Chapitre 19
Lorsque Marwen ressortit du bain des hommes, vêtu d’un ensemble en lin clair, le soleil était entièrement couché et des centaines de bougies éclairaient la petite cour intérieure. Il se sentait enfin propre, le menton rasé de près et les cheveux coiffés en arrière.
Rainir, qui l’avait rejoint, était également habillé d’une tenue similaire dans les tons ocres, contrastant avec le teint clair de sa peau. Ils aperçurent un groupe de jeunes Elarien qui suivaient gaiement une des servantes vers l’autre bout du couloir. Ils étaient une dizaine de tout âge, la plus âgée semblant à peine avoir atteint la majorité et arborant une longue tignasse brune emmêlée.
— Maître Rainir ! S'exclama un jeune garçon aux cheveux blonds, ses grand yeux noisette brillants d’excitation.
— Léon, je vois qu’on t’a également offert une tenue pour les festivités de ce soir.
Le garçon avait en effet revêtu un pantalon court et une tunique en soie verte serrée à la taille par un foulard doré.
— Oui ! On a pu se laver dans un grand bain avec du parfum et du savon moussant ! Ensuite, les servantes nous ont apporté des tenues et nous ont dit qu’il y avait une fête pour nous accueillir ce soir !
Rainir tapota amicalement la tête du garçon en lui souriant.
— Du calme Léon. Je te présente maître Marwen, dit-il en tendant la main vers le guérisseur. Il m’aidera à vous former désormais.
— Enchanté Léon, le salua Marwen en lui souriant.
— Bonjour, répondit le garçon en inclinant timidement la tête.
— Léon est l’un de mes élèves les plus prometteur, expliqua Rainir. C’est aussi le plus jeune du groupe, malgré cela il a de suite accepté de se joindre à l’empereur pour traverser la frontière.
— Oui, je veux devenir un grand mage et rentrer dans l’armée impériale pour libérer le peuple des sables de la frontière, récita Léon en serrant les poings et en bombant le torse.
— C’est tout à ton honneur Léon, le gratifia Rainir. Allez, il est temps d’aller profiter de notre fête de bienvenue.
Marwen les suivit vers la grande salle de banquet fortement éclairée de centaines de lanternes colorées et décoré de longs voiles de toutes les couleurs qui pendaient du plafond.
Un groupe de musiciens jouaient un air entrainant et totalement inconnu au mage qui se surprit à en apprécier la mélodie dépaysante. Une longue table basse remplie de dizaines de mets différents était installée au centre de la pièce autour de laquelle certains guerriers étaient installés, assis sur de petits coussins colorés.
Des servantes les accueillirent avec de grand sourire, leur distribuant des verres remplis d’alcool aux épices d’où s’échappait une douce odeur de cannelle. Rainir récupéra promptement le verre que Léon portait à ses lèvres et fit signe aux servantes de le reprendre.
— Non pas d’alcool pour nous, merci. Les apprentis mages ne boivent pas d’alcool Léon, fit-il en réponse au regard attristé de l’enfant. C’est trop dangereux quand on ne sait pas contrôler son pouvoir.
Le garçon soupira avant de suivre ses amis vers la table du banquet. Plusieurs guerriers avaient tourné leurs regards dans leur direction, discutant entre eux dans leur langue natale. Marwen les observa du coin de l’œil et se racla discrètement la gorge. La dernière fois qu’il avait croisé ces guerriers, il avait fini avec une dague dans le ventre et il ne tenait pas à réitérer l’expérience. Il tenta instinctivement de faire appel à son Energie, mais cette dernière était toujours hors d’atteinte, il sera les dents, laissant échapper un juron.
— Calmez-vous, lui dit Rainir en se mettant entre lui et la table. Ils ne vous feront rien.
— Vous êtes bien sûr de vous, répondit Marwen en essayant de se calmer.
— Maintenant que vous portez ce bracelet, vous appartenez à l’empereur, ils ne s’en prendront pas à vous... À moins que l’empereur ne leur ordonne.
— Voilà qui est rassurant, blagua le mage en lui adressant un sourire en coin.
Rainir haussa les épaules avant de s’avancer vers la table de banquet. Marwen s'apprêtait à le suivre lorsqu’un groupe de femmes à la longue chevelure rousse les dépassa, se dirigeant vers l’autre bout de la salle. Elles portaient toutes des tenues blanches identiques faites d’un pantalon bouffant serré à la taille et aux chevilles et d’un bandeau de tissu couvrant leur poitrine, laissant à découvert leur ventre plat et musclé. Leurs cheveux, étaient tressés avec de petits fils dorés, retombaient dans le bas de leur dos et toutes portaient autour de leur cou le même collier doré que Rainir.
Marwen les suivit du regard tandis qu’elles s’avançaient vers un homme assis en bout de table. Il reconnut alors l’empereur, ce dernier portant un simple gilet blanc sur son torse nu, dévoilant ainsi son étrange cicatrice circulaire. Le groupe de femme s’inclina devant lui avant de s’installer tout autour de la table. Une femme était assise à ses côtés sur le bout de la table, sa peau blanche contrastant avec celle halée de ce dernier. Elle portait une robe faite de voiles noirs transparents et brodée de fils argentés qui retombait jusque sur ses poignets. Le col en v de sa tenue dévoilait son cou sur lequel brillait un fin cercle doré. Ses longs cheveux noirs étaient coiffés d’un fin lacet d’argent qui ceignait son front et retombaient librement sur ses épaules.
C'est étrange, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part.
— Vous venez ? L'appela Rainir toujours installé à table.
— Hein ? Ah, oui... J’arrive, dit-il le regard toujours fixé sur la femme. Je vais aller me chercher un verre finalement.
Il n’entendit pas la réponse de Rainir, trop occupé à observer l’étrange compagne de l’empereur. Il ne s’agissait pas d’une native du désert, vu la couleur claire de sa peau, pourtant elle était installée juste à côté de l’empereur, ce qui laissait supposer qu’elle était soit proche de lui, soit quelqu’un de suffisamment important pour occuper cette place.
Elle n’était pas présente lors de notre rencontre avec Aodren. Peut-être était-elle cachée ? Ou alors elle l’aurait rejoint ensuite ?
Mais il était certain que seuls quelques jours étaient passés depuis sa capture. Cette femme était donc soit déjà présente à Toren lorsqu’il avait rencontré l’empereur pour la première fois, soit elle était restée ici, de l’autre côté de la frontière.
Il fut interrompu dans ses pensées quand ses yeux croisèrent enfin ceux de la femme. Il n’en avait jamais vu de tels. Ses yeux bridés, fixés sur les siens, étaient d’un bleu clair et pur presque cristallins et semblaient plonger au plus profond de son être.
— Marwen. L'entendit-il prononcer doucement.
Il reconnut aussitôt la douce voix de Lyne, son assistante depuis deux ans.
— Lyne ? Fit-il abasourdit.
Les joues de la jeune femme se teintèrent de rose et elle lui jeta un regard gêné. C’était donc à cela qu’elle ressemblait sans son bandeau. Marwen s'était un moment interrogé sur le sujet, mais n’avait finalement jamais demandé à la jeune femme par crainte de la mettre mal à l’aise. La vielle Elie s’est bien moquée de moi ! Pff, une malédiction ? Bien sûr ! Marwen, tu es un idiot. La vielle guérisseuse lui avait expliqué dans sa lettre que sa jeune protégée avait des yeux bridés particuliers semblables à ceux du conteur Sirian qui était connu dans tout le royaume. Elle l’avait également défendu de demander à la jeune fille de les lui montrer, prétextant que ces derniers avaient été déformés par une malédiction rare. Ça m’apprendra à croire tout ce que me raconte cette vielle farceuse.
Lyne se leva pour le rejoindre mais fut retenue par la main de l’empereur qui lui saisit vivement le poignet, la stoppant dans son mouvement. Elle se tourna vers ce dernier, dégageant violemment sa main avant de la frotter tandis qu'il adressait un sourire poli à Marwen.
— Mage Marwen, vous vous êtes donc joint à nous ! Installez-vous, je vous en prie, lui dit-il d’un ton assuré.
Marwen serra les machoires et prit une courte inspiration avant d’obéir, s’installant à gauche de Lyne.
— Comme promis, vous pouvez voir de vos propres yeux que votre ancienne assistante se porte bien et qu’elle n’est pas mal traitée.
Marwen pinça les lèvres tout en jetant un rapide coup d’œil au collier qui cerclait le cou de la jeune femme. L'avait-elle également mis de son plein gré ou l’y avait-on forcé ? Vu le regard haineux que lançait la jeune femme à l’empereur, il était certain qu’elle n’était pas ravie d’être installée à ses côtés et Marwen ressenti une bouffée de soulagement à cette pensée. Elle pâlit aussitôt, portant une main à son front.
L’empereur l’ignora et fit mine de rien tout en continuant d’observer Marwen avec un petit sourire.
— Vos appartements vous conviennent-ils ? J’ai demandé à ce qu’ils soient plus confortables que les précédents.
— Oui, cela convient tout à fait votre grandeur, répondit Marwen en ajustant machinalement ses lunettes.
— Avez-vous rencontré vos futurs disciples ?
— Rapidement, maître Rainir me les a présentés juste avant la soirée.
Lyne releva la tête, adressant un regard étonné au mage qui détourna le regard, mal à l’aise.
— Je vois que vous prenez grand soin de mon assistante... continua-t-il en posant le regard sur la main de l’empereur, de nouveau posée sur le bras de la jeune femme.
Ce dernier sembla resserrer imperceptiblement sa prise lorsqu’il répondit :
— Il ne s’agit plus de votre assistante désormais, mage. Il se trouve qu’Eylen était justement la personne que je cherchais à retrouver, et vous m’y avez fortement aidé. Pour cela je vous remercie.
Marwen le regarda sans comprendre, puis croisa le regard honteux de son assistante qui baissa finalement les yeux. Il ouvrit les yeux de surprise en comprenant qu’il s’agissait du nom de la jeune femme, et au vu de sa réaction, ce dernier était certainement le vrai. Que lui avait-elle caché d’autres ? Entre ses étranges yeux à la couleur unique et son nom, le mage ne savait plus que penser.
— Je vois... fit-il en adressant un faible sourire à son hôte. J’avoue être assez étonné par ce que vous m’annoncez, mais je suppose que c’était l’effet recherché...
— N’en soyez pas trop offensé, mage. On ne connaît jamais réellement les gens qui nous entourent...
— En effet, c’est une leçon que je garderai en mémoire. Si vous permettez, je vais me retirer.
— Bien sûr, profitez bien de la soirée.
Marwen se releva et repartit en direction de l’entrée sans se retourner tandis qu’il entendait la jeune femme prononcer son nom.
— Marwen...
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