond soupir avant de fermer les yeux, essayant de trouver une pensée positive sur son geôlier qui pourrait la soulager. Quelque chose de bien... Rien ne me vient. C’est un homme arrogant et autoritaire qui fait ce qu’il veut sans se soucier de ce que veulent ou ressentent les autres !

La migraine reprit immédiatement en puissance, si bien qu’elle eut du mal à se concentrer. Positif, positif ! Se sermonna-t-elle. Aussitôt l’image des yeux sombres et envoûtants de l’empereur lui vint à l’esprit et elle se concentra dessus, sentant immédiatement la douleur diminuer légèrement. Elle s'efforça d’imaginer également les traits de son visage ; la forme de ses yeux légèrement en amande, son nez rectiligne, sa mâchoire prononcée et carrée, sa peau halée, ses lèvres...

Eylen ouvrit les yeux précipitamment, sentant ses joues se réchauffer.

— Alors, ça va mieux ? La questionna la guerrière qui la fixait toujours, adossée contre le mur face à elle.

Eylen passa avec surprise la main sur son front, la migraine n’était plus qu’un faible mal de tête désormais.

— Oui... avoua-t-elle déconcertée.

La jeune étrangère lui sourit, adoucissant instantanément les traits de son visage habituellement fermé.

— Pourquoi m’aides-tu ? Lui demanda Eylen, étonnée.

— C’est juste pour compenser ton aide de tout à l’heure, lui répondit la guerrière en se détournant. Tu as soigné mon maître, je soulage tes maux de tête. Un prêté pour un rendu.

Eylen haussa les épaules et se décida enfin à sortir du lit. S’étirant à nouveau, elle observa ses habits salis par la longue chevauchée. Un bon bain ne me ferait pas de mal, pensa-t-elle en fronçant le nez.

Comme si on avait lu dans ses pensées, quelqu’un  frappa à la porte et une magnifique servante à la peau bronzée et au long cheveu noir ondulés apparu, portant une pile de vêtements pliés dans ses bras.

— Je venir aider à préparer vous, dit-elle avec un grand sourire.

Elle portait un étrange pantalon bouffant dont le tissus bleu transparent laissait apercevoir ses jambes et un haut qui laissait découverts ses bras et son ventre, le tout décoré de broderies argentées et brillantes.

Eylen acquiesça et jeta un coup d’œil inquiet aux vêtements blancs qu’elle portait dans ses mains, espérant que la tenue qui lui était destinée n’était pas aussi exubérante que celle de la servante.

La jeune étrangère passa devant elle, posa les vêtements sur le bord du lit et fit signe à Eylen de la suivre dans la pièce adjacente. La jeune femme découvrit alors une pièce entièrement recouverte du sol au plafond de petits morceaux de pierres lisses et colorés. Au milieu de la pièce, enfoncée dans le sol, était creusée une étrange baignoire carrée remplie d’eau trouble dont s’échappaient de petits nuages de vapeur blanche.

La servante aida Eylen à se dévêtir avant de lui faire signe d’entrer. La jeune femme plongea un pied qu’elle posa sur la première marche du bain et sentie avec bonheur la douce chaleur lui caresser la peau. Sans hésitation, elle avança le deuxième pied et finit de s’installer confortablement dans l’eau qui lui détendit ses muscles endoloris tout en poussant un petit soupir de soulagement.

La servante s’approcha alors d’elle avec une éponge et un savon.

— Je m’en occupe, fit Eylen en levant la main, gênée.

La servante la fixa, dubitative.

— Je devoir vous laver, dit-elle avec fermeté.

— Je fais, insista Eylen en rougissant. Je n’ai pas besoin d’aide, merci.

Elle prit l'éponge et le savon des mains de la servante sans lui laisser le temps de répliquer et commença à faire mousser le produit sous le regard perdu de la servante. À l’entrée de la pièce, elle entendit le petit rire amusé d’Inaya qui les observait en souriant.

— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ? La questionna Eylen en se renfrognant.

— Tu ne sais vraiment pas choisir tes combats, lui répondit la guerrière en levant un sourcil.

— Tout n’est pas un combat, lui dit la jeune femme en relevant le nez. Je n’ai tout simplement pas besoin d’aide pour me laver, c’est tout. Ni de spectatrice d'ailleurs.

Elle articula ces derniers mots tout en jetant un regard insistant à la guerrière qui ne se démonta pas pour autant.

— Je dois te garder à l’œil jusqu’à que l’empereur revienne.

— C’est ridicule, fit Eylen en lui tournant le dos. Je ne vois pas bien où je pourrais m’enfuir...

Surtout maintenant que nous sommes de l’autre côté de la frontière... pensa-t-elle avec une note de tristesse. 

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