Chapitre 17
Marwen ouvrit les yeux sur une pièce aussi sombre que la précédente, seule la chaleur et la sècheresse ambiante différait de sa précédente cellule, sous le manoir de Toren.
Tous les muscles de son corps étaient engourdis et sa vision encore floue à cause de la drogue qu’on lui avait fait ingérer de force. Il laissa ses yeux s’accoutumer à la noirceur de la pièce et plongea au fond de lui afin de percevoir son Energie, mais se trouva bloqué, comme face à un mur invisible, incapable de l’atteindre. C’était la même chose depuis des jours, l’empereur, ou l’un de ses sous-fifres, avait bloqué son pouvoir sans qu’il ne sache comment.
Il ragea intérieurement en se relevant du matelas sur lequel on l’avait laissé, inconscient.
— Enfin réveillé ? Le questionna une voix profonde à l’autre bout de la pièce.
Marwen sursauta et se tourna vivement vers l’angle sombre de la pièce, où était assis l’empereur sur une simple chaise de bois. Le mage ajusta ses lunettes sur son nez tout en se raclant la gorge, le goût âcre de la valériane lui restant sur la langue.
— Vous m’avez drogué...
— je ne voulais pas prendre le risque que vous ne tentiez quelque chose lors de notre traversée de la frontière, répondit calmement l’empereur en le fixant.
Nous avons donc passé la frontière, songea-t-il en sentant son estomac se serrer.
— Prenez donc une chaise, continua l’homme en poussant devant lui une seconde chaise en bois.
Une sphère brillante s’alluma lorsque l’empereur passa sa main dessus et éclaira la petite pièce en terre creusée. Marwen remarqua alors la petite table sur laquelle était accoudé son interlocuteur, un pichet et un verre posés au centre. Il passa sa langue sur ses lèvres gercées, sentant la soif lui assécher la gorge.
L’empereur lui désigna la chaise de la main, l’invitant à s’asseoir et versa un peu d’eau dans le verre. Marwen s’avança, s’assit tout en l’observant et joignit les mains sur ses cuisses.
— Je suis venu vous proposer un marché, annonça l’empereur en poussant le verre d’eau vers le mage.
Marwen fixa le verre en salivant et serra ses mains l’une contre l’autre avant de répondre.
— Et en quoi consiste ce marché exactement ?
— Je veux que vous aidiez Rainir à former mes futurs mages.
— Et pourquoi ferais-je cela ? Vous allez utiliser ces mages pour attaquer Elaria. Je ne trahirais pas mon royaume, répondit fermement le mage en se redressant.
— Et c’est tout à votre honneur mage, mais cette loyauté dont vous faites preuve ne vous sauvera pas la vie, moi si. Vous pourriez déambuler librement, sans chaînes et jouir des privilèges que je vous accorderais.
Marwen croisa les bras sur son torse sans répondre. Il ne céderait pas pour si peu et il était hors de question qu’il aide l’empereur à créer une armée de mages.
— Sans parler de la possibilité de pouvoir enfin utiliser la magie dont vous êtes privé depuis des jours, continua l’empereur en portant le verre d’eau à sa bouche qu’il engloutit en quelques gorgées.
Marwen déglutit avec peine tout en continuant de le fixer sévèrement, toujours assoiffé.
— Je ne trahirais pas Elaria.
— Je ne vous demande pas de trahir les vôtres, il s’agit simplement d’apprendre à de potentiels mages à utiliser leur Energie et à se protéger, rien de plus.
L’empereur reposa le verre et le remplit à nouveau avant de le pousser à nouveau vers lui.
— Réfléchissez bien avant de me répondre mage, je ne vous referais pas la même proposition deux fois... Vous n’êtes plus à Elaria, personne ne viendra vous secourir ici...
— Je veux voir mon assistante... finit par dire Marwen après une certaine hésitation.
L’empereur le fixa du regard, où se peignit une sourde colère.
— Je veux bien apprendre à vos futurs mages à utiliser leur talent et à se protéger, rien de plus. Je ne leur apprendrai aucun sort offensif et je ne vous donnerai aucune information sur Elaria, de quelle nature que ce soit. En échange, en plus d’être libéré de l’étrange sort qui m’empêche d’user de ma magie, je souhaite pouvoir rencontrer Lyne et m’entretenir avec elle, continua-t-il en bombant le torse pour se donner de l’assurance.
L’empereur le toisa un instant avant de finalement sortir de sa poche un étrange petit cercle doré qu’il posa sur la table devant le mage.
— Soit, je ferais en sorte que vous puissiez rencontrer Lyne, dit-il en insistant sur le nom de la jeune femme, et vous pourrez également utiliser librement votre magie, à condition que vous enfiliez ce bracelet.
Marwen observa l’étrange bracelet avec méfiance mais ne ressentit aucune Energie s’en dégager, indiquant qu’on lui aurait jeté un sort.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Une preuve de votre sincérité, et l’assurance pour moi que vous ne me trahirez pas... Je ne peux pas vous forcer à le mettre, vous devez l’enfiler de votre plein gré, continua l’empereur devant la suspicion du mage.
Marwen saisit le fin bijou doré et l’examina en détail. Il était parfaitement lisse et aucune démarcation ne laissait entrevoir d’ouverture, une fine ligne noire courant à l’intérieur.
— Comment cet objet peut-il vous assurer que je ne vous trahirai pas ?
— Si vous tentez quoi que ce soit pour me nuire en le portant, alors vous mourrez, répondit l’empereur d’une voix glaciale.
Alors, soit je refuse le marché et je meurs, soit j’accepte, mais je mourrai si je tente quoi que ce soit pour le trahir.
Marwen soupira et enfila le bracelet en serrant les dents. Aussitôt sa main passée au travers, le métal se mit à chauffer et se resserra immédiatement autour de son poignet, devenant trop petit pour être retiré.
Le cœur du mage s’affola sous la surprise, le souffle coupé, il essaya instinctivement de retirer le bijou qui refusa de bouger.
— Nous avons donc un accord, s’exclama l’empereur en se relevant subitement. Il s’approcha de Marwen, posant une main sur son épaule. Buvez donc un peu d’eau mon ami, vous semblez assoiffé. Rainir vous attend dans le couloir, il vous mènera à la chambre que vous partagerez ce soir.
Sur ces mots, il quitta la pièce, laissant Marwen seul face à son verre d’eau. Son bras gauche, désormais serti d’un fin bracelet doré, attrapa le verre d’une main tremblante avant de l’avaler d’un trait avec soulagement.
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