Qahir, installé dans le grand bain en pierres, regarda  Shaïa s’incliner avant de quitter silencieusement la chambre.

La colère et la déception bouillaient encore en lui, une pointe de dégoût s’y mélangeant, tandis qu’il repensait au jeune garçon qu’il avait froidement exécuté un quart d’heure plus tôt. Pourtant, il ne regrettait aucunement son geste, Musa l’avait informé que la loyauté de certains Garandïs avait commencé à flancher. Certains se tournant imperceptiblement vers la grande prêtresse qui semblait gagner en pouvoir au fil du temps. Qu’as-tu derrière la tête Aamal ?

S’il la laissait faire et qu’elle continuait à prendre de plus en plus de pouvoir, elle finirait tuée, soit par lui, soit par un espion payé par certains mécontents. Aamal le savait pourtant, aucune femme ne pouvait se trouver tout en haut du trône, le peuple ne l’accepterait pas.

Il devait reprendre les rênes, asseoir son pouvoir et sa force, afin que personne ne puisse douter de lui, même si cela signifiait rabaisser Aamal et la blesser. Il repensa au regard froid qu’elle lui avait lancé plus tôt et à la réponse qu’elle lui avait donné. 

Lui avait-il réellement terriblement manqué ? Il en doutait de plus en plus. Les deux années passées loin d’elle lui avaient fait réaliser certaines choses, et leur relation ne serait désormais plus la même. Cette vérité laissa un goût amer au jeune guerrier qui serra les dents, son aura augmetant encore en puissance, envahissant tout l’espace autour de lui et lui vrillant le crâne.

Ses pensées dérivèrent vers Eylen. L’étrange sensation d’apaisement que la jeune femme lui procurait et cette impression d’être parfaitement à sa place lorsqu’elle se trouvait à ses côtés...

Elle avait encore une fois subit une attaque. À croire qu’elle attire les ennuis. Etres attaquée par un corbeau à Minar était déjà étrange, voila qu’un assassin tentait à nouveau de la tuer... Quelqu’un en avait après elle, et il allait devoir rapidement trouver qui...

— Eylen, appela-t-il.

La jeune femme mit quelques instants avant d’ouvrir la petite porte qui donnait sur sa chambre, hésitant à la franchir.

Elle semblait encore plus pâle que d’habitude... Elle avait retiré son bandeau, ses étranges yeux bleus le fixant avec inquiétude, et son corps secoué par d'incontrôlables tremblements. Elle est encore sous le choc...

— Approche.

Il ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire quand la jeune femme resta sur place, le fixant avec défiance. Elle ne va pas si mal que ça finalement.

— Je ne vais pas te manger... lui dit-il d’un ton qui se voulait rassurant.

Mais elle refusa toujours d’avancer, les yeux fixés sur le bain, pinçant ses lèvres roses avec un air têtu. Qahir soupira, il commençait à s’agacer et ce n’était clairement pas le moment de le contrarier !

— Comme tu as dû l’entendre des servantes ou d’Inaya, j’ai suffisamment d’épouses pour prendre soin de moi si je le désire, ce n’est pas ce qui m’intéresse en ce moment. Donc arrête de t’inquiéter pour rien et approche !

Eylen céda et approcha jusqu’au bord de la baignoire. Le tissu noir de sa robe épousait parfaitement son corps svelte, ondulant sur ses fines jambes qu’il voyait en transparence. Sa tresse était défaite et ses cheveux retombaient en désordre sur ses épaules dénudées, le noir de ses mèches sauvages tranchant avec sa peau blanche et lisse. Les yeux de l’empereur glissèrent le long du tissu de son décollette, s’accrochant au petit médaillon dont elle ne se séparait jamais. Un petit rond de métal blanc au milieu duquel ressortait un petit point noir.

Qahir se releva, la serviette qu’il portait autour de la taille gouttant sur ses jambes, et monta les marches du bain. Les muscles d’Eylen tremblaient toujours, secouant ses fines épaules, mais elle ne recula pas, restant totalement immobile les yeux fixés sur ceux de l’empereur.

Qahir attrapa sa main et fut surpris de sentir sa peau froide contre la sienne.

— Tu es frigorifiée, dit-il en la tirant dans l’eau chaude.

***

Eylen hésita, la main de l’empereur tenant fermement la sienne et l’attirant vers le bain chaud.

— Ma robe, objecta-t'elle faiblement.

Mais l’empereur ne l’écouta pas, continuant de l’attirer a lui. Elle sentit alors l’eau chaude lui caresser avec délice les pieds, puis les jambes, tandis que les voiles de sa robe flottaient à la surface. Les tremblements de son corps cessèrent instantanément et elle laissa échapper un petit soupir de satisfaction.

Une fois arrivés au centre du bain, l’eau lui atteignait le haut de ventre, effleurant le bas de sa poitrine.

Eylen réalisa alors qu’elle se trouvait dans un bain, seule aux côtés d’un homme à moitié nu, et sentit ses joues chauffer en observant son torse musclé, les gouttes d’eau coulant sur ses muscles saillants.

L’empereur continua d’avancer dans le bain et s'assit dans l’eau, sur le rebord en pierre face à elle, ignorant parfaitement le malaise soudain de la jeune femme.

L’air autour d’eux lui semblait pesant et chargé comme quand les gardes avaient fait taire la foule plus tôt à leur arrivée. Eylen sentait la force qui s’échappait de l’empereur, cette dernière l’attirant irrésistiblement, le désir surpassant le sentiment de gêne qui l’avait envahi.

Sans même s’en rendre compte, elle porta la main au visage de l’empereur, sa peau la chatouillant agréablement à son contact. Elle ressentit aussitôt l’Energie qui bouillonnait en lui, prête à exploser.

Il leva sur elle des yeux surpris, tandis qu’elle sentait le flux de pouvoir circuler dans sa main, remontant le long de son bras et se noyant dans sa poitrine. Grisée par cette soudaine sensation de bien-être, elle prit une grande inspiration savourant la puissance qu’elle sentait couler en elle.

L’empereur posa alors sa main sur celle d’Eylen et y appuya sa joue en fermant les yeux. Ses traits se détendirent lentement et il passa son bras autour de la taille de la jeune femme, l’attirant à lui. Cette dernière se laissa faire, sentant son bas-ventre la chatouiller agréablement et son souffle s’accélérer, incapable de briser leur contact.

L’empereur l’approcha encore, appuya son visage contre le ventre d’Eylen, poussant un profond soupir de soulagement et enroula ses bras autour d’elle avec douceur. Le flux d’Energie avait cessé de s’échapper de l’empereur et elle se sentait étrangement forte, puissante, comme si une force étrange circulait dans ses veines.

Elle fixa le dessus de sa tête, observant les gouttes d’eau couler sur ses épais cheveux sombre en se demandant quelle sensation cela lui ferait si elle y passait les doigts. Elle sentait son souffle chaud sur peau, le contact de ses bras contre son dos. Jamais elle n’avait été si proche de qui que ce soit, si intimement enlacée.

Le cœur battant, elle leva ses mains et les posa sur la tête de l’empereur, passants ses doigts entre ses cheveux mouillés, elle-même surprise par son geste. La jeune femme craignit un instant qu’il relève la tête ou la repousse, mais il n’en fit rien, glissant ses mains le long de son dos et se serrant plus fort contre elle.

Des coups frappés à la porte les sortirent de leurs pensées et ils rompirent instantanément leur étreinte, l’empereur se redressant brusquement.

Eylen eut l’impression d’avoir reçu un seau d’eau froide. Elle resta figée sur place, tandis qu’il sortait du bain et s’approchait de la porte. La sensation de plénitude qu’elle avait ressentie disparut aussitôt et l’énergie qui l’avait envahie avec, lui laissant un étrange sentiment de déception et de vide.