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Le premier soir, en arrivant à mon lit et en sortant mon pyjama, je fus pris de terreur : comment allais-je me déshabiller ? Pas devant tout le monde ! Je n’avais jamais pratiqué le sport intensément, et donc je n’avais aucune habitude des vestiaires et des douches communes.
Mon lit se trouvait, bien sûr, le long de l’allée centrale, je n’avais même pas un recoin pour me dissimuler. Ne sachant que faire, je m’allongeais tout habillé, lisant mon livre d’un œil en observant de l’autre comment les autres allaient se débrouiller. Au moins, ma position me permettait de voir plusieurs boxes. J’ignorais ceux qui montraient une gêne aussi forte que la mienne et me concentrais sur les autres. Je me demandais comment ils pouvaient agir si facilement sous le regard des autres. Certains se dévêtaient complètement avant d’attraper leur pyjama, restant nus pendant ce qui me paraissait des heures. Ils le faisaient avec un tel naturel qu’il n’y avait rien de choquant. Je remarquais surtout que j’étais le seul à les regarder : tout le monde avait l’air indifférent à ces préparatifs de couchage. J’étais un imbécile avec ma pudeur ! De quoi avais-je honte ? De mon corps ? Avec mon année d’avance, je sortais à peine de la puberté et j’avais grandi démesurément, gardant encore ma tête imberbe de petit garçon sur un corps malingre. Je savais que je n’étais pas beau, mais je savais aussi que j’allais me renforcir. Bien sûr, au milieu de ce corps, il y avait mon sexe. C’est lui que je voulais dissimuler à mes voisins. En leur montrant mes fesses nues ? Je m’aperçus alors que tous montraient leurs fesses. Je me levais, avant de recommencer à réfléchir. Avec une grande inspiration, je retirai mes vêtements, jouant le blasé alors que je tremblais de tout mon être. En allant très vite, je tombais mon slip avant d’enfiler mon pantalon de pyjama. C’était fait ! J’étais content de moi. Je me remis sur mon lit, toujours avec un œil interrogatif sur le comportement de mes cothurnes. Je fus rassuré en constatant qu’une bonne moitié partageait mes affres de pudibonderie. J’avais surmonté la première épreuve, je me disais qu’avec un petit effort, je surmonterais la deuxième le lendemain matin.
À 21 h 30, juste à l’extinction des lumières, le surveillant sortit de sa chambre, à l’entrée du dortoir. Il traversa le dortoir jusqu’aux sanitaires et en ressortit en poussant les retardataires. Une fois ceux-ci couchés, il arpenta le dortoir deux ou trois fois, faisant taire des débuts de conversations.
Le lendemain, je fus confronté à un problème fort gênant qui eut des conséquences inattendues. Le réveil à 6 h 30 me trouvait dans un état spécial. Quand je dus me lever et m’habiller, une gêne épouvantable me submergea. Impossible de retirer mon pantalon de pyjama sans laisser voir mon état. Impossible d’agir dessus, tellement la tension était forte. Enfiler mon slip était impossible. Je me tournais vers mon armoire ouverte, arrivant à me dissimuler. Je me sentais ridicule et honteux, mes contorsions ne pouvant qu’attirer les regards. Chaque matin, je dus affronter cet embarras jusqu’à ce que je l’oublie.
Quelque temps après, alors que je terminais mon petit exercice, je me tournais par hasard vers mon voisin de l’autre côté de l’allée. Il me regardait, avec un grand sourire. Je plongeais dans mes vêtements, rouge de honte. Très embarrassé, j’enfilais rapidement mes vêtements, courant vers les sanitaires pour me laver les dents. Je ne voulais plus penser à ce qui s’était passé. J’avais oublié cet incident, lorsque, à un temps libre, alors que j’étais assis sur le rebord d’un mur, discutant avec mes nouveaux camarades, il vint s’asseoir à côté de moi. Je ne prêtais pas attention à lui, alors que tout mon corps épiait ses moindres gestes. Mes camarades s’éparpillèrent et je restais seul avec Fabrice. Je ne savais pas quoi dire. Je devais m’agiter un peu, car il me demanda :
– Ça va ? Tu sembles gêné ?
– Non, ça va.
– Tu sais, tous les matins, je te regarde. Tu me fais envie.
Il enchaina avec des mots très précis. J’étais horriblement embarrassé. Je savais ce qu’il me proposait. J’en avais envie, mais j’avais honte de cette envie.
L’année précédente, un camarade m’avait initié à des pratiques particulières. Il m’avait fait une démonstration sur sa personne. Je l’avais regardé faire, sans rien penser, simplement curieux de ce que je voyais. C’était la première fois que je contemplais un tel objet dans un tel état. Tout ceci m’avait laissé assez indifférent.
Les jours suivants, il m’avait harcelé pour que je lui fasse aussi une démonstration, si bien que, pour avoir la paix, j’avais cédé. Ma libération, inattendue, m’apporta un plaisir inconnu, ébranlant tout mon corps, me laissant essoufflé, étourdi. Il venait de m’ouvrir un monde nouveau. Je me suis souvent demandé par la suite si c’est cette première expérience qui avait eu une influence sur une partie de mes préférences.
Les semaines suivantes, je fus pris d’une frénésie maladive, recherchant cet emportement dès que l’occasion le permettait. Depuis cet été-là, je m’étais calmé. Ce besoin, nécessaire et automatique, était entré dans mes routines. Je souffrais des limites de l’exercice, ressentant instinctivement que le plaisir à deux devait être autrement intense. D’un autre côté, ne sachant absolument pas comment aborder garçon ou fille sur le sujet, j’étais dans une impasse. Je continuais, attendant, rêvant qu’un jour, une solution magique apparaisse.
Je n’avais pas pensé à cette habitude en acceptant de vivre en internat. Les premiers jours, avec le stress, j’avais oublié.
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