Chapitre 26

6 minutes de lecture


Eylen entendait les acclamations de la population à travers les rideaux du petit carrosse. Les longues planches qui servaient à la faire glisser sur le sable avaient étaient retirées pour libérer deux grandes roues, permettant ainsi au véhicule de rouler sur la terre ferme, toujours tiré par un grand cheval massif.

La jeune femme regrettait presque de ne pas pouvoir chevaucher librement la monture qui lui avait attribuée lors de la traversée de la frontière. Presque, si elle oubliait la douleur que cela avait engendrée dans le bas de son dos. Pour autant, voyager en calèche des heures durant n’était pas forcément des plus agréable non plus, et il lui tardait de pouvoir enfin descendre de cette fichue embarcation.

Inaya aussi semblait s’impatienter, gigotant sur son siège tout en essayant d’observer l’extérieur à travers le fin rideau blanc.

Eylen luttait contre son irrépressible envie de soulever le fin tissu et jeter un œil à la foule.

— Jusqu’où allons-nous, comme ça ? S'impatienta-t-elle en regardant la guerrière.

Cela faisait une bonne dizaine de minute qu’ils avançaient au pas, au travers de la foule grandissante et bruyante.

— Sur la grande place de la ville, devant l'entrée du palais impérial.

Eylen acquiesça, sentant l’excitation envahir son corps. À quoi pouvait bien ressembler un palais impérial ? Était-il plus grand que le palais royal ? Elle avait plusieurs fois observer le palais royal d’Elaria, ce dernier jouxtant la bibliothèque de la cité, s’émerveillant devant son architecture imposante.

Soudain, la procession s’arrêta et la porte de la voiture s’ouvrit, éclairant vivement l’habitacle. Une main apparue alors dans l’ouverture, paume tendue vers le ciel.

Eylen hésita, fixant silencieusement l’avant-bras de l’empereur, paralysée par le stress.

Inaya lui donna un rapide coup de pied et lui fit signe de sortir.

Lorsque sa peau toucha celle de l’empereur, la peur et le stress qui avaient pris possession d’elle disparurent instantanément et elle prit une grande inspiration avant de sortir de la voiture.

L’empereur lui jeta un bref coup d’œil, s’assurant certainement qu’elle portait correctement son bandeau puis commença à avancer vers le centre de la place. Des centaines, voire des milliers de gens, étaient rassemblés autour de la place, tenus à distance par des gardes vêtus d’étranges robes noires.

Eylen sentait le regard des gens fixés avec intérêt sur elle. Le brouhaha des acclamations était assourdissant et la jeune femme sentit sa poitrine se serrer. L’empereur fit un signe discret de la main à l’un des gardes en noir et aussitôt l’air devint soudain lourd et oppressant, faisant taire instantanément la foule.

Lorsqu’Eylen réussit enfin à respirer convenablement, elle releva les yeux et observa les étranges habitations blanches au toit plat qui jouxtaient la place.

— Regarde devant toi, lui chuchota tout bas l’empereur.

Elle s’exécuta et découvrit derrière les silhouettes de deux femmes, une gigantesque porte dorée, magnifiquement sculptée entre deux grands murs d’un blanc étincelant. Derrière la porte ouverte, elle aperçut au loin une seconde place, arborées de plantes vertes et d’arbres gigantesques dont les grandes feuilles dépassaient du mur.

La jeune femme ne put s’empêcher d’ouvrir grand la bouche devant ce spectacle éblouissant. La pression de la main de l’empereur dans la sienne la ramena pourtant à la réalité et elle s’empressa de reprendre un air calme et impassible. Inutile de te donner en spectacle ! Se maugréa-t-elle.

Ils s’arrêtèrent enfin devant les deux femmes qui les attendaient. L’une était vêtue d’une robe blanche et sobre, rappelant les tenues des guerrières Suharis. Ce doit être la princesse des Suharis, Shaïa, se dit Eylen en découvrant sa longue chevelure rousse tressée, décorée de fleurs en argent.

Inaya lui avait fait un bref résumé des deux premières épouses de l’empereur, qu’elle risquait de rencontrer à leur arrivée dans la cité.

— Bon retour chez vous, mon époux, dit alors la seconde femme d’une voix douce et claire.

La femme qui avait parlé s’avança d’un pas avant de s’incliner respectueusement. C’était une femme brune, à la longue chevelure ondulée qui tombait en magnifiques boucles sur ses épaules. Elle portait une longue robe en satin bleu clair qui lui couvrait les chevilles. Ses bras étaient laissés nus, dévoilant plusieurs bracelets et bijoux dorés.

Elle releva la tête et posa ses grands yeux noisette sur Eylen, ses traits restants totalement dignes et impassibles tandis qu’elle la dévisageait. Pourtant la jeune femme vit se refléter dans son regard une sourde colère lorsque ses yeux se posèrent sur la main que l’empereur tenait fermement.

Voici donc la princesse Nora, la fille du précédent empereur. Et première épouse de l’empereur... songea  Eylen qui eut soudainement envie de remonter dans sa carriole et d’y rester caché, même si cela signifiait être bloqué durant des heures encore avec pour seule compagne Inaya 

— Ravie de voir que vous êtes revenu en bonne santé empereur, intervint alors Shaïa en s’inclinant à son tour.

La première épouse lui jeta un bref regard dédaigneux, semblant agacée par son intervention.

— Je suis moi-même heureux de voir que la cité a été si bien entretenue durant mon absence, répondit l’empereur en pesant ses mots. Vous n’étiez pas obligées de vous déranger pour m’accueillir.

— Nous le devions, votre grandeur, répondit aussitôt Nora avec fermeté.

Eylen crut entendre l’empereur soupirer.

— Allons-y, j’aimerais me reposer, maintenant que je suis rentré.

Il commença à avancer, mais la princesse restait figée sur place, devant eux, dévisageant Eylen avec une animosité mal dissimulée.

— Souhaitez-vous également vous rendre au palais des concubines ? Questionna-t-elle en relevant les yeux sur l’empereur.

— Je n’en vois pas l’utilité, les guerrières Suharis sauront trouver leur chemin toutes seules, lui répondit-il en la dépassant, tirant Eylen derrière lui.

Il continua d’avancer obstinément vers la porte, les deux femmes leur emboîtant le pas silencieusement. Une fois le mur traversé, ils débouchèrent sur une grande cour pavée, bordée d’étrange plantes vertes aux grandes feuilles et au centre duquel trônait une grande fontaine en pierres grises. Le chemin se séparait en trois bifurcations, chacune menant à d’autres portes dorées.

Les guerrière Suhari entrèrent elles aussi dans la cour, suivant la princesse Sahïa. Une fois arrivées au centre elles s’inclinèrent respectueusement vers l’empereur et se dirigèrent vers la droite pour rejoindre leur palais.

L’empereur continua d’avancer tout droit traversant une autre cour intérieure, avant de s’arrêter devant un large escalier en pierres blanches.

Eylen découvrit alors un gigantesque palais, fait de murs blancs et de colonnes sculptées, deux grandes tours dépassaient du bâtiment, leur toit en forme de goutte doré brillant de mille feux sous les rayons du soleil.

Une rangée de gardes coiffés de turban aussi sombre que leur robe les attendait en haut des marches, inclinés respectueusement, tête vers le sol. Ils dépassèrent les gardes et s’apprêtèrent à s’engager dans le palais quand l’empereur s’arrêta net.

— Je ne t’ai pas invité à me suivre Nora, dit-il froidement en gardant les yeux fixés devant lui.

Eylen se retourna pour voir la princesse qui se tenait à quelques pas derrière eux. La femme sembla choquée par les paroles de l’empereur, mais inclina tout de même docilement la tête.

— Bien. Je me retire dans ce cas... répondit-elle avant de faire demi-tour.

Eylen la regarda s’éloigner la démarche raide, ne pouvant s’empêcher de ressentir une certaine peine pour la princesse. Elle réalisa alors qu’elle se retrouvait seule avec l’empereur, ce dernier lui tenant toujours fermement la main. La jeune femme sentait la colère bouillir tout autour de lui.

— Elle n’a même pas pris la peine de venir... l’entendit-elle souffler entre ses dents serrées. 

Les paroles d’Inaya dans la voiture lui revinrent alors :

“—La dernière, et celle dont tu dois le plus te méfier, est la grande prêtresse, Aamal.

— Encore une épouse de l’empereur ?

— Non. Elle est bien plus encore que cela, avait répondu la guerrière avec une expression sombre.

— Comment ça ?

— Elle est celle qui lui murmure à l’oreille... Celle qui dicte chacune de ses décisions...”      

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire R W ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0