Chapitre 50

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La princesse Shaïa assise en position du lotus face à elle, ouvrit les yeux et lui sourit. La grande prêtresse qui avait également ouvert les yeux, lui lâcha les mains et attrapa une petite tasse dans laquelle elle cracha ses feuilles mastiquées. Eylen imita la prêtresse, le goût amer des feuilles lui ayant asséché sa bouche, elle reprit son verre de thé et en bu une grande gorgé, constatant avec surprise que le liquide avait entièrement refroidi.

— Vous êtes restées absentes durant trois heures, lui indiqua la princesse devant son air étonné.

— Vraiment ? S'exclama-t-elle la bouche encore pâteuse.

Elle n’avait pourtant l’impression de n’avoir fermé les yeux que quelques minutes, pourtant. Jetant un regard à l’extérieur, elle constata que l’après-midi était bien avancée. J’ai raté ma leçon avec Lyra...

— Vous devriez aller vous reposer, vous risquez de vous sentir un peu vaseuse durant le reste de l’après-midi, lui dit la prêtresse en la fixant. 

Eylen acquiesça, troublée par le regard perçant qu’elle lui adressait. Elle remarqua alors pour la première fois la couleur argentée de ses pupilles, semblable à celle des Suharïs. Elle se tourna instinctivement vers Shaïa et constata en effet une nette ressemblance. Je divague, se dit-elle alors en se relevant, tant bien que mal. La princesse se redressa aussitôt et la soutint tandis qu’elle tentait de reprendre son équilibre.

— Merci, souffla-t-elle.

— Inaya, va te raccompagner.

— Je dois m’excuser envers Lyra...

— Elle a déjà été prévenue.

Inaya s’approcha et, après avoir salué la grande prêtresse et la princesse Shaïa, Eylen la suivit d’une démarche un peu plus assurée Une fois dans sa chambre elle alla s’écrouler directement sur son lit sans même se déchausser. Elle avait toujours la nausée et la sensation de toujours sentir l’Energie déplaisante de la prêtresse en elle, comme si elle avait laissé des traces de son passage à l'intérieur de son corps. Sa migraine la faisait également souffrir, comme un rappel de sa dispute du matin et elle sentait l’une de ses tempes pulser douloureusement.

— Tu devrais au moins te mettre sous les draps, lui suggéra Inaya.

— Mmmm...

Elle recroquevilla ses jambes contre elle et renta la tête dans son cou, se sentant trop faible pour faire quoi que ce soit d’autre. Elle sentit alors qu’on lui enlevait ses chaussures et qu'on la couvrait d’une épaisse couverture.

— Merci... marmonna-t-elle avant de sombrer dans un profond sommeil.

Elle avançait dans le noir, le souffle court. Derrière elles des cris et des bruits d’affrontements résonnaient dans la nuit.

Se retournant, elle aperçut un homme à la longue chevelure blanche qui se battait contre un Garandï qui enfonça sa lame dans le ventre de son ennemi et se tourna vers elle.

— Aïka! Cours, lui hurla-t-il le visage plein de peur tandis qu’un nouveau Garandï arrivait vers lui.

Elle reconnut le Dorogaï qu’elle avait vu deux ans plus tôt, le soir de Walpurgis, dans une autre vision.

— Eiji, s’entendit-elle sangloter avant de s’enfoncer dans la brume lumineuse de la frontière.

Des cris résonnèrent derrière elle tandis qu’elle se mettait à courir.

— Attrapez-la !  entendit-elle hurler.

Elle ouvrit les yeux et découvrit le salon de la ferme à Essert. Sa mère était installée sur sa chaise à bascule devant l’âtre de la cheminée. Elle s’approcha et s’extasia devant le bébé aux yeux verts qu’elle berçait.

— Tu dis bonjour à ta grande sœur, Brion ? Roucoula Anissa en souriant. 

Eylen s’approcha encore, se mettant sur la pointe des pieds et s’agrippant à sa robe pour mieux voir.

— Brion ! Dit-elle en riant.

Sa mère tendit la main et lui caressa la joue, ses yeux noisettes remplis d’affection.

— Attention ma puce ! fit Owen en rentrant dans la maison. N’embête pas maman.

— Elle ne m’embête pas chéri, elle est juste curieuse.

Owen embrassa le front de sa femme et se pencha pour attraper Eylen dans ses bras, la faisant voler au-dessus de lui. Elle écarta les bras et explosa de rire.

— Encore ! Encore ! S'exclama-t-elle tandis qu’il la reposait.

— Non, je dois encore aller rentrer les moutons, tu veux venir ?

La petite fille acquiesça en souriant à son père qui la fixait tendrement de ses yeux verts.

— Pourquoi tes yeux son vert papa ? Lui demanda-t-elle intriguée.

Son père se releva en riant, comme s’il ne l’avait pas entendu.

— Allez, suis-moi.

Elle courut à sa suite hors de la ferme.

Elle se trouvait derrière sa mère, des gardes de Frozir discutaient avec son père, dans la cour. Soudainement, un garde passa un bras derrière sa mère, attrapant Eylen à l’épaule.

— Lâchez ma fille ! S'écria sa mère en s’interposant.

Le garde la repoussa de son autre main et elle tomba en arrière sur le sol de la cuisine.

Eylen vit Brion et Mery la rejoindre en pleurant.

— Non, non, non...

Elle connaissait cette scène, ils étaient en danger.

— Non ! Sortez de la maison ! Leur hurla-t-elle.

— Argh...

Elle se retourna et découvrit son père qui la fixait à genou, la pointe rouge d’une épée dépassant de son ventre. Ses yeux d’un bleu profond remplis de surprise la suppliant du regard.

— Non... Papa ! Non !

Elle courut vers lui et l’attrapa par les épaules.

— Eylen... C’est ta faute... Tu aurais dû écouter la voyante... lui dit-il en crachant du sang.

— Quoi ? Non... Je ne voulais pas, bégaya-t-elle en sentant les larmes inonder son visage. Je ne savais pas... Quelle voyante ?

Une ombre passa au-dessus de son père et elle releva la tête. La veille voyante du marché noir de Frozir la fixait de ses yeux vitreux.

— Tu es une morte qui marche ! Tu apportes le malheur !

— Non ! Fit Eylen en tombant en arrière. Non, ce n’est pas moi qui ai fait ça !

Elle recula en s’appuyant sur ses mains.

— Fuis !

Les cris de sa mère ainsi que ceux de son frère et sa sœur lui parvinrent de l’intérieur de la ferme et elle se retourna. Déjà, les flammes léchaient le toit de la maison, là où les soldats avaient lancé leurs torches.

— Maman ! S'écria-t-elle en courant à l’intérieur.

Mais lorsqu’elle arriva, seuls les corps calcinés de sa famille l’attendait.

Elle retomba à genoux, approchant sa main tremblante de leurs corps froids. Brions ouvrit soudainement les paupières, la fixant de ses magnifiques yeux bleu.

— Tu nous as abandonnés, lui dit-il d’une voix tranchante.

Mery ouvrit à son tour les yeux et la fusilla du regard.

— Pourquoi tu ne m’as pas sauvée grande sœur ? demanda-telle de sa petite voix fluette.

— Je ne savais pas... Si j'avais su...

— Tu ne voulais pas que je vive ? Tu ne nous aimais pas ?

— Si ! Je vous aime ! Je suis désolée ! Sanglota-t-elle en se cachant le visage.

Les corps de sa famille commencèrent à se consumer à nouveau sous ses yeux, se transformant en cendres blanche qui s’envola au-delà des murs de la ferme

— Mery, Brion ! Je ne voulais pas ! Attendez ! Cria-t-elle en courant pour les rattraper.

Eylen se redressa en sursaut tendant la main devant elle.

— Non ! Ne partez pas !!

Une main chaude attrapa la sienne et quelqu’un l’attira dans ses bras. Aussitôt, une douce chaleur rassurante la soulagea et elle soupira, se laissant aller en fermant à nouveau les yeux. Elle sentait l’espace tourner autour d’elle et fut à nouveau assaillie par la désagréable sensation de nausée.

— Je... me sens pas bie... souffla-t-elle en se sentant tomber en arrière.

— Eylen ! Entendit-telle au loin.

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