Chapitre 62

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Eylen frémit quand quelque chose lui effleura délicatement le visage. Elle poussa un petit soupir et se serra un peu plus contre son oreiller, doux et chaud. Chaud ?

Elle ouvrit grand les yeux et découvrit à quelques centimètres d’elles, le torse bronzé de l’empereur. Elle resta un instant figée de stupeur avant de réaliser qu’elle s'était blottie dans ses bras, incapable de bouger.

— Bien dormi ? Lui demanda-t-il au-dessus d’elle.

Elle releva la tête et le découvrit, un grand sourire aux lèvres, qui la fixait d'un air amusé. Elle grimaça et se couvrit le visage des mains, sentant ses joues se réchauffer subitement.

— Pouvez-vous me libérer... l’implora-t-elle, trop gênée pour le regarder.

Il releva le bras qui la tenait et elle roula sur elle-même pour s’éloigner, lui tournant le dos.

— Tu es bien moins timide lorsque tu dors, lui dit-il d’un ton moqueur.

Eylen se redressa vivement et sortit du lit.

— Tu es plus bavarde aussi...

Elle sursauta et se tourna brusquement vers lui, rouge de honte.

— Qu’ai-je dit ? Demanda-t-elle affolée.

Il la fixa avec un air malicieux avant de se lever à son tour et de s’approcher d’elle.

— Je pense que je vais garder ça pour moi... lui chuchota-t-il à l’oreille.

Eylen plaqua sa main contre son oreille en feu et grimaça tandis qu’il s’éloignait en sifflotant.

— Prépare-toi, lui dit-il avant de sortir de la tente. Nous repartons bientôt.

Elle s’affaira rapidement, après avoir bu une gorgée de thé chaud, elle attrappa un pain brioché à la cannelle dans lequel elle prit une grosse bouchée et sorti de la tente. Elle leva la main devant ses yeux, aveuglée par les rayons du soleil quand l’ombre d’Inaya apparut.

— Bonjour, la salua la guerrière avec le même air moqueur que la veille.

Eylen soupira en avalant sa bouchée de pain. Est-ce une coutume des gens du désert que de se moquer des autres ? Se demanda-t-elle avec agacement. Elle s’apprêtait à saluer la guerrière sèchement, mais se reprit de justesse. Inaya était la seule à ne pas l’avoir détesté parmi les Suharïs et elle lui avait toujours tenu compagnie pendant ses longues journées d’ennuis. Elle est forcée de passer son temps à me surveiller sans pouvoir rien faire d’autre, je peux bien la laisser rire à mes dépens...

— Bonjour, lui dit-elle en souriant, ignorant superbement l’air moqueur de la guerrière.

Elle vit Inaya grimacer tandis qu’elle la dépassait et fut surprise de voir Saki se cacher pour sourire de l’expression dépitée de sa compagne. faisant mine de n’avoir rien vu, elle fourra dans sa bouche le reste de son déjeuner et s’avança vers les chevaux déjà scellés.

— Tu es prête ? Lui demanda l’empereur en s’approchant.

Il avait enfilé une armure en cuir foncé, dévoilant ses larges épaules musclées sur lesquelles retombait une grande cape blanche. Eylen releva les yeux vers son visage, observant ses cheveux noir brillant, coiffés en arrière. Elle voulut lui répondre, mais avait la bouche encore pleine de pain et se contenta donc d’acquiescer.

L’empereur lui adressa le petit sourire amusé auquel elle commençait à s’habituer et essuya du pouce la joue de la jeune femme.

— Une vraie enfant, dit-il, moqueur. Tu ne sais même pas manger proprement. 

Eylen se sentit rougir jusqu'au front quand il l’attrapa sous les aisselles pour la poser sur la scelle de sa monture, et s’étouffa avec son pain tandis qu’il s'éloignait.

Inaya s’approcha et lui tendit une outre pleine.

— Un peu d’eau ? Lui demanda-t-elle sur le même ton que l’empereur.

— Non !

Elle tapa à grands coups sur sa poitrine pour faire passer la bouchée de pain tout en lui jetant un regard mauvais. Aaah ! Je sens que la journée va être longue ! Pensa-t-elle en grimaçant.

Elle aperçut au loin Marwen et Rainir, eux aussi prêt à partir, qui discutaient tranquillement et ressenti une soudaine pointe de culpabilité en repensant au comportement de l’empereur la veille. Elle aurait aimé les saluer, mais déjà les chevaux se mirent en marche pour suivre l’empereur et elle se retrouva en tête de file, derrière lui.

Ils voyagèrent sous le soleil brûlant du désert plusieurs heures avant de s’arrêter à l’entrée d’un ancien village en pierres. L’endroit était totalement désert, certainement abandonné depuis des années, pourtant, Eylen avait l’étrange sensation d’être observée. Elle se sentait également étrangement liée à cet endroit, comme si elle y avait déjà vécu. Cela doit être dû à mes visions, se dit-elle en descendant de cheval.

Elle s’avança vers les ruines de pierres sans prêter attention à Inaya ou à l’empereur qui s’était approché. Elle avait l’impression de connaître ses maisons, elle reconnut l’angle de l’habitation où elle s’était cachée la nuit avec les jeunes enfants avant de les mener à la frontière.

Dépassant la petite ruine, elle atteignit le centre du village, où un ancien foyer noirci trônait au milieu de bancs en pierre. C’était autour de ce feu qu’elle avait dansé, face au Dorogaï à la longue chevelure blanche...

Sortant du village pour s’avancer vers la frontière, elle se retourna, revoyant la scène où Eiji, le Dorogaï aux cheveux blancs, se faisait attaquer par les Garandïs.

Elle sentit alors l’Energie majestueuse qui se dégageait de la frontière juste derrière elle, l’attirant inexorablement. Elle se tourna et aperçut, flottant au-dessus du sol devant la frontière, deux grands yeux verts sans corps qu’elle reconnaissait à présent aisément. S’étaient ceux de son petit voyeur.

Elle sut immédiatement qu’il voulait la guider vers la frontière et qu’elle devait le suivre. Elle fit un pas dans sa direction, mais fut retenue par la main de l’empereur qui saisissait la sienne.

— Eylen.

Il la dévisageait inquiet, et elle vit au loin Inaya, Marwen et les autres qui l’observaient des ruines. Elle aurait dû s’inquiéter d’être aussi proche de la frontière, ou du regard étrange que faisaient ceux qui l’accompagnaient. Mais elle ne ressentait à présent qu’un étrange sentiment de bien-être. Elle était là où elle devait être, avec celui qui devait l’accompagner.

Eylen entrelaça ses doigts avec ceux de l’empereur et lui sourit, puis commença à l’attirer avec elle vers la frontière. Il résista un instant, fit signe aux autres d’attendre et la suivit finalement, s’avançant à sa hauteur. Après un dernier regard, ils entrèrent finalement dans la frontière.

Aussitôt, elle ressentit l’immense Energie qui circulait autour d’eux, s’infiltrant naturellement en elle.

Un petit animal apparut comme par magie à leur pied, les fixant de ses magnifiques yeux verts. Il ressemblait étrangement à un chat, si ce n’est que son corps était entièrement recouvert d’écaille noir et brillantes et se terminait par une longue queue pointue. Il avait une petite tête ovale, un museau ressemblant à celui du petit félin, deux grandes oreilles pointues et deux petites cornes, noires elles aussi.

Eylen sentit la main de l’empereur se crisper dans la sienne tandis qu’il déployait son aura tout autour d’eux et tentait d’attraper son arme. Elle posa son autre main sur son avant-bras.

— Non, il n’est pas méchant, lui dit-elle d’une voix calme. C’est un ami.

— Un ami ? Lui demanda-t-il de plus en plus anxieux.

Le petit démon émit un petit cri aigu et s’élança dans la frontière.

Eylen tira l’empereur avec elle pour le suivre, ignorant totalement les étranges petits nuages de brume qui flottaient autour d’eux et s’éloignaient à leur approche, repoussé par l’aura de l’empereur.

Elle s’arrêta brusquement quand ses pieds frôlèrent d’étranges fleurs bleues. Les nuages se dissipèrent soudainement et elle découvrit un gigantesque champ de fleur de puretés. Le petit démon l’attendait assis au milieu des fleurs, le regard fixé sur elle, comme à son habitude.

L'endroit était à la fois beau et mystérieux, des milliers de fleurs bleues illuminaient délicatement les lieux, irradiant l’atmosphère d’un doux parfum enivrant. Elle lâcha la main de l’empereur, envahie par un sentiment enchanteur de bien-être et de sérénité et s’avança doucement pour ne rien écraser sous ses pieds.

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