Chapitre 20

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La servante aida Eylen à enfiler sa tenue faite d’un fin tissu noir soyeux et l’observa ensuite avec un sourire satisfait.

Elle lui adressa quelques mots dans sa langue qu’Eylen ne comprit pas, reconnaissant simplement le terme Mokhtar qu’Inaya avait un jour employé dans l’une de leur conversation et se contenta d’acquiescer poliment.

— Qu’a-t-elle dit ? Demanda-t-elle à la guerrière en l’observant à travers le miroir de la coiffeuse devant laquelle elle était assise, tandis que la servante s’affairait à démêler ses cheveux

La guerrière sembla hésiter un instant avant de répondre, Eylen ne la quittant pas du regard, elle finit par céder en soupirant.

— Elle dit que l’empereur sera content lorsqu’il verra de sa nouvelle épouse... finit-elle par dire en faisant une moue agacée tout en jetant un coup d’œil insistant au décolleté provocant de la tenue d’Eylen.

Eylen rougit instantanément, essayant tant bien que mal de ramener le tissu de sa robe jusque sur son cou.

— Quelle nouvelle épouse ? Il n’a jamais été question que j’épouse l’empereur ! S'emporta-t-elle en se relevant d’un bond.

Inaya posa une main sur son épaule avec fermeté pour la rasseoir sur sa chaise.

— Du calme, ce ne sont que les imaginations hasardeuses d’une simple servante. L’empereur n’épouserait jamais une Dorogaï comme toi.

Eylen lui jeta un regard mauvais, ne sachant pas si elle devait se réjouir de la réponse de la guerrière ou s’en offusquer.

— Alors pourquoi la servante a-t-elle fait cette supposition dans ce cas-là ?

— Par ce que tu portes ce collier, répondit l’étrangère en pointant son cou. Il symbolise le lien qui unit l’empereur à ses épouses Suharis.

— Ses épouses ? Il en a plusieurs ?

— Oui, nous sommes dix-sept en tout.

Eylen ouvrit de grands yeux, choqué de cette révélation. Dix-sept femmes 

— Pff... tu pensais que l’empereur n’était pas marié ? Lui demanda la guerrière avec un rictus moqueur. Les femmes se bousculent juste pour le rencontrer.

Elle approcha son visage du sien, plongeant ses yeux gris dans ceux de la jeune femme.

— Certaines même, te tueraient pour pouvoir prendre ta place... lui chuchota-t-elle en souriant.

Eylen blêmit et recula son visage de la femme.

— Je leur laisse ma place volontiers si elles la veulent, répondit-elle néanmoins, la gorge soudainement sèche.

Inaya ricana et recula contre le mur opposé, laissant la servante s’affairer sur les préparatifs d’Eylen.

— Pourquoi me prépare-t-on ainsi ?

— l’Hadjib organise une fête pour le retour de l’empereur, et pour accueillir les Elariens qui l’ont rejoint.

— Je vois...

Elle songea au petit Léon qu’elle avait rencontré dans le jardin du maire de Toren. Avait-il traversé la frontière avec eux ? Il semblait plutôt excité par l’idée lorsqu’il en avait parlé au mage Rainir. Qu’en est-il de maître Marwen ? A-t-il lui aussi été forcé de traverser la frontière ? Peut-être l’empereur l’a-t-il laissé à Toren ? Eylen soupira en songeant à son maître pour qui elle s’inquiétait. L’empereur avait accepté de la laisser le rencontrer, mais ce n’était toujours pas le cas. Peut-être est-il resté à Elaria ? J’espère pour lui, même si cela veut dire que je ne le reverrai pas...

La servante venait de finir de démêler sa longue chevelure quand l’empereur entra dans la chambre. Il resta un moment dans l’entrée à l’observer silencieusement de la tête aux pieds, son regard la parcourant de part en part si bien qu’elle se détourna en sentant ses joues rougir de honte.

La tenue qu’on lui avait amenée était la tenue la plus extravagante qu’elle ait jamais porté. Le tissu noir de la pièce principale, une longue robe noir tombant avec fluidité sur ses chevilles, démarrait en deux fines bretelles qui formaient un col en v, dévoilant le haut de sa poitrine et l’intégralité de son dos jusqu’à la naissance de ses fesses. Une seconde pièce, faite dans un voilage transparent de la même couleur, était cousue aux bretelles de la robe, couvrant ses bras et son dos sans rien en cacher pour autant, l’ensemble étant brodé de fils d’argent brillant.

L’empereur se racla la gorge avant de se diriger sans un mot vers la salle de bain, laissant Eylen et la servante à leurs préparatifs tandis qu’Inaya le suivait silencieusement.

Ils échangèrent quelques mots dans leur langue natale et la guerrière sortie rapidement de la chambre sans un regard à Eylen. Cette dernière ne s’en offusqua pas, elles n’étaient pas proches au point de se saluer ou de se dire au revoir.

Elle tendit l’oreille pour essayer de deviner ce que faisait l’empereur, laissant la servante nouer ses cheveux avec efficacité et entendit le clapotement de l’eau lorsque ce dernier entra dans le bain.

Elle ne pouvait s’empêcher d’être consciente de la présence de l’homme dans l’autre pièce, incapable de se concentrer sur autre chose que le son de l’eau qui résonnait contre les murs. Les battements de son cœur n’avaient cessé d’accélérer depuis son entrée dans la chambre, si bien qu’ils tambourinaient à présent fortement dans sa poitrine jusque dans ses oreilles.

— vous être belle, lui dit la servante dans son dos, la faisant sursauter.

Elle venait de poser sur le front d’Eylen un lacet brillant en argent dont de petites feuilles en métal retombaient magnifiquement sur sa chevelure d’ébène et lui adressait un sourire encourageant.

— Merci, répondit Eylen machinalement.

Elle s’observa dans le miroir de la coiffeuse, découvrant une femme inconnue ressemblant à une princesse d’un pays lointain qui lui renvoyait un regard confus. Est-ce vraiment moi ? Les yeux bleus de son reflet étaient plantés dans les siens comme s’ils pouvaient lire en elle, y voyant des choses qu’elle-même ne pouvait imaginer.

La servante s’approcha alors de son visage, un petit coffre de bois vernis dans la main.

— Maquillage, lui dit-elle simplement en ouvrant la boite.

Sous le couvercle, de petits contenant étaient remplis de poudres colorées et autres crème étrange.

— Fermer les yeux.

Eylen obtempéra, curieuse de voir ce que cela donnerait une fois appliqué sur sa peau et laissa la femme s’occuper de son visage.

Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle découvrit avec étonnement son reflet dans le miroir. La servante avait apposé du noir sur ses cils, du bleu brillant sur ses paupières et lui avait poudré les joues de blanc, lui donnant un teint de poupée.

Elle croisa alors le regard sombre de l’empereur qui la dévisageait, adossé au mur opposé. Il avait revêtu un pantalon et un gilet sans manches blanc, dévoilant ses bras et son torse. Le regard d’Eylen fut immédiatement attiré par l’étrange cicatrice qui se dessinait sur sa poitrine, traçant une tache blanche parfaitement lisse sur sa peau bronzée.

— Tu es prête. Allons-y, lui dit-il en s’approchant d’elle.

La servante s’écarta pour la laisser se relever et elle se tourna vers l’empereur sans savoir quoi faire. Elle croisa ses bras contre sa poitrine, essayant tant bien que mal de camoufler sa gêne et s’avança vers la porte de la chambre. Elle entendit alors l’empereur rire doucement avant de la rejoindre.

— As-tu froid ? Lui demanda-t-il d’un air moqueur tout en lui ouvrant la porte.

Eylen le regarda, étonnée par tant de galanterie et décida de ne pas répondre à sa provocation, le dépassant simplement pour sortir dans le couloir.

Malheureusement pour elle, elle ne connaissait pas du tout l'endroit où elle se trouvait et se figea donc sur place, observant l’architecture étrange des lieux.

— C’est de ce côté, l’interpella l’empereur en posant une main dans son dos pour lui faire faire demi-tour.

Eylen se dégagea vivement en faisant un pas de côté, embarrassée par ce contact soudain et senti sa peau la picoter là où il l’avait touchée.

L’empereur la dépassa sans prêter attention à son geste et avança d’un pas rapide sur le sol pavé de pierres claires, la guidant jusqu’à la salle de réception.

Dix-sept femmes ! Se dit Eylen en le suivant avec irritation.

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