Chapitre 53

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Eylen s’étira dans le lit avant d’ouvrir les yeux. La nausée de la veille avait totalement disparu et elle se sentait en parfaite forme.

— Comment te sens-tu ? lui demanda l’empereur du salon, la faisant sursauter.

Elle se redressa d’un coup et le fixa ahurie.

— Vous... Que faites-vous là ? Balbutia-t-elle surprise. 

Quand était-il arrivé ? Dans la nuit ?

L’empereur, nonchalamment installé dans un fauteuil, la fixait avec un air amusé par-dessus la couverture en cuir d’un vieux livre.

Eylen passa machinalement la main dans ses cheveux pour les discipliner et réajusta le plus discrètement possible ses vêtements.

— Viens manger, lui dit alors l’empereur sans se défaire de son petit sourire.

La jeune femme se leva en silence et vint s’asseoir dans le petit canapé face à lui. Un plateau de fruits secs, accompagné de petits pains et de thé, avait été posé sur la table basse et elle sentit son ventre gargouiller en humant les douces odeurs qui s’en dégageaient.

— Tu n’as pas répondu à ma question, fit-il en l’observant tandis qu’il posait son livre sur la table.

— Bien, répondit-elle en avalant sa bouchée de pain.

— Tu n’as plus de nausées ? 

— Non.

Il la dévisageait avec une insistance qui la mit mal à l’aise et elle se concentra sur son repas avant de le fixer subitement.

— Comment savez-vous que j’ai eu des nausées ?

Il la dévisagea avec un air soudainement contrarié et Eylen grimaça en se demandant ce qu’elle avait encore pu faire pour l’énerver.

— Qui penses-tu, est venu t’aider cette nuit ? Lui demanda-t-il avec une pointe d’agacement.

La jeune femme se concentra pour essayer de se remémorer la soirée de la veille, mais rien ne lui vint, mis à part qu’elle s’était sentie épuisée en sortant de chez la princesse Shaïa. Elle s’était alors allongée sur le lit et s’était aussitôt endormie, enchaînant rêves et cauchemars.

— Te souviens-tu au moins de ce dont tu as rêvé hier soir ? Continua l’empereur avec inquiétude.

— J’ai rêvé de ma famille... répondit-elle en se servant du thé.

— Te manquent-ils ?

Eylen sursauta, tant la question la surpris, et elle renversa une partie du thé brûlant sur sa main.

— Aïe !

L’empereur se leva brusquement et lui attrapa vivement la main, aussitôt la sensation de brûlure disparue et elle ne sentit plus aucune douleur. Il examina attentivement sa main, caressant la peau lisse et intacte.

— Comment as-tu fait ça ? Lui demanda-t-il en la fixant, confus.

— Je... Je ne sais pas... bredouilla-t-elle en retirant sa main.

Elle regarda les plateaux de nourriture, toute envie de manger ayant brusquement disparu à la mention de sa famille. Relevant les yeux, elle observa le soleil qui brillait à travers la fenêtre.

— Je dois aller m’entraîner, Inaya doit s’impatienter.

— Tu ne vas pas t’entraîner aujourd’hui, déclara l’empereur en se réinstallant dans son fauteuil.

— Pourquoi ?

— Nous sortons, les domestiques vont t’apporter de quoi te changer, tu peux aller te préparer.

Il lui désigna la salle de bain adjacente tout en attrapant son vieux carnet qu’il se remit à lire. Eylen le dévisagea stupéfaite avant de soupirer de frustration et de se rendre dans l’autre pièce.

Comme d’habitude, il décide de tout sans que je n'aie mon mot à dire... pensa-t-elle agacée.

Une domestique entra juste après elle et commença à remplis son bain d’eau chaude parfumée. Eylen se déshabilla et entra dedans, bien décidé à y rester le plus longtemps possible. Après tout, il ne m’a pas dit de me dépêcher.

Mais une fois dans le bain, la curiosité la titilla. Où l’empereur comptait-il l’amener ? Ils n’allaient certainement pas vers la frontière, étant donné qu’elle ne savait toujours pas comment le faire traverser sans danger. Peut-être que je n’en suis tout simplement pas capable. Peu-être que la grande prêtresse a découvert que je ne pouvais pas le faire et qu’elle le lui a dit ? Commença-t-elle à s’inquiéter. Du coup, il n’a plus besoin de moi... Est-ce qu’il veut se débarrasser de moi ? S’il ne peut pas me renvoyer à Elaria, va-t-il juste me jeter dans la frontière ? Elle sentait la panique monter au fond d’elle, incontrôlable. Ou alors, il a simplement décidé de me tuer, conclut-elle la gorge soudainement sèche.

Des coups résonnèrent contre la porte et elle sursauta en retenant un hoquet, éclaboussant tout le sol de la pièce.

— Tu as décidé de faire la sieste dans ton bain ? Lui demanda l’empereur de l’autre côté de la porte.

Eylen se mordilla les lèvres sans répondre.

— Eylen, insista-t-il d’un ton menaçant. Si tu ne sors pas rapidement de cette pièce, je vais venir te chercher...

— J’arrive !

Elle sortit rapidement du bain et enfila le sari vert qu’on lui avait préparé avant de sortir.

L’empereur l’attendait juste devant la porte, les bras croisés avec une expression irrité.

La jeune femme grimaça, son agacement reprenant le dessus sur ses craintes. Elle l’évita pour entrer dans la chambre et s’installa devant la coiffeuse où elle entreprit de tresser ses longs cheveux. Il la regarda faire en s’appuyant au mur, ses doigts pianotant avec impatience sur son bras et elle dut se retenir de sourire tout en jubilant intérieurement. Ce n’était qu'une piètre vengeance, mais lui faire perdre patience avait au moins le mérite d'effacer un petit peu sa frustration de devoir sans cesse lui obéir.

L’empereur s’approcha soudainement derrière elle et se pencha en avant, sa bouche effleurant l’oreille de la jeune femme.

— Ça t’amuse ? Lui souffla-t-il tout bas l’air contrarié. 

Eylen s’écarta en rougissant.

— J’ai fini, fit-elle en se relevant promptement et en se tournant face à lui.

L’empereur l’observa avec un petit sourire satisfait et s’avança vers elle, la bloquant entre lui et la coiffeuse. Eylen tendit les mains en arrière pour se retenir au meuble, reculant le plus possible et le vit sortir un petit tissu noir de sa poche.

Il le tendit devant les yeux de la jeune femme qui se figea, et le noua autour de sa tête. Aussitôt, sa vision s’assombrit, mais elle pouvait encore voir parfaitement, comme derrière le bandeau que lui avait offert Elie.

— Je t’en ai trouvé un nouveau, vu que j’ai fait modifier l'ancien, lui chuchota-t-il à l’oreille en glissant une main dans ses cheveux.

— Merci... bredouilla-t-elle tout en rentrant le menton pour éviter son regard.

— Quand on commence un jeu, il faut être prêt à en assumer les conséquences, lui souffla-t-il en posant un doigt sous son menton pour lui relever la tête.

Son visage était à peine à quelques centimètres du sien, Eylen sentant son souffle sur sa peau. Elle déglutit péniblement, ses joues se réchauffant sous les doigts de l’empereur.

Ce dernier recula finalement avec un petit rire.

— Met ça et enfile la capuche, dit-il en attrapant une cape blanche posée au pied du lit qu’il lui tendit.

Eylen s’exécuta, étonnée par la douceur du tissu qui glissa avec fluidité sur ses épaules. L’empereur enfila une cape similaire avant d’ouvrir la porte de la chambre et de lui tendre la main. La jeune femme posa sa main sur la sienne en serrant les dents, essayant de ne pas prêter attention aux picotements que lui provoquèrent leur contact, ni à l’attirante Energie qu’elle sentait bouillir en lui.

Il la guida à travers le palais de concubines jusqu’au petit jardin arboré avant de la faire entrer dans la cour impériale. Eylen se dirigea alors vers le palais, pensant que c’était là qu’il l’emmenait, mais il la tira vers le côté, poursuivant sa route vers le palais des prêtresses. Au lieu de passer la porte qui y menait, il s’avança vers une seconde porte plus petite.

Un Garandï leur ouvrit le passage et ils se retrouvèrent sur une petite place peu fréquentée, bordée d’habitations en terre rouge. L’empereur lui fit alors prendre plusieurs petites ruelles et s’arrêta à l’angle d’une rue qui semblait donner sur une allée plus fréquentée. Il se tourna vers elle et réajusta la capuche de la jeune femme.

— Garde ton visage caché.

Eylen acquiesça, baissant légèrement la tête pour rester dans l’ombre de sa capuche. Il tira sur sa propre capuche pour se camoufler et s’avança dans la grande allée, l’entrainant dans la foule.

Au départ, Eylen sentit le stress la gagner et faire battre son cœur, gêné par les bousculades des gens qui marchaient et riaient sans faire attention. Elle s’approcha un peu plus de l’empereur, inquiète d’être séparée de lui et de se perdre, attrapant son bras de son autre main.

Des étals étaient installés des deux côtés de la grande rue, collés les uns aux autres. Des jongleurs, musiciens et autre acrobate se donnaient en spectacle à même l’allée sous les yeux émerveillés des enfants et les rires de passants. Des odeurs d’épices, de miel et de thé embaumaient l’espace, s’accordant merveilleusement aux mélodies exotiques des musiciens.

Peu à peu, Eylen se détendit et laissa son regard traîner le long des étals ou sur les artistes, écoutant d’une oreille discrète les chants et les discussions des gens. Elle ne comprenait toujours pas leur langue, mais la trouvaient maintenant plus mélodieuse et agréable à entendre.

L’empereur la guida le long de la rue, la faisant passer devant les marchands, et s’arrêta devant un stand de pierres précieuses. Les yeux d’Eylen furent immédiatement attirés par un petit bracelet aux pierres bleu clair, semblable au ciel d’été. L’empereur saisit immédiatement le bijou et le tendit au marchand qui lui parla avec un grand sourire tout en se frottant les mains. Ils échangèrent quelques instants et Eylen devina par habitude qu’ils marchandaient, elle avait vu plusieurs fois son père utiliser le même ton que l’empereur lorsqu’il faisait affaire à Frozir.

L’empereur fit finalement tomber deux pièces d’argent dans la main du marchand et se tourna vers Eylen pour lui mettre le bracelet au poignet.

Eylen retira machinalement sa main, mais il la rattrapa vivement.

— Arrête de bouger.

— Que faites-vous ?

— Ça ne se voit pas ? Lui demanda-t-il en la fixant. 

— Vous n’aviez pas besoin... marmonna-t-elle gênée.

— Il avait l’air de te plaire, et j’avais envie de te faire plaisir... lui dit-il en caressant le dos de sa main du pouce.

Eylen sentit le sang lui monter au visage.

— Merci...

Elle ne savait pas comment réagir face à cette déclaration soudaine. Que faisaient-ils ici ? Était-ce un rendez-vous ou autre chose ?

— Pourquoi m’avez-vous emmené ici ? Osa-t-elle finalement demander.

— ça ne te plaît pas ? J’ai pensé que tu aimerais sortir, mais si tu préfères rester enfermée, nous pouvons retourner au palais, fit-il en la tirant en arrière pour revenir sur leur pas. 

— Non ! S'exclama-t-elle en le retenant.

L’empereur s’arrêta et la dévisagea, attendant la suite.

— Non... Je préfère être ici, avoue-t-elle à contre-cœur.

L’empereur lui adressa un petit sourire satisfait et l’entraîna à nouveau à travers la foule, serrant sa main fermement dans la sienne.

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