Les Chrysanthèmes Pleurent Aussi
Dans un brouhaha incessant, j'ai versé des torrents de larmes pour lutter contre l'abomination. Le souffle saccadé, c'est dans l'obscurité qu'il a profané la pureté de mon cœur, soufflant sur des braises incandescentes jusqu'à enflammer mon épiderme douloureux. Il a, entre deux soupirs, malmené un corps à l'agonie.
Dans le silence de mes nuits, je hurle encore, plus fort, pour alléger un esprit surmené. Et, mon âme suffoque entre deux insomnies, pourquoi les images ne s'effacent-elle pas de cette tête cabossée ? Comme tatouées sous mes paupières, les tristes réminiscences s'égayent lorsque le sommeil me fuit telle une pestiférée.
Les dents serrées, j'ai prié des heures, des jours et puis des mois afin d'oublier les minutes de mon supplice. Si quelques poignées de secondes se sont écoulées, c'est pendant une éternité que j'ai clos mes yeux embrumés.
Et la douleur réapparaît, quelquefois, lorsque les mains du Diable enserrent de nouveau mon cou à la peau tuméfiée. J'ai endormi les démons, souhaitant refaire ma vie sur une base immaculée, mais quand les griffes se referment sur mon cœur en sursis, l'intolérable se reproduit. Cette chanson au goût amer de la dépression, comme un disque rayé, elle chantonne ses obscures paroles sans cesse, sans espoir pour cette peine qui me tiraille les entrailles.
Et j'ai crié, tentant d'éloigner ces doigts de mon corps en souffrance. Si vaines ont été mes rébellions, qu'étais-je de plus qu'une poupée de chiffon ?
Dans un désordre mental, j'ai essayé de me relever, jusqu'à tomber dans le gouffre putride de la désolation. Comment, entre les pleurs de rage et les hurlements de peur, trouver la compassion d'une bête aux canines acérées ?
Et j'ai prié la terre, témoin de mon malheur, pour que le sol se fissure jusqu'à engloutir mon âme en errance.
Et j'ai prié le ciel, la lune et les étoiles, jusqu'à ce que s'illumine mon regard d'une étincelle de sollicitude.
C'est dans l'ombre du monde que j'ai trouvé mon Éden, aussi fugace soit-il, sphère illuminée pour caresser, panser mon cœur fêlé.
Un chemin lumineux, sous mes yeux ébahis, traçant les sentiers de mon avancée si désirée. J'ai suivi les dalles colorées, murmuré mes regrets à la déesse de l'obscurité. Ai-je, dans un élan de désespoir, trouvé la paix ? J'ai souvent hésité, puis j'ai vociféré ma colère et mes tourments, libérant mon esprit de ces maux mal cicatrisés.
Dans l'ombre, j'ai souillé des pages, ruminé mes idées pour apaiser mon désarroi. Accompagnée de mon fidèle allié, l'encre a coulé comme mes larmes ensanglantées.
J'ai mené à gain ou à perte la bataille que l'on m'a imposée ; j'en ai probablement égaré mon insouciance, laissée en état de décomposition dans un coin de mon calvaire sanglant. Puis les portes se sont fermées, la clé aux creux de mes paumes abîmées, j'ai désinfecté les plaies de mon passé pour tenter de l'oublier. Mais dans mes cauchemars, les fragments de mon malheur réapparaissent, comme tourmenté à jamais, mon esprit habité par le chaos. Crucifiée, j'ai fini en sang sous les yeux d'un bourreau aux iris couleur orage.
Le tonnerre résonne encore, tellement d'années se sont écoulées mais mes songes sont peuplés de brutalité.
Si entre les murs de ma désespérance, j'ai fauté, je demande pardon pour exaucer mes souhaits. C'est à l'abri sous les rayons étincelants que je m'agenouillerai, laissant tomber les armes et délaissant mon hystérie pour sangloter encore un peu. Endeuillée, je déposerai des chrysanthèmes sur la tombe de mon enfance putréfiée, pour qu'elles pleurent en ma compagnie.
Pour que mon âme égarée puisse trouver le chemin de la liberté.
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