Chapitre 42

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Qahir finissait de signer une autorisation de perforer l’une des routes de la cité, donnant ainsi accès au puits de la ville, quand ses pensées dérivèrent, pour la énième fois de la journée, vers Eylen.

Il avait quitté la jeune femme endormie au petit matin, préférant la quitter avant qu’elle ne se réveille. Hier, il avait découvert une nouvelle facette d’elle, plus enjouée, plus souriante, riant avec légèreté.

Il avait senti aussi, à travers le collier, l’attirance qu’elle avait éprouvée pour lui durant la soirée. Se laissant totalement entraîner par elle, il avait cédé à ses propres pulsions et avait bien faillit craquer. Mais il savait qu’elle n’était plus maîtresse de ses émotions, rendu euphorique par la boisson rituel ainsi que l’alcool, et qu’elle le regretterait aussitôt le soleil levé.

Le visage rempli d’horreur et de tristesse que la jeune femme lui avait montré lorsqu’il avait parlé de jouer avec le feu, s’imposa à lui. Qu’est-ce qui a bien pu la terrifier ainsi ? Qu’a-t-elle vu ? Il avait tout de suite ressenti la douleur qui l’avait affligée et s’était empressé de la réconforter, sans  connaître la raison de sa peine.

Il se souvenait néanmoins d’un rêve qu’il avait fait, plusieurs années auparavant, dans lequel Eylen était entourée de flammes. Qahir lui avait alors hurlé de fuir, sentant le danger qui l’attendait. La jeune femme, avait-elle eu le même rêve ? Que s’était-il passé ce jour-là ? Qu’avait-elle donc vécu pour être ainsi terrifiée ?

Le jeune empereur se rendait compte qu’il ne connaissait absolument rien d’elle. Qui était-elle, qui était sa famille, ses amis ? Quels étaient ses rêves, ses envies ?

— Hum, hum...

Qahir releva les yeux et fixa l’intendant qui se tenait debout devant le bureau et fut étonné de ne pas l’avoir entendu s’approcher. Il posa son document en plissant le front. Il se laissait bien trop déconcentrer...

— Qu’y a-t-il ?

— J’ai trouvé des archives concernant la princesse Serafa et un certain Ronin, lui dit le vieil homme qui tenait une liasse de rouleaux anciens.

— Je vous écoute, fit l’empereur en s’adossant à son siège.

— La princesse Serafa est née avant la création de la frontière, elle était la fille aînée de l’empereur Majid.

— Oui, vous me l’avez dit la dernière fois. Il s’agit de l’empereur qui a ensuite déclaré la guerre à Elaria juste avant que la frontière ne soit érigée.

— En effet, il n’y a pas énormément d’archives datant de cette époque, si ce n’est que la princesse est partie pour Elaria lors de sa seizième année afin d’y être fiancée à l’héritier du roi Eldred. Après cela la seule chose que j’ai pu trouver et l’avis de décès de la princesse, quelques mois après son départ, la nuit de ses noces.

— Comment est-elle morte ?

— Il semble qu’elle ait été empoisonnée...

La fille aînée de l’empereur, offerte en mariage à l’héritier d’Elaria qui meurt empoisonnée...

— Voici donc l’origine de la grande guerre...

— Cela paraît fort possible, même si rien n'est écrit dans les dossiers de guerre.

— Bien, et concernant le Dorogaï ?

— Il est fait mention d’un certain maître Ronin dans les archives de la cité. Il fait partie des quelques rares Dorogaï qui ont vécu dans la cité impériale, et d’après la description qui en est faites, des tout premiers que l’empire ai rencontré.

» Ils étaient logés dans le palais rouge, ils sont arrivés à peine quelques années après la naissance de la princesse, mais il y a très peu d’information les concernant. Le fameux Ronin aurait quitté la cité peu après le départ de la princesse Serafa.

— Mmm... Le départ de la princesse l’aurait donc poussé à partir ?

— Malheureusement, aucun des documents que j’ai trouvés ne donne de détails sur leur relation, si ce n’est celle de maître à élève.

— Et ensuite, qu’est-il devenu ?

— Il semblerait qu’il soit retourné auprès des siens à l’ouest de la cité, certainement là où se trouvent les ruines du clan Dorogaï.

— C’est tout ce que vous avez trouvé ? Demanda l’empereur avec agacement.

— Oui, votre Excellence, répondit l’intendant en s’inclinant.

Qahir s’accouda à son bureau, le menton posé sur ses mains. Il avait trop peu d’information. Pourquoi Eylen rêvait-elle de ces deux personnes en particulier ? Ronin était-il l’un de ses ancêtres ? Qu’était-il devenu ensuite ? Il a vécu à l’époque de la création de la frontière, ce qui veut dire que s’il s’agit vraiment d’un parent d’Eylen, Aamal pourrait trouver des informations concernant la création de la frontière. Peut-être cela nous aiderait-il à découvrir comment la traverser ?

— J’ai besoin de savoir ce qu’est devenu Ronin ensuite, ainsi que de toutes les informations que vous trouverez sur les Dorogaïs de l’époque. Où ils vivaient, combien étaient-ils, leurs noms ainsi que ceux de leurs descendants. Tout ce qui a été écrit sur eux...

— Bien, je vais continuer les recherches. Où dois-je laisser les archives ?

— Laissez-les sur mon bureau, je les regarderais plus tard.

— Bien votre Grâce, dit-il en s’inclinant avant de répartir du bureau.

L’empereur se présenta au bureau de la grande prêtresse dans l’après-midi.

— Votre Excellence, le salua-t-elle en s’inclinant.

Elle l’invita à s’asseoir dans l’un des fauteuils tandis qu’elle préparait du thé.

— La cérémonie d’hier semble avoir plu au peuple, énonça-t-elle quand elle se fut installée. Votre nouvelle concubine sera ainsi en sécurité.

— Oui, elle sera à l’abri de potentiels assassins...

— Plus personne ne prendra le risque de s’en prendre à elle désormais.

— Je l’espère, nous allons enfin pouvoir nous concentrer sur la traversée de la frontière.

— En effet, acquiesça la grande prêtresse en buvant une gorgée de thé.

— Eylen m’a parlé d’une vision qu’elle avait eue lorsqu’elle était dans ton bureau... commença Qahir.

— Vraiment ? Demanda Aamal en reposant sa tasse.

— Oui, peut-être as-tu vu quelque chose également ?

— Oui, j’ai en effet eu une vision, mais je ne pensais pas qu’elle aussi en aurait été témoin.

— Qu’as-tu vu ?

— Un Dorogaï, il semblait faire ses adieux à une princesse. Ce n’était pas aussi clair que mes visions habituelles, je ne peux donc pas en dire plus malheureusement.

— Je vois.

— Si je pouvais passer plus de temps avec Eylen, je pourrais en savoir plus...

— Tu la verra bientôt.

— Est-ce tout ce que vous vouliez savoir ?

— Non, j’ai besoin de m’entretenir avec la première prêtresse de sang.

— Pour quelle raison ?

— Dois-je avoir une raison pour m’entretenir avec elle ? Demanda-t-il froidement.

— Non, en effet, fit Aamal en s’inclinant. Je lui ferais savoir que vous souhaitez la voir.

— Merci, dit-il en se levant. C’est tout ce que je voulais.

En sortant du bureau, il jeta un dernier coup d’œil à la grande prêtresse, toujours incliné, les yeux fixés sur la tasse de thé encore pleine de l’empereur.

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