Chapitre 52

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Qahir entra sans un bruit dans la chambre d’Eylen, se déplaçant dans le noir pour ne pas la réveiller. Il s’apprêtait à s’installer à ses côtés quand il remarqua qu’elle s’agitait sous les draps en marmonnant.

Il s’approcha d’elle pour mieux entendre ce qu’elle disait tout en s’asseyant au bord du lit.

— Non... Non... murmurait-elle en secouant la tête.

Qahir alluma la petite lampe posée sur la table de chevet avant de se tourner vers elle.

Les traits de la jeune femme étaient tendus et ses yeux roulaient sous ses paupières, posant une main sur son épaule, il sentit les tremblements qui l’agitaient.

— Eylen, dit-il en la secouant pour la réveiller.

Elle ne réagit pas continuant à se débattre dans son sommeil.

— Non !

Qahir l’attrapa par les épaules et commença à la secouer avec inquiétude quand soudainement elle ouvrit les yeux et tendit la main devant elle.

— Non ! Ne partez pas !! Hurla-t-elle en larmes.

Il prit immédiatement la main qu’elle tendait et l’attira à lui, la serrant avec force dans ses bras, ressentant toute la peine et la douleur qui l’habitaient.

Eylen se détendit aussitôt et se laissa aller contre lui, même si elle ne semblait pas le voir réellement. Son visage était couvert de sueur et elle respirait faiblement.

— Je... Me sens pas bie... souffla-t-elle avant de s’évanouir, sa tête retombant en arrière.

— Eylen ! s’écria Qahir affolé en la secouant.

La porte de la chambre s’ouvrit alors à la volée et Saki et Inaya se précipitèrent à l’intérieur. Qahir, concentré sur Eylen, continuait d’essayer de la réveiller en jurant à haute voix.

Shaïa s’approcha alors, posant une main sur le front de la jeune femme sous le regard affolé de l’empereur.

— Elle est gelée, dit-elle alors, soucieuse.

Elle fit signe à une domestique tandis que Qahir rallongeait délicatement Eylen dans le lit.

— Que s’est-il passé ? Demanda-t-il aussitôt à la princesse.

— Rien de particulier, répondit Shaïa. La séance s’est déroulée sans encombre et elle est ensuite allée directement dans son lit. Elle était légèrement étourdie, mais rien d’anormal à cela... Inaya l’a aidé à se coucher et elle s’est directement endormie.

Le visage et les lèvres d’Eylen étaient de plus en plus pâles et on pouvait voir la sueur perler sur sa peau. Qahir sentait son pouls s’affoler au fur et à mesure que sa tension montait.

La servante revint avec un seau d’eau et des serviettes, s’employant à éponger le front de la jeune femme avec douceur.

— Nous devrions peut-être faire venir une prêtresse de sang, proposa la princesse en se tournant vers lui.

Qahir serra les poings en jurant, il détestait se sentir à ce point impuissant. La fatigue du combat était encore présente et ses blessures n’étaient pas encore entièrement guéries. Les prêtresses pourraient en effet soigner Eylen, mais il n’était plus sûr de leur faire totalement confiance et rechignait à la leur confier.

Si elle avait des fleurs de pureté, elle pourrait se soigner toute seule, songea-t-il. Mais il n’en poussait pas dans le désert et la jeune femme avait épuisé ses réserves depuis un moment. La respiration de la jeune femme semblait difficile.

Poussé par une soudaine idée, Qahir réagit alors instinctivement, attrapant la main d’Eylen, il étendit alors son aura tout autour d’elle, espérant lui transmettre une partie de son Energie. Il l’avait vu faire à Toren pour soigner Babil et lors de leur chevauchée vers Minar après le combat contre le démon buffle qui les avait suivis hors de la frontière. Il n’aurait pas su l’expliquer ni dire comment, mais il était certain qu’elle pouvait puiser l’Energie en lui pour se soigner.

Immédiatement, comme pour confirmer son intuition, il sentit la force de son aura diminuer. Il perçut alors le flux d’Energie qui coulait en lui filer à toute allure à travers sa main vers celle d’Eylen. Aussitôt, la respiration de la jeune femme se fit plus forte et il sentit sa peau se réchauffer sous ses doigts. Qahir serra plus fort sa main tandis qu’il sentait la douleur de ses blessures se raviver. Il vit avec soulagement le visage de la jeune femme se détendre et sa peau reprendre des couleurs.

Il s’apprêtait à lâcher sa main quand les doigts d’Eylen se refermèrent sur lui avec force. Il sentit qu’elle commençait à puiser plus profondément, et avec plus de férocité, l’Energie qui l’habitait. Aussitôt, les racines des cheveux de la jeune femme virèrent au blanc pur, presque argenté, la couleur descendant lentement sur ses cheveux tandis qu’il sentait son cœur se contracter de douleur. 

— Eylen, souffla-t-il en serrant les dents.

Mais la jeune femme, toujours endormie, ne semblait pas l’entendre.

Shaïa, qui était restée près d’eux, réagit immédiatement, empoigna le bras d’Eylen et libéra la main de l’empereur.

Qahir reprit alors son souffle et continua d’observer Eylen qui dormait à présent paisiblement, ses cheveux redevenant peu à peu aussi noirs que d’habitude. Shaïa, elle aussi, contemplait Eylen avec une étrange expression où se mêlaient inquiétude et admiration. L’empereur se retourna vers Inaya et Saki qui fixaient elles aussi Eylen, l’une avec inquiétude l’autre avec méfiance.

— Dehors ! gronda-t-il en les fixant, avant de se tourner également vers Shaïa.

La princesse s’inclina et fit sortir la domestique et les deux guerrières avant de refermer la porte derrière elle.

Qahir resta seul avec Eylen et la dévisagea en silence, se demandant quels étranges pouvoirs elle pouvait encore cacher. Il se releva et fit lentement le tour du lit avant de s’installer à ses côtés, s’appuyant sur un coude pour mieux l’observer. La jeune femme fronça les sourcils et se tourna vers lui en dormant.

— Tu es un mystère... chuchota-t-il en attrapant une de ses longues mèches noires.

Toutes les questions sans réponses tournaient en boucle dans son esprit. Des questions qu’il n’avait pas encore eu le temps de lui poser : Qu’avait été sa vie avant leur rencontre ? Qu’avaient été ses peines ? Ses bonheurs ? Ses amours... Était-elle amoureuse du mage Elarien ? À cette pensée, son estomac se crispa et il serra les doigts autour de ses longs cheveux. Il ne pouvait l’imaginer, ni l’accepter. Il porta la mèche de cheveux de la jeune femme à ses lèvres, l’embrassant tendrement.

— Je ne te partagerai avec personne, souffla-t-il en la fixant. Pas même avec ton mage...

Il n’avait dormi que quelques heures lorsqu’il s’éveilla brusquement. Quelque chose les observait. Il se redressa silencieusement et se tourna instinctivement vers la fenêtre derrière laquelle le soleil venait de se lever, mais ne vit rien. Étendant son aura à toute la pièce, il ne perçut non plus aucune présence. Étrange, il était pourtant certain que quelque chose s’était trouvé derrière la fenêtre.

Il s’apprêtait à se lever quand il sentit la présence d’Asha, à travers le collier.

— Asha, dit-il tout bas pour ne pas réveiller Eylen, toujours endormie près de lui.

La guerrière apparut alors à l’autre bout de la pièce, accompagné du mage Elarien. Qahir se retint de lui montrer les dents et se concentra sur la guerrière qui s’inclina avec respect. Il ne pouvait leur reprocher cette intrusion soudaine, c’était lui, après-tout, qui leur avait donné l’ordre de le rejoindre directement, peu importait le lieu, une fois leur mission accomplie. Le mage, quant à lui, restait bien droit, les yeux fixés sur Eylen. 

La jeune femme était allongée sur le côté, tournée vers l'empereur, une main posée sur la sienne. Qahir remonta la couverture sur les épaules de la jeune femme et fixa Marwen avec défi, sentant la colère se réveiller au fond de lui.

Il sortit discrètement du lit, constatant que ses blessures à la jambe et au bras étaient totalement guéries et leur fit signe de le suivre dans le salon avant de s’installer dans le fauteuil qui faisait face au lit.

Asha tendit alors la main vers le mage, qui sortit de sa tunique un vieux carnet en cuir pour le lui donner. La guerrière s’avança alors vers l’empereur et lui donna le carnet avec respect.

Qahir ouvrit la couverture, découvrant de vieilles pages jaunies et abîmées qu’il tourna avec soin.

“ An 1 après la création de la frontière, quartier croissant de la dixième lune :

L’empereur a accédé à notre requête ce matin, il a accepté de nous donner le palais Grenat où feu la princesse Serafa étudiait avec maître Ronin.

Notre ordre est enfin reconnu par l’empire. Si seulement la princesse avait pu être là pour voir ça.”

Qahir écarquilla les yeux de surprise et revint à la première page.

“Journal de dame Samara.

An 75, lune gibbeuse décroissante de la deuxième lune : 

Je commence aujourd’hui ce mémoire, à la demande de la princesse Serafa qui nous quitte en ce jour pour le royaume d’Elaria.

Elle nous a chargées, dames Akila et Ismat ainsi que moi-même, de transmette son enseignement aux prochaines générations et de faire perdurer la pratique de la magie de sang à travers le temps.

J’espère réussir à lui faire honneur.”

Qahir referma le livre et examina la couverture en cuir marron. Il sentit l’excitation le gagner, mêlée à une pointe de crainte. Il tenait entre les mains le carnet de la fondatrice des prêtresses de sang. Les réponses qu’il cherchait se trouvaient certainement dans ce livre, et peut-être plus encore.

— Personne ne vous a vu ? Demanda-t-il à Asha.

— Non, aucune prêtresse ne nous a repérés.

Elle jeta un bref regard au mage dans lequel brillait une infime lueur de respect avant de reprendre :

— Les guerrières ne nous ont pas repérés non plus lorsque nous sommes entrés dans le palais.

L’empereur se tourna vers le mage, resté debout aux côtés de la guerrière. Ce dernier gardait les yeux fixés sur Qahir, les poings serrés et les lèvres pincées. Était-il contrarié à cause d’Eylen ? L’empereur hésitait entre la jalousie et la rancœur, mais il devait reconnaître que le mage avait parfaitement rempli sa mission. Et il avait juré à Eylen de ne pas le tuer. Pas tout de suite en tout cas...

— Je vous félicite mage, vous avez su vous rendre utile.

Ce dernier acquiesça d’un hochement raide de la tête.

— Avez-vous découvert autre chose sur les expériences ? demanda-t-il en se tournant vers Asha.

— Rien de très intéressant, nous ne nous sommes pas trop approchés, mais il semblerait que les prêtresses utilisent le sang sur des armes et des pierres.

— Vous n’avez pas vu d’animaux ?

— Non.

— Je vois... Mage Marwen, fit-il en se tournant vers lui, Asha va vous raccompagner en toute discrétion à votre chambre. Elle reviendra vous chercher pour une prochaine mission.

— Bien, répondit froidement le mage.

Qahir se releva et s’avança à sa hauteur, le dominant d’une demi-tête avant de poser une main sur son épaule.

— En attendant, vous resterez bien sagement dans la caserne des Garidans avec vos novices... Ma nouvelle épouse a plaidé en votre faveur cette fois-ci, je ne vous tuerai donc pas. Mais si vous remettez un seul pied dans le palais des concubines sans mon autorisation, je ne serai pas aussi clément, lui souffla-t-il tout bas en serrant les doigts sur son épaule.

Le mage grimaça de douleur avant d’acquiescer.

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