Chapitre 35
Eylen s’affala sur le grand lit, épuisée par sa matinée.
— Tu dois d’abord t’étirer, lui dit Inaya en s'approchant.
La jeune femme grogna et se releva avec difficulté.
— Je suis fatiguée, ne pouvons-nous pas le faire plus tard ?
— Plus tard, ce sera trop tard, répondit la guerrière catégorique en croisant les bras.
Eylen se redressa en grimaçant et jeta un regard en biais à la guerrière qui arborait un petit sourire en coin, la soupçonnant de prendre un malin plaisir à la voir souffrir.
— Que t’as dit la grande prêtresse tout à l’heure, pour te mettre dans cet état ? Lui demanda Inaya tandis qu’Eylen effectuait ses exercices.
La jeune femme la dévisagea avec surprise.
— Quoi ? S'étonna la guerrière.
— Rien, je suis juste surprise que tu poses la question...
— Oublies si tu ne veux pas répondre.
— Ce n’est pas tant ce qu’elle a dit... marmonna Eylen doucement.
— Alors pourquoi as-tu fui son bureau comme si tu avais un démon aux trousses ?
La jeune femme hésitait à répondre. Pouvait-elle lui dire que la grande prêtresse avait tenté de l’attaquer avec une dague ? La guerrière la croirait-elle ? Elle n’était plus totalement sûre de ce qu’elle avait vu. Peut-être la drogue contenue dans le thé qu’elle avait bu lui avait provoqué une hallucination.
— Je ne sais plus... Je ne suis pas sûre de ce que j’ai vu...
Inaya s’approcha soudainement et se pencha pour lui scruter les yeux.
— Elle t’a drogué, dit-elle calmement en se redressant. Tu devrais te reposer, tu vas avoir l’esprit embrouillé un moment.
Ben oui ! Je n’arrête pas de te dire que je suis épuisée ! Songea Eylen agacée.
Elle s’avança vers le lit sous le regard inquisiteur de la guerrière.
— Tu vas rester ici ? Lui demanda-t-elle avec inquiétude.
— Je ne bouge pas d’ici, tu peux dormir.
— Merci, répondit-elle avec soulagement avant de s’allonger dans le lit.
L’après-midi était bien avancée lorsqu’elle rouvrit les yeux. Elle était seule dans la chambre, des sons étouffés lui parvenant de la pièce voisine l’informèrent qu’Inaya discutait avec l’empereur. Une étrange sensation la perturbait, comme si un regard était fixé sur elle. Instinctivement, son regard se tourna vers la fenêtre ou deux grands yeux verts l’observaient.
Elle laissa échapper un petit cri de surprise et se colla à la tête de lit. Aussitôt, L’empereur et Inaya débarquèrent dans la chambre arme au poing, Eylen pointa la fenêtre du doigt, mais les yeux avaient déjà disparu. L’empereur se rapprocha d’elle tandis qu’Inaya ouvrait les battants et examinait les alentours.
— Qu’est-ce que tu as vus ? Lui demanda-t-il.
— Deux grands yeux verts m’observaient derrière la fenêtre, répondit Eylen d’une voix mal assurée.
— Il n’y a personne, dit la guerrière en refermant la fenêtre.
— Je n’ai rien senti aux alentour, fit l’empereur soucieux.
Inaya et l’empereur lui jetèrent des regards en coin, la mine inquiète.
— Je sais ce que j’ai vu ! S'énerva la jeune femme.
— Tu es fatiguée, tu t’es entraînée toute la matinée et l’infusion d’Aamal perturbe encore ton esprit, lui dit doucement l’empereur.
Eylen se détourna et croisa obstinément les bras sur sa poitrine.
— S’il y avait eu un intrus, Inaya et moi l’aurions senti.
La jeune femme se mordit la lèvre, ne trouvant rien à répondre à la logique de l’empereur. Pourtant, elle était convaincue d’avoir aperçu des yeux qui la fixaient.
— Inaya va ralentir ton entraînement pour que tu ne t’épuises plus ainsi.
— Non ! S'exclama-t’elle en lui attrapant le bras. Je ne suis pas si fatiguée, je veux continuer l’entraînement.
L’empereur posa sa main sur la sienne.
— Nous avons attrapé le coupable de l’attaque. Tu n’as plus de raison d’apprendre à te battre.
— Et le corbeau ? C’était la même personne ?
— Certainement, ou peut être un animal fou.
Eylen secoua la tête et dégagea sa main.
— Laissez-moi au moins l’entraînement. Vous aviez donné votre parole...
L’empereur leva la main et fit signe à Inaya de sortir.
— Très bien, tu continueras à t’exercer. Maintenant, dis-moi ce qu’il s’est passé avec la grande prêtresse, lui ordonna-t-il d’un ton implacable.
— Elle m’a fait boire une infusion étrange qui m’a embrouillé l’esprit. Elle m’a ensuite posé des questions sur ma famille...
— Et ? Inaya m’a dit que tu étais sortie de là totalement affolée.
Eylen hésita ce qui sembla énerver l’empereur qui la foudroya du regard.
— Eylen... dit-il d’un ton menaçant entre ses dents serrées.
— Elle s’est soudainement levée et à attrapé ma main. Quand elle m’a touché, j’ai eu une nouvelle vision...
— Qu’y avait–il dans cette vision ?
— Les mêmes personnes que la dernière fois. La princesse Serafa était sur le point de partir et faisait ses adieux au maître Raito.
— La tisane que t’a donnée Aamal est utilisée par les prêtresses de divination lors de leurs rites. Il doit s’agir d’une vision liée à tes ancêtres. Je me suis renseigné, la princesse Serafa était la fille aînée de l’empereur Majid. Elle a vécu il y a une centaine d’années de cela, avant la création de la frontière.
Eylen hocha la tête et détourna les yeux, essayant d’éviter le regard de l’empereur, mais ce dernier lui attrapa le menton la forçant à lui faire face à nouveau.
— Que me caches-tu d’autres.
— J’ai vu une dague, dans l’autre main de la grande prêtresse...
L’empereur la fixa sans rien dire, son visage impassible ne laissant rien deviner de ce qu’il pensait. Pourtant, elle pouvait sentir le torrent d’émotions qui se bousculait en lui : surprise, colère, méfiance et inquiétude...
— De quoi êtes-vous si inquiets ? Ne parvint-elle à s’empêcher de lui demander.
L’empereur sursauta comme si elle l’avait giflé.
— Qu’as-tu dit ?
— Vous étiez inquiet...
— Oublie ça, dit-il en se relevant brusquement. Tu dois avoir faim, je vais demander qu’on t’apporte à manger.
Il se retourna et quitta la chambre précipitamment. Quelques instants plus tard, Saki entra dans la chambre et se posta dos à la porte sans adresser un mot à la jeune femme.
Eylen poussa un profond soupir et se laissa retomber en arrière sur le lit.
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