Chapitre 38

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Eylen entendait les exclamations joviales de la foule derrière la grande porte du mur extérieur du palais. Le ciel au-dessus d’elle était illuminé d’un millier d'étoiles, la lune éclairant la nuit de sa douce lumière.

L’empereur se tenait à ses côtés, la main d’Eylen posée dans la sienne. Il fit un signe à l’un des gardes d’ouvrir la porte et la jeune femme sentit l’angoisse lui nouer l’estomac tandis qu’elle découvrait les milliers de gens qui les attendait de l'autre côté.

Des guirlandes lumineuses de toutes les couleurs brillaient tout autour de la place centrale. Des musiciens jouaient un air jovial et envoutant. Les visages qui les fixaient étaient illuminés de sourires joyeux et excités. Une femme toute vêtue de violet les attendait quelques pas plus loin, les mains jointes devant elle.

L’empereur commença à avancer, entrainant avec lui Eylen, dont les jambes menaçaient de flancher à chaque pas. Elle serra les dents, essayant de faire obstruction de l’immense foule qui l’observait et fut heureuse de ne finalement rien avoir avalé de la journée alors qu’elle sentait la bile lui monter à la bouche.

— Respire, lui souffla l’empereur sans la regarder.

La jeune femme obéit, soufflant prudemment avant d’inspirer profondément. Une fois arrivés au centre de la place, elle reconnut la grande prêtresse et tenta instinctivement de reculer d’un pas, mais l’empereur la retint fermement, resserrant sa main sur la sienne.

La grande prêtresse leur tourna alors le dos en écartant les bras, intimant le silence à la foule, puis commença alors à parler dans leur langue, sa voix résonnant clairement tout autour de l’assemblée. Une fois son monologue terminé, elle se retourna vers eux et leur tendit un bol qui était placé sur un plateau à sa gauche.

L’empereur prit le bol à deux mains et se plaça face à Eylen en le lui tendant. La jeune femme compris qu’il attendait qu’elle le prenne à son tour et posa ses mains sur le bol. Il leva alors la boisson laiteuse jusqu’à sa bouche, en bu une gorgée avant d’avancer le bol vers les lèvres de la jeune femme qui bu à son tour. La boisson sucrée coula lentement dans sa gorge et elle sentit sa poitrine commencer à chauffer agréablement.

L’empereur rendit le bol à la grande prêtresse qui lui tendit en retour une assiette contenant deux fruits séchés sombre. Eylen tendit la main pour en prendre un, imitant les gestes du guerrier et s’apprêta à le porter à sa bouche quand l’empereur lui saisit la main et mangea le fruit qu’elle tenait. Il appuya ensuite le second fruit contre les lèvres de la jeune femme et le glissa dans sa bouche. Elle mâcha la chair tendre du fruit, incapable dans définir le goût tellement il était sucré.

Des acclamations enjouées éclatèrent alors tout autour d’eux. Des gens sautèrent sur place, d’autre tombèrent à genoux en levant les mains au ciel, certains applaudissant avec ferveur.

L’empereur lui prit à nouveau la main et la guida vers une estrade sur leur gauche. Les guerrières Suharïs ainsi que la princesse Shaïa et la princesse Nora étaient installées sur une rangée de sièges au centre de laquelle trônaient deux fauteuils majestueux. Ils s’y installèrent tandis que les musiciens entamaient une nouvelle mélodie enjouée au notes exotiques. Des danseuses s’attroupèrent devant eux, faisant tournoyer autour d’elles de longs rubans colorés en décrivant d'élégants saut périlleux.

La princesse Shaïa se pencha en avant et adressa un franc sourire à Eylen qui le lui rendit, se sentant étrangement euphorique. Les bords de sa vision commençaient à devenir flous et elle sentait son cœur battre au rythme de la musique envoûtante.

Elle réalisa en baissant les yeux qu’une file de gens s’était formée au bas des marches de l’estrade, chacun portant un présent dans leurs mains. La première personne s’avança et tendit respectueusement le plateau au couple. L’empereur attrapa une des petites pâtisseries luisantes qu’il tendit à Eylen. La jeune femme accepta le mets avec un hochement de tête.

— Merci, dit-elle en souriant joyeusement au vieil homme qui tenait le plateau, dont les joues rosirent de plaisir.

Il adressa un grand sourire à la jeune femme avant de défiler devant les autres concubines. Eylen goûta l’étrange sucrerie croustillante en fermant les yeux, appréciant le mélange de miel et d’épices qui caressa son palais.

Une multitude des gens défilèrent ainsi devant eux, l’empereur et Eylen se servant à tour de rôle sur les plateaux. La musique continuait de résonner sur la place et les spectacles s’enchaînaient, cracheurs de feux, chanteuses, acrobates... Eylen observait tout cela les avec une joie enfantine non dissimulée, l’esprit léger. Elle avait conscience de ne pas être dans son état normal, certainement droguée par la boisson qu’elle avait partagé avec l’empereur, mais n’arrivais pas à s’en soucier réellement. Elle se sentait légère, comme si elle flottait au-dessus du sol, incapable de se défaire de son sourire niais.

L’empereur lui adressa quelques fois la parole, lui tendant au passage différent amuses-bouches ou verres d’alcool qu’elle accepta avec plaisir, lui souriant en retour sans comprendre ce qu’il lui disait.

Elle ne savait pas depuis combien de temps ils étaient assis sur l’estrade quand elle se rendit compte que plus personne ne montait les marches. Une grande table basse avait été dressée devant eux remplie de nourriture et de boissons, certaines des concubines s’étaient levée de leur siège pour s’assoir au sol et discuter tout autour. Tournant la tête vers sa droite, elle reconnut Babil, le chef des Garidans,  assis sur un petit coussin, discutant et riant avec l'empereur et fut obnubilée par le sourire franc qui se dessinait sur le visage de ce dernier.

— Les festivités vous plaisent ? Lui demanda la princesse Shaïa en s’asseyant sur un coussin face à elle.

— Oui, c’est... Envoûtant, répondit Eylen, étourdie.

Elle porta son verre à sa bouche, fut surprise de le voir vide et se mit à rire, posant une main devant sa bouche.

— Je ne sais pas pourquoi je ris, dit-elle entre deux gloussements.

Elle était incapable de s’arrêter et n’en avait absolument pas envie. C’était la première fois depuis bien longtemps qu’elle sentait si heureuse et détendue.

— C’est normal, vous n’êtes pas habituées à nos boissons rituelles, lui dit gentiment la princesse. Tenez, mangez ça.

Elle lui tendait une pâtisserie blanche en forme de goutte. Eylen attrapa le petit pain moelleux et chaud et en croqua une petite bouchée. Il était fourré d’une étrange pâte rouge et sucrée qui fondit immédiatement dans sa bouche. Subjugué par le goût réconfortant de l’étrange dessert, elle se tourna vers l’empereur qui la fixait, intrigué. Sans réfléchir, elle tendit la petite pâtisserie vers lui et l’appuya contre sa bouche en lui souriant. L’empereur écarquilla les yeux de surprise et resta sans bouger.

— Goutez, c’est excellent ! lui dit-elle en gloussant.

Il attrapa alors sa main et ferma les yeux tout en avalant le reste du petit pain. Eylen l’observa, s’attardant sur ses longs cils noirs. Il rouvrit ensuite les yeux, embrassant le bout des doigts de la jeune femme qui sentit le bas de son ventre se réchauffer étrangement, puis il se retourna pour discuter avec Babil, tenant toujours fermement sa main dans la sienne.

Shaïa lui tendit un autre verre, avec un petit air satisfait, qu’Eylen accepta machinalement avant d’en boire une gorgée. Inaya s’approcha à son tour et s’assit à leurs côtés tandis qu’elles observaient une danseuse déambuler gracieusement au milieu de la place au rythme des tambours et des chants des musiciens.

Lorsqu’elle commença à sentir ses yeux se fermer tous seuls et le sol tanguer sous elle, l’empereur se releva et la tira vers lui pour la remettre debout. Elle se laissa faire docilement, s’appuyant contre lui pour tenir droit.

Il passa alors naturellement une main autour de sa taille pour l’aider à marcher droit et ils descendirent ensemble l’estrade. Ils traversèrent la place pour rejoindre la porte du mur extérieur, la foule s’écartant sur leur passage.

Deux Garandïs en tenue noire leur ouvrirent la porte, tandis que l’empereur la guidait dans la cour, et la refermèrent derrière eux.

— Où sont les guerrières ? Se demanda Eylen tout haut.

— Elles rentreront plus tard.

La jeune femme hocha la tête et continua d’avancer. La main chaude de l’empereur était toujours posée sur sa taille, son épaule effleurant son buste, pourtant elle ne ressentait aucune gêne, comme si cette proximité était tout à fait naturelle. Inconsciemment, elle s’appuya un peu plus contre lui, apaisée par le contact de son corps contre le sien.

Il la fit traverser un magnifique jardin éclairé de lanternes, passer sous plusieurs arches et traverser plusieurs couloirs avant d’atteindre une petite cour intérieure donnant sur un patio qui desservait plusieurs portes finement ouvragées. Il ouvrit une double porte derrière laquelle elle découvrit un petit salon, au fond duquel trônait un gigantesque lit à baldaquin.

Lorsqu’il referma la porte derrière eux, la jeune femme prit conscience qu’elle se trouvait seule, totalement enivrée dans une magnifique chambre avec l’empereur. Elle ne ressentait pourtant aucune appréhension, juste une avide curiosité, se demandant ce qu’il allait faire ensuite.

Elle l’observa s’approcher de la petite table pour servir un grand verre d’eau qu’il lui tendit.

— Bois.

Eylen s’exécuta et engloutit l’eau avant de pousser un profond soupir de soulagement. Boire un liquide neutre et frais lui fit le plus grand bien après toutes ses saveurs sucrées et épicées. L’empereur récupéra son verre vide et la poussa doucement vers le lit, la forçant à s’y asseoir.

Il se plaça ensuite devant elle, déliant le lacet de son bandeau qu’il posa sur la petite table de chevet. Alors qu’il s’accroupissait pour lui retirer ses chaussures, elle tendit la main vers lui, passant les doigts entre ses cheveux noirs.

L’empereur releva la tête, surpris par ce soudain geste d’affection. Eylen fit glisser ses doigts le long de son visage, effleurant sa tempe, suivant la courbe de sa pommette et redescendant vers ses lèvres pleines. Plongeant ses yeux sombres dans ceux de la jeune femme, l’empereur fit doucement remonter ses mains le long de son mollet jusqu’à atteindre sa cuisse, provoquant d’agréables chatouillis dans le bas de son ventre.

Le souffle court, Eylen se pencha en avant, approchant son visage du sien. L’empereur resserra ses mains autour de sa cuisse, enfonçant ses doigts dans sa peau. Elle pouvait sentir son souffle chaud caresser son visage, enivrée par l’odeur d’alcool aux épices qu’il dégageait et entendre son propre cœur résonner dans ses oreilles tandis qu’il battait à toute allure dans sa poitrine.

L’empereur posa alors une main sur la nuque de la jeune femme et l’attira à lui, appuyant ses lèvres contre les siennes. Eylen ferma les yeux et laissa échapper un petit soupir tandis qu’elle lui rendait son baiser en s’accrochant à lui. C’était comme si un feu de joie explosait en elle, chatouillant l’ensemble de son corps, elle pouvait ressentir l’énorme source d’Energie qui émanait de lui, féroce, puissante. Incapable de contrôler le désir qui montait en elle, elle appela cette étrange force, s’en abreuvant, la laissant fondre en elle. Grisée par cette sensation de puissance, elle se laissa glisser du lit, s’asseyant presque sur lui, leur corps se collant l’un à l’autre.

L’empereur plaça sa seconde main au creux de son dos et posa un pouce sur son menton, entrouvrant sa bouche avant de l’embrasser à nouveau avec fougue. Il lui mordilla la lèvre et fit ensuite courir sa bouche le long de sa mâchoire pour descendre le long de son cou, lui mordant la peau. Il posa finalement son front sur son épaule, le souffle court, la serrant contre lui. Ils restèrent ainsi, reprenant difficilement leur respiration.

Eylen fit alors glisser ses doigts le long de sa nuque, caressant lentement son dos. L’empereur posa les mains sur ses épaules avant de la repousser contre le lit, les mâchoires crispées.

Elle le dévisagea sans comprendre.

— Tu es ivre, dit-il fermement.

— Oui, fit-elle en pouffant.

Il poussa un profond soupir avant de se relever et de s’éloigner et Eylen resta assise au sol, incapable de cacher sa déception.

— Allonge-toi et dors.

— Je ne suis pas fatiguée, dit-elle encore électrisée par l’Energie qu’elle avait puisé en lui.

— Si tu l’es. Monte dans ce lit et allonge-toi, fit-il en pointant le lit du doigt.

Eylen s’exécuta à contrecœur, se glissant sous les draps de soie.

— Ne partez pas, dit-elle en se redressant lorsqu’il s’éloigna.

L’empereur s’arrêta, lui tournant le dos.

— Restez avec moi...

Elle ne voulait pas le voir partir, ni dormir seule dans cette grande chambre. Elle s’était habituée à sa présence près d’elle la nuit, sa respiration régulière lorsqu’elle se réveillait la nuit pour l’observer endormi, adossé à la tête de lit.

Il passa une main dans ses cheveux et poussa un profond soupir avant de se retourner.

— Tu joues avec le feu... souffla-t-il.

À ces mots, l’image de sa maison familiale en flammes s’imposa à elle, ravivant les douloureux souvenirs qu’elle avait enfouis en elle et elle écarquilla les yeux de surprise. Aussitôt, l’empereur fut sur elle, tenant fermement son visage entre ses mains.

— Oublie ça, dit-il précipitamment.

La jeune femme le fixa en serrant les dents, luttant contre les larmes qui montaient et plongea dans ses yeux sombres, espérant s’y noyer.

— Dors, je reste avec toi...

Elle ferma les yeux et se laissa tomber sur sa poitrine tandis qu’il s’allongeait à ses côtés, la serrant contre lui.  

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