Chapitre 41

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Eylen ouvrit les yeux et tendit l’oreille. Aucun son ne lui parvint du couloir. Les guerrières effectuaient des rondes à tour de rôle dans le palais, si bien qu’Inaya n’avait plus besoin de la surveiller constamment et qu’Eylen pouvait enfin dormir sans personne dans sa chambre.

Mais la jeune femme ne se sentait pas seule pour autant. Quelque chose l’observait. Elle savait que lorsqu’elle se relèverait et regarderai vers la fenêtre, deux grands yeux verts l’observaient... Elle ne savait pas de quel type d’animal il s’agissait, mais elle était certaine qu’il ne s’agissait ni d’un humain ni d’un ennemi.

Elle avait été certes surprise l’autre jour, mais elle était intimement convaincue que cette chose qui l’observait ne lui voulait aucun mal.

Elle prit une grande inspiration et décida de se redresser le plus lentement possible, afin de ne pas effrayer le petit curieux.

Elle se tourna en direction de la fenêtre et aperçut les deux grands yeux luisants qui, contrairement à leur habitude, n’étaient pas fixés sur elle, mais sur le pied de son lit. Les étranges yeux se plissèrent et elle crut entendre un feulement derrière le carreau. Suivant son regard, elle observa ses pieds et un petit mouvement sous les draps la surprit. Elle se figea. Quelque chose bougeait à ses pieds ! Sans bouger les jambes, elle tendit la main et attrapa le petit couteau posé sur sa commode. D’un geste vif, elle sauta sur sa proie et planta sa lame à travers le drap.

Un petit couinement se fit entendre tandis que la petite bosse gigotait. Enfonçant plus profondément son arme, elle vit une tache de sang se former sur le tissu, puis l’animal cessa de bouger. Soulevant le drap, elle découvrit avec dégoût un gros rat gris et recula en frissonnant. Qu’est-ce qu’il fait là ?

De l’autre côté de la fenêtre, les deux yeux verts avaient disparu. La porte de sa chambre s’ouvrit alors rapidement et une silhouette se faufila à l’intérieur en refermant derrière elle.

Eylen empoigna son arme, la retira du corps du rat et la pointa devant elle, se préparant à se défendre le cœur battant.

La silhouette abaissa alors sa capuche et elle reconnut son ancien mentor, Marwen, qui la fixait derrière les verres de ses lunettes.

— Marwen, s’exclama-t-elle en reposant son arme.

— Chut ! Fit-il posant un doigt sur sa bouche.

Il ferma les yeux et sembla se concentrer un instant. Eylen sentit alors l’air changer autour d’elle, devenir plus dense, comme si les sons devenaient étouffés.

— C’est bon, on peut parler.

Il s’approcha de la jeune femme qui s’était relevé et lui prit les mains

— Comment allez-vous ? s'empressa-t-elle de le questionner.

— Bien, mais toi ? Comment vas-tu ? Lui demanda-t-il avec inquiétude. Ses yeux se posèrent alors avec horreur sur le rat ensanglanté dans son lit. Qu’est-ce que c’est que ça ?

— C’est un rat... Je ne sais pas ce qu’il faisait là, mais je m’en suis débarrassé. Elle tira le mage vers le petit salon. Comment avez-vous fait pour venir jusqu’ici.

— J’ai réussi à me faufiler en camouflant ma présence. Je n’ai pas beaucoup de temps, nous devons parler...

— Oui, fit la jeune femme.

Il était temps qu’ils discutent enfin seul à seul et ils s’installèrent sur les fauteuils.

— Je t’ai vu hier, lors de la cérémonie, commença le mage en la dévisageant.

Eylen grimaça, encore une situation ambiguë !

— J’y étais forcée, j’ai été obligé de faire ce que voulait l’empereur.

— Oui, je m’en doutais. À cause du collier, c’est ça ? Fit Marwen en pointant son collier du doigt.

La jeune femme acquiesça.

— J’ai besoin de savoir Eylen, reprit-il. Connaissais-tu l’empereur avant que nous n’arrivions à Toren ?

— Non ! Je ne l’avais jamais rencontré !

Marwen leva les mains pour l’arrêter.

— C’est bon, je te crois. Mais tu as fait ce rêve, un peu avant que nous ne nous fassions attaquer...

— Oui... répondit la jeune femme en détournant le regard. Je faisais ce genre de rêves depuis des années, c’est la raison pour laquelle je suis partie d'Abies. Je savais qu’il me pourchassait... Mais je jure que je ne savais pas qui il était !

— Je vois... Ce seraient des rêves prémonitoires ?

— Non, pas vraiment... Je ne sais pas exactement ce que c’était, mais l’empereur faisait lui aussi des rêves où il me voyait.

— Et maintenant ? Ont-ils continué ? Rêves tu toujours de lui ?

— Non, plus de lui...

Marwen fronça les sourcils.

— Je ne rêve plus toutes les nuits comme autrefois, continua la jeune femme gênée, cela arrive seulement de temps en temps. Je crois qu’il s’agit de rêves du passé, des souvenirs appartenant à une ancienne princesse du peuple du désert et de son maître, un Dorogaï, comme moi...

— Qui sont les Dorogaï ?

— Mon peuple... Mes ancêtres. Ils vivaient autrefois de ce côté de la frontière, parmi les peuples des sables.

Le mage se frotta le menton en réfléchissant.

— C’est donc pour cela que nous n’avons rien trouvé sur des gens qui te ressembleraient dans les archives de la bibliothèque royale. Il releva la tête pour la fixer. Tu dis qu’ils vivaient autrefois ici, où sont-ils maintenant ? Ont-ils tous traversé la frontière pour venir en Elaria ?

— Non... Ils sont tous morts. Tués par l’ancien empereur un peu avant ma naissance. 

— Donc seule ta famille aurait survécu ?

— Apparement. Je ne sais pas grand-chose de ma famille... Ma mère faisait partie d’une troupe itinérante avant de rencontrer mon père. Elle ne m’a jamais parlé de sa famille ni de ses parents...

Si seulement nous avions eu plus de temps. Nous aurions pu parler de sa famille, de nos ancêtres... songea-t-elle avec regrets

— Je ne suis pas venu ici juste pour te poser des questions, reprit le mage après un moment. Je dois te prévenir...

— De quoi ?

— Le collier que tu portes, il est relié à plusieurs parties importantes de ton corps... J’ai examiné celui que porte Rainir, il semble être relié à la fois au cœur, à l'esprit et à l'Energie.

— Oui. Au début il me énormément faisait souffrir.

— Comment ça ?

— Il me provoquait de douloureuses migraines que seul l’empereur pouvait apaiser.

Marwen pesta entre ses dents.

— Tu n’en souffres plus maintenant ?

— Non, répondit Eylen en détournant le regard, les migraines étaient liées aux pensées négatives que je pouvais avoir envers l’empereur... Je n’en souffre plus désormais...

Elle n’osait plus regarder son ancien maître, trop gênée pour affronter son regard tandis qu’il comprenait ce qu’impliquaient ses paroles. L’ancien guérisseur resta un moment silencieux avant de reprendre.

— Oui, tu as bien fait de réussir à contenir tes pensées, cela aurait pu être très dangereux à la longue. Eylen, fit-il en approchant, est ce que l’empereur peu savoir que tu me parle en ce moment ?

— Je ne pense pas. Il ne sait pas toujours ce que je fais. Il est obligé de me demander. S’il me le demande, je devrai lui dire que tu es venu.

— Tu ne peux donc pas lui mentir ?

— Non, c’est douloureux... Mais je peux ne pas tout lui dire. Je pense... S’il ne me pose pas directement la question, je dois pouvoir le lui cacher, déclara-t-elle avec aplomb.

— Bien... Est-ce que je peux examiner ton collier ?

— Oui, fit la jeune femme en relevant le menton tandis qu’il s’approchait.

Il posa délicatement ses mains sur le fin collier d’or, ferma les yeux et resta ainsi de longues secondes. Au départ, Eylen ne sentit rien, puis, comme lorsqu’elle avait puisé la force dans le corps de l’empereur, elle ressentit l’Energie qui émanait de Marwen pour s’infiltrer en elle à travers le bijou.

Résistant à l’envi d’absorber son Energie, elle laissa Marwen la faire circuler dans l’ensemble de son corps tandis qu’il examinait la magie du collier. Mais l’attraction se faisait de plus en plus pressante, comme une soif ardente, résister devenait difficile, et c’est avec soulagement qu’elle senti Marwen s’écarter.

Le mage réajusta ses lunettes et Eylen ne put s’empêcher de sourire face à ce tic qu’il n’avait toujours pas réussi à perdre.

— Qu’avez-vous trouvé ?

— Et bien, le collier est en effet relié à ton cœur et ton esprit, mais c’est tout. En même temps, je m’en doutais, puisque comme nous l’avions découvert ensemble, tu n’as pas d’Energie propre...

— C’est une bonne nouvelle, non ?

— Oui... Cela doit vouloir dire que le collier ne fonctionne pas parfaitement sur toi. Mais je ne serais pas en mesure de te l’enlever tout de même. Ce serait trop dangereux...

— Oui, fit la jeune femme avec une pointe de déception.

Elle s’y attendait, mais n’en était pas moins agacée pour autant.

— L’empereur a-t-il remarqué qu’il y avait un défaut avec le lien du collier. T’a-t-il dit quelque chose ?

— ... Une fois, il s’est énervé en disant qu’il ne savait pas où j’étais. Nous étions encore à Toren.

— As-tu remarqué des changements en toi ?  lui demanda-t-il soudainement.

— Non.

La réponse était sortie machinalement, la jeune femme ne sachant pas pourquoi elle mentait ainsi à son maître. Bien sûr qu’elle avait senti des changements. Chaque fois qu’elle se trouvait près de l’empereur, elle ressentait une force et une puissance incommensurable, comme si elle pouvait soulever des montagnes, mais elle se voyait mal expliquer cela à Marwen , ne sachant pas à quoi était réellement due cette réaction.

— Je vois. Tu m’as semblé différente de la fois où je t’ai examiné quand nous étions à la boutique. Mais peut-être est-ce dû au collier, ou simplement au fait que tu grandisses encore, lui dit-il avec un petit sourire.

— Oui.

Marwen se releva et observa la fenêtre.

— Bon, je dois y aller.

— Faites attention, lui dit Eylen en se relevant.

— Ne t’en fais pas, je vais sortir par la fenêtre, ce sera plus prudent.

Il ouvrit les battants silencieusement et jeta un coup d’œil à l’extérieur avant de remonter sa capuche.

— À bientôt, je reviendrai, lui chuchota-t-il avant de sauter au sol et de disparaître dans les fourrées.

Elle venait de refermer la fenêtre quand elle entendit la voix de l’empereur dans le couloir, le bruit de ses pas se rapprochant à toute vitesse. Il semblait réprimander quelqu’un sur un ton énervé.

Eylen était revenue jusqu'à son lit quand il ouvrit brusquement la porte.

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