Chapitre 48
Eylen se lova un peu plus dans les draps, profitant de l’agréable chaleur qui l’enveloppait. Pour la première fois depuis des jours, elle se sentait en pleine forme, débordante d’énergie et aucun de ses muscles fatigués ne la faisaientt souffrir.
Elle ouvrit lentement les yeux et fut étonnée de découvrir la chambre entièrement éclairée par la lumière du jour.
Pourquoi personne n’est venu me réveiller ?
Elle tourna sur elle-même et se retrouva nez à nez avec l’empereur, allongé sur les couvertures. Il était couché sur le côté, la tête posée sur son bras et les yeux fermés derrière ses cheveux noirs en bataille. La jeune femme se figea de surprise, observant le guerrier profondément endormi.
Elle était habituée à le trouver à son réveil adossé à la tête de lit les bras croisés, simplement assoupis, mais toujours alerte, ouvrant les yeux au moindre mouvement.
La respiration de l’empereur était lente et régulière, son corps se soulevant au rythme de ses respirations. Son visage était entièrement détendu et sa bouche légèrement entrouverte. Curieuse, Eylen tendit doucement la main et repoussa délicatement du bout des doigts les mèches de cheveux qui lui cachaient les yeux et examina chaque détail de son visage, ses épais sourcils sombres, ses longs cils noirs et brillants, son nez droit, la ligne de ses pommettes, sa mâchoire carrée, ses lèvres pleines... De petites cernes grise se dessinaient sous ses yeux et elle se demanda depuis quand il ne s’était pas reposé pour paraître autant épuisé.
Poussée par une impulsion soudaine, elle fit courir avec légèreté ses doigts sur la joue de l’empereur, caressant avec surprise sa peau lisse et douce. Aussitôt, elle perçut l’origine de la fatigue du guerrier, ressentant naturellement l’Energie qui bouillait en lui.
La jeune femme ferma les yeux et se concentra, appelant à elle toute la fatigue de l’empereur et se l’appropriant, laissant au passage une partie de son Energie couler en elle. Elle eut à nouveau cette sensation de plénitude et de bien-être qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle se nourrissait de sa force. Résistant à son désir d’en prendre davantage, elle stoppa le flux d’Energie et rouvrit les yeux.
Le visage de l’empereur semblait soudain totalement apaisé et ses cernes avant totalement disparues. C’est bien mieux ainsi, se dit-elle avec fierté.
Elle s’apprêtait à retirer sa main quand l’empereur lui saisit soudainement le bras et ouvrit les yeux.
— À quoi tu joues ?
Eylen le fixa sans répondre, tandis que ses joues prenaient feu.
L’empereur se tourna sur le dos, l’entrainant avec lui et elle se retrouva sur lui, paralysée de surprise.
Il leva ensuite son autre main et l’approcha de son visage pour lui caresser la joue. Eylen senti immédiatement sa peau la chatouiller et son corps s’électriser, incapable de détourner son regard des yeux sombre de l’empereur.
— De quoi rêvais-tu cette nuit ? Lui demanda-t-il soudain.
— Cette nuit ...
Les souvenirs de la cérémonie et du baiser qu’ils avaient échangé s’imposèrent à elle et elle détourna vivement les yeux.
— Rien... j’ai rêvé de la journée d’hier, je crois... éluda-t-elle.
Aussitôt, l’empereur resserra sa prise sur son bras et ses traits se durcirent.
— De ta journée d’hier ? Vraiment ? Demanda-t-il d’une voix soudainement froide, ses yeux jetant des éclairs. Tu as dû passer une soirée particulièrement gênante alors ?
Eylen le dévisagea sans comprendre. Qu’est-ce qui l’énerve à ce point ?
— Non... Il n’y a rien eu de gênant.
— J’aurais dû poser plus de questions à ce fourbe de mage ! marmonna-t-il entre ses dents serrées.
Il la lâcha et sortit du lit, lui tourna le dos et enfila sa cape tandis qu’elle le fixait, n’osant plus dire un mot. Marwen ? Il a deviné qu’il était venu ? Quand est-il allé le voir ?
L’empereur s’apprêtait à s’éloigner quand Eylen le rattrapa par le bas de cape rouge.
— Attendez ! Vous avez vu Marwen ?
L’empereur se retourna et la fixa avec une froide colère.
— Je lui ai rendu une petite visite cette nuit, pendant que tu rêvais de votre soirée.
— Que lui avez-vous fait ? Demanda Eylen, le ventre serré par l’angoisse.
— Ce que je lui ai fait ne te concerne pas, répondit-il sèchement. Mais ne t’inquiète pas, il est toujours en vie. Enfin, pour le moment...
Il finit sa phrase en libérant sa cape et s'avança vers la porte. Eylen resta assis sur le lit, les bras ballants, se demandant avec inquiétude ce qu’il allait arriver à son mentor. Elle pouvait sentir l’aura meurtrière qui animait l’empereur envahir tout l’espace et peser sur elle avec force.
Marwen ! Elle ne pouvait pas laisser l’empereur lui faire du mal ! Prenant son courage à deux mains, elle sauta du lit et se précipita pour s’interposer entre lui et la porte. Ce dernier la regarda, étonné, une main sur la poignée.
— Que comptez-vous lui faire ? Demanda-t-elle avec aplomb.
— Écarte-toi ! fit l’empereur en la repoussant d’une main.
Eylen ne se laissa pas faire et lui attrapa le bras.
— Posez-moi vos questions ! Je vous répondrais ! Il est venu pour me parler du collier, enchaîna-t-elle en le retenant de toutes ses forces tandis qu’il la fixait. Il m’a dit qu’il s’inquiétait et il voulait examiner mon collier. C’est tout ce qu’il a fait ! Ensuite, il est reparti et vous êtes arrivé ! C’est tout ce qu’il s’est passé ! Il n’a rien dit de plus, nous n’avons rien fait pour vous trahir !
L’empereur se dégagea et elle tomba à genoux sur le sol. Non! Pas Marwen! Il ne me reste que lui !
— Ne le tuez pas, supplia-t-elle. Il n’a rien fait...
— Tu t’inquiètes à ce point pour lui ? Demanda-t-il en s’accroupissant face à elle.
— Oui, fit Eylen en le dévisageant avec peur. Je ferais tout ce que vous voulez, alors ne le tuez pas...
L’empereur l’observa silencieusement et écrasa du pouce une larme qui roulait sur la joue de la jeune femme.
— Très bien, je l’épargne pour cette fois... souffla-t-il avant de se relever, son aura meurtrière semblant enfin s’apaisér.
Il sortit de la chambre et Eylen resta assise au sol, écoutant le bruit de ses pas s’éloigner dans le couloir.
Inaya entra quelques secondes plus tard et lui jeta un regard étonné.
— Je n’aurais pas cru qu’il puisse être encore plus énervé qu’hier soir... dit-elle en se tournant vers le couloir. Qu’est-ce que tu lui as dit ?
Eylen sécha sa joue d’un revers de main et se releva.
— Je n’en sais rien. Il passe son temps à changer d’humeur et essayer de tuer tout le monde ! Bougonna-t-elle.
Inaya se retourna vers elle surprise tandis qu’Eylen se massait les tempes. Elle allait certainement regretter ses mauvaises pensées toute la journée, mais peu importe.
— Allez, change-toi, on va s’entraîner, lui dit la guerrière.
Une domestique tenant un petit plateau rempli de petits pain briochés entra dans la chambre et la guerrière en prit un quand elle passa devant elle.
Eylen se dépêcha d’enfiler sa tenue d’entraînement et elle sorti sans regarder le plateau, trop contrariée pour avaler quoi que ce soit. Lorsqu’elle arriva dans le couloir, Saki lui emboîta le pas sans un mot et la jeune femme lança un regard interrogateur à Inaya qui l’ignora parfaitement.
Une fois sur le terrain, les autres Suharïs s’entraînaient déjà et elle remarqua que certaines étaient absentes, notamment la princesse Shaïa et Asha.
— Où sont les autres ? Demanda-t-elle à Inaya.
— Elles font des rondes, répondit la guerrière qui semblait soudainement tendue.
— Trève de bavardage, lâcha alors Saki en se tournant vers elle. Je vais reprendre ton entraînement à partir d’aujourd’hui. On va commencer par la course, suis-moi.
Et elle partit à toute allure sans l’attendre, s’éloignant déjà vers l’autre bout du terrain. Eylen se précipita à sa suite, bien décidé à ne pas se laisser distancer tandis qu’Inaya la dépassait déjà.
Elles s’entraînèrent ainsi toute la fin de la matinée, Saki ne lui laissant à chaque fois que quelques instants pour récupérer avant de la lancer dans un nouvel exercice.
Quand vint le moment de s’entraîner au combat Eylen vit avec appréhension Inaya s’écarter pour laisser Saki s’approcher. Armée de ses deux petits poignards, la jeune femme se mit en garde tout en essayant de garder une respiration régulière.
La guerrière Suharï s’arrêta à quelques mètres d’elle, les mains vides. Puis, en un clignement d’œil, elle se jeta sur elle, déviant son bras droit d’une main et tendant l’autre vers sa gorge. Eylen réagit aussitôt et fit rouler son bras gauche à l’intérieur du bras tendu de la guerrière pour l’écarter et pivota sur ses pieds pour se retrouver à côté d’elle. Leurs épaules se touchèrent presque, mais la guerrière jeta son coude en arrière, l’atteignant à la poitrine. Eylen tomba alors au sol en serrant les dents de douleurs. La guerrière lui lança un regard plein de mépris et elle essuya sa bouche avant de se relever, sentant la colère prendre la place de sa raison.
Elle le fait exprès ! Je ne peux pas me défendre face à elle et elle le sait pertinemment ! Tout ça pour m’humilier !
Inaya s’approcha et prit Saki à parti. Sans même comprendre ce qu’elle disait Eylen comprit brièvement qu’Inaya lui demandait ce qui lui prenait et l’autre guerrière lui répondit avec colère. Elle comprit cependant quelques mots de sa réponse : Mokthar, traîtresse et punition. Elles se disputèrent ainsi quelques instants et Inaya repris finalement l’entraînement, Saki se tenant à l’écart, les bras croisés.
Lorsque les cloches sonnèrent, Eylen se prépara à aller directement aux bains et fut surprise de voir que certaines guerrières continuaient leur entraînement.
— Elles ne nous rejoignent pas ?
— Non, elles étaient chargées de monter la garde hier et on faillit. Elles vont s’entraîner avec acharnement pour compenser leurs faiblesses.
C’est à cause de moi, se dit Eylen en observant les guerrières qui restaient sur le terrain. Pas étonnant que Saki m’en veuille, elle et ses camarades ont été punies par ma faute...
Elle repartit en direction du bain, le cœur lourd, consciente que la situation ne faisait que creuser un peu plus le fossé entre elle et les guerrières et qu’elle était plus seule que jamais.
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