Chapitre 30

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— Retourne dans ta chambre, lui dit l’empereur en faisant face à Saki.

La guerrière, qui était entrée dans la chambre une fois que l’empereur l’y avait invité, dévisageait Eylen avec une expression indéchiffrable.

La jeune femme sentit immédiatement le rouge lui monter aux joues, se précipita hors du bain pour rejoindre sa chambre et referma la porte derrière elle. Inaya, installée comma à son habitude dans l’un des fauteuils, se tourna vers elle avec un léger sourire en coin.

— Le bain était bon ? Lui demanda-t-elle en levant un sourcil moqueur.

Eylen grimaça avant d’aller récupérer la serviette qui avait été posée sur son lit et commença à essuyer ses jambes encore trempées.

— Tu devrais commencer par enlever cette robe, continua à se moquer la guerrière, affichant toujours un petit sourire suffisant.

— Je sais, merci !

Inaya leva les deux mains et détourna le regard tandis qu’Eylen se déshabillait et enfilait une autre robe en soie bleu marine.

Des coups résonèrent à la porte et l’empereur entra avant sans attendre de réponse.

— Tu resteras ici ce soir, dit-il à Eylen en levant une main pour l’empêcher de l’interrompre. C’est temporaire, tu pourras sortir lorsque la situation sera réglée.

Eylen se contenta de faire la moue et resserra les bras autour de sa poitrine.

— Une servante vous apportera les repas, continua-t-il en s’approchant d’elle.

Il attrapa rapidement une couverture posée au pied du lit et la passa sur les épaules de la jeune femme. Eylen fut immédiatement happée par ses yeux sombre, incapable de s’en détourner. Elle ressentit à nouveau cet étrange sentiment d’attirance qui la poussa à s’avancer inconsciemment vers lui, mais l’empereur recula, brisant leur soudaine proximité.

— Repose-toi, souffla –t-il en s’écartant encore. Inaya va rester avec toi ce soir et Saki surveillera la porte.

Eylen acquiesça, incapable de répondre tout de suite tant sa gorge lui parut sèche et le regarda quitter la chambre. Elle fixa la porte un moment avant de revenir à elle et se retourna vers les fauteuils où Inaya l’observait toujours avec un air étrange. Elle fit mine de l’ignorer, s’installa dans le deuxième fauteuil face à la guerrière, remonta ses genoux contre sa poitrine et passa les bras autour.

— Est-ce que vous avez découvert qui était la servante ?  demanda-t-elle finalement à la guerrière.

— Ce n’était pas une servante, juste une nomade qui s’est installée dans la cité depuis peu.

— Est-ce que vous savez pourquoi... Elle hésita ne sachant pas comment formuler sa question.

— Pourquoi elle a essayé de te tuer ?

Eylen hocha de la tête en se mordant la lèvre.

— Pas encore, répondit Inaya en détournant le regard vers la fenêtre.

Oui, ou tu ne veux pas me le dire, songea la jeune femme en regardant à son tour dehors. Le ciel était entièrement noir, seulement éclairé par un fin croissant de lune. En contrebas, les lumières de la cité brillaient de toutes les couleurs, des chants et des rires résonnaient faiblement jusqu’à la chambre de palais.

Eylen se tourna vers la guerrière qui gardait les yeux fixés sur la fenêtre avec un regard nostalgique et lointain.

— Désolée, souffla-t-elle tout bas.

La guerrière se retourna vers elle en haussant les sourcils

— Pourquoi ?

— Tu viens à peine de rentrer chez toi après deux ans de voyage et tu te retrouves bloquée ici, avec moi. Je me doute que tu aurais préféré participer à la fête et revoir tes proches...

Inaya la fixa avec un air abasourdi.

— Je n’ai pas de proches, finit-elle par lâcher après un instant. 

— Tu n’as pas de famille ? D’amis ?

— Non, je n’en ai plus, la tribu des Suharis a été décimée il y a plusieurs années par l’ancien empereur. Les guerrières sont ma famille et l’empereur mon maître. Je n’ai pas besoin d’amis, répondit la guerrière d’un ton catégorique.

— Je vois...

Un silence gênant commença à s’installer et c’est avec soulagement qu’Eylen entendit la servante se présenter à la porte pour leur apporter le repas.

Elle observa en silence la femme déposer le plateau d’argent sur la petite table, le regard baissé vers le sol. Elle portait la même tenue que la femme qui avait essayé de l’assassiner, mais sa peau était plus claire et ses traits plus proches de ceux de l’empereur et des guerrières. La servante ressortit rapidement de la chambre sans un mot, tandis qu’Eylen fixait toujours la table devant elle.

— Tu ne manges pas ? La questionna Inaya en piochant dans le plateau.

Eylen releva les yeux, les plantant dans ceux de la guerrière avec détermination.

— Je veux apprendre à ma battre, lui dit-elle avec fermeté.

Inaya se contenta de pouffer avant de reprendre un amuse-bouche.

— Et comment comptes-tu apprendre ça ?

— Apprends-moi.

La guerrière se figea et la dévisagea, son expression se faisant soudainement plus sérieuse.

— Pourquoi je ferai ça ?

— Tu préfères passer ton temps à me surveiller ?

— ... Encore faut-il que l’empereur l’accepte.

— On n'est pas obligé de lui dire... proposa Eylen en rougissant.

— Si, on l’est, répondit fermement Inaya.

Quelques heures plus tard, alors qu'Eylen était endormie dans son lit, la porte qui menait aux appartements de l’empereur se rouvrit doucement, la réveillant. Elle garda les yeux fermés, tendant les oreilles pour entendre.

L’empereur entra dans la pièce et s’assit dans l’un des fauteuils.

— Elle dort ?

— Oui, votre grâce.

— Arrête avec ça, il n’y a personne à part nous ici, fit l’empereru d’un ton agacé.

— Bien.

— Que t’a-t-elle dit ? Elle était toujours choquée ?

— Non, elle se remet plus vite que je ne l’aurai imaginé. Elle m’a même demandé de lui apprendre à se battre.

Eylen serra les paupières et les dents tandis que le silence s’installait dans la chambre.

— Et toi ? Qu’est-ce que tu en penses ? Finit-il par demander.

— Pourquoi pas, répondit la guerrière d’un ton innocent. Ça ne lui ferait pas de mal de savoir se défendre. Et ça l’occuperait...

L’empereur se releva et ses pas se dirigèrent vers la fenêtre, de l’autre côté du lit.

— Mmm... J’y réfléchirais. Tu peux y aller, Saki va monter la garde cette nuit.

— Bien.

Le silence s’installa et un mouvement sur le lit indiqua à Eylen que l’empereur s’était assis sur le lit, à ses côtés. 

Elle n’avait perçu aucun son de pas provenant de la guerrière qui avait quitté la pièce, ni même le bruit de la porte qu'elle avait refermé derrière elle.

— Il semblerait qu’Inaya commence à t’apprécier, lui dit-il alors tout haut.

Eylen rouvrit les yeux et grimaça.

— Tu joues très mal la comédie, ma chère.

La jeune femme se retourna et découvrit l’empereur, adossé à la tête de lit, qui la fixait avec un petit sourire en coin.

— Allez-vous la laisser m’entrainer ? Lui demanda-t-elle en se redressant.

— Tu n’as pas besoin d’apprendre à te battre, les guerrières sont là pour te protéger.

— Elles ne seront pas toujours là, dit la jeune femme, sa gorge se serrant.

— Ça ne se reproduira plus. J’ai pensé que tu serais en sécurité entre les murs du palais. C’était une erreur... dit-il, ses mâchoires se crispant.

— Si je savais me défendre, commença Eylen, vous n’auriez plus à vous soucier de ma protection, et les guerrières non plus.

L’empereur la dévisagea en réfléchissant.

— Je ne tenterai rien d’inutile, s’empressa-t-elle d’ajouter, sentant la balance peser dans son sens. Je n’essayerai ni de fuir ni de vous trahir ! Je veux juste apprendre à me défendre.

L’empereur poussa un bref soupir.

— Très bien, Inaya t’entraînera.

— Merci, souffla Eylen en se détendant aussitôt.

Sentant le regard de l’empereur toujours posé sur elle, elle se tourna vers la fenêtre avant de continuer.

— Est-ce que vous savez pourquoi cette femme a tenté de me tuer ? Osa-t-elle demander, le regard braqué au loin.

— Il est probable qu’elle suivait les ordres d’une autre personne.

Eylen acquiesça, serrant les poings sur le drap du lit.

— Cette affaire sera rapidement réglée, continua-t-il en la fixant toujours. Rallonge-toi et dors maintenant. Tu auras besoin de toutes tes forces demain.

— Pourquoi ?

— Tu en auras besoin pour survivre à l'entraînement d'Inaya, lui dit-il d’un ton amusé.

***

Les premières lueurs du soleil filtraient à peine dans le ciel lorsque Qahir sentit la présence de la guerrière qui entrait dans la chambre. Il ouvrit immédiatement les yeux, toujours adossé contre la tête de lit. Asha, lui faisait face au pied du lit, les mains dans le dos et droite comme un piquet.

Eylen poussa un léger soupir dans son sommeil. Elle s’était tournée face à lui durant son sommeil, sa tête se trouvant à quelques centimètres de la jambe de l’empereur. Ce dernier fit signe à la guerrière d’aller dans la pièce voisine et la rejoignit sans un bruit, fermant doucement la porte derrière lui.

— Je t’écoute, dit-il tout bas en s’installant dans un fauteuil.

— Nous avons trouvé le logement de la fausse servante. Elle habitait dans une chambre des quartiers ouest, à la périphérie de la ville, avec son fils.

— Très bien, je veux le voir.

— Il n’y avait plus personne quand nous sommes arrivés. Le propriétaire dit avoir vu une femme, entièrement voilée de noir, peut-être une prêtresse, emmener l’enfant un peu avant que la fausse servante ne s’en aille à son tour.

— Où l’enfant-a-t-il été emmené ?

— La piste mène au palais des prêtresses de sang...

Qahir soupira et croisa les mains. Seules les prêtresses de sang et les blessés étaient autorisés à entrer dans le palais.

— Le garçon  était-il souffrant ?

— d’après le propriétaire, il ne quittait jamais la chambre.

Les prêtresses de sang ne sortent quasiment jamais de leur palais, que serait venu faire l’une d’entre elle dans un quartier si éloigné ?

— As-tu plus d’information sur celle qui l’a emmené ?

— Non, elle portait une tenue de prêtresse de sang, c’est tout ce que nous a dit l’homme.

Pour quelle raison une prêtresse engagerait une tueuse afin de tuer Eylen ? Ça n’a aucun sens.

— Voulez-vous que j’aille enquêter dans le palais ? Demanda Asha.

— Non, les prêtresses te repéreront tout de suite, ça attirerait trop l’attention. De même si j’y vais directement...

Si l’enfant avait pu entrer dans le palais, c’est qu’il devait souffrir d’une quelconque maladie, mais les prêtresses de sangs n’accordaient pas leurs services gratuitement. Au contraire, seuls les soldats et les riches citoyens pouvaient prétendre à y être soignés. 

— La femme a certainement accepté de s’infiltrer dans le palais pour tuer Eylen en échange de soins pour son fils, dit-il tout haut pour lui-même. Maintenant ce qu’il nous faut savoir c’est qui est cette femme qui l’a engagée... Soit une prêtresse de sang, ce qui me semble peu probable, soit quelqu’un de suffisamment fortuné pour payer les soins, qui se ferait passer pour l’une d’entre elles...

Et je ne connais qu’une seule femme répondant à ces critères, quant au motif...

— Aaah... soupira-t-il en se relevant. J’espère me tromper... Tu peux y aller, fit-il en direction de la guerrière qui s’éclipsa aussitôt.

De l’autre côté de la porte, il percevait la respiration régulière d’Eylen qui dormait toujours profondément.

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