17
Je ne pus m’empêcher de revivre ce weekend en le racontant à Camille. Pour la première partie, il me regarda avec des yeux éberlués, en concluant que j’avais vraiment le feu aux fesses. Pour me venger de cette remarque trop pertinente, je lui expliquais que le feu aux fesses venait, mais après ! Il devint rouge après avoir compris et essaya de me taper. Nous avons fini, comme souvent, par notre petit jeu de bataille. Plus tard, je lui parlais aussi de ma conversation avec Édouard. Il me dit que j’avais la chance de rencontrer des gens bien. Je lui demandais s’il se comptait dedans !
***
L’année se termina ainsi. Fabrice et Delphine partaient. Pour des raisons différentes, j’allais les regretter. Mon amitié avec Camille me devenait indispensable. Je fuyais toujours Charly et j’allais le rejoindre souvent, trop souvent. Je n’étais toujours pas clair sur ce qui nous liait. Claire était aussi mon refuge, sans espoir. Après son aveu, je m’étais un peu ouvert aux autres filles. J’avais déjà fait plusieurs tentatives auprès de Laure, pour essayer de la connaitre. Elle était tout le temps presque collée à moi, mais dès que je croisais ses yeux, que je lui souriais, elle baissait la tête rouge de confusion. J’avais envie de l’aider, mais cela semblait impossible. Plus honnêtement, c’était tout simplement trop compliqué. J’avais déjà abondamment de quoi me prendre la tête par ailleurs. Je venais de faire la connaissance d’Édouard, sans bien savoir comment cela allait évoluer.
J’avais le cœur qui débordait, entaillé aussi. Finalement, prendre du recul et retrouver ma vie tranquille d’avant m’allait bien. Vive les vacances !
***
J’étais content de retrouver la vie de famille, d’oublier tous ces sentiments. J’étais malheureux de ne plus avoir cette bande chaleureuse autour de moi. Je redevenais le petit garçon, mais j’étais un jeune homme, avec une vie amoureuse et sentimentale, une vie sexuelle. Quand je repensais à mon weekend avec Édouard, le rouge me montait, de honte et du manque. Ma petite sœur ne me quittait pas des yeux, me taquinant, heureuse de ma présence. Maman ne disait rien, mais je voyais ses yeux briller quand elle me regardait. Elle ne voyait plus son petit bébé, mais un jeune homme, sans doute parfait à ses yeux. Papa me harcelait de caresses, de petits coups, ne sachant comment causer à ce garçon qui avait poussé si vite et qu’il sentait changé en profondeur. Le duvet sous le nez ne rendait pas complètement compte des changements.
Nous roulions pour retrouver notre lieu habituel de vacances : une grande maison en bord de plage que mes parents et leurs amis louaient depuis toujours, dans mes souvenirs. J’allais retrouver mon petit frère, leur fils unique, Élias. Bien que plus jeune que moi de deux ans, nous passions notre temps à jouer ensemble. Nous dormions dans la même chambre, passant les soirées à nous raconter des histoires, à nous battre. Je l’adorais et il me le rendait, en me regardant avec des yeux admiratifs. Plus grand, je savais toujours plus de choses que lui et j’aimais lui montrer, lui apprendre. Mon affectation pour lui était intacte, entière, mais je me demandais quand même comment cela allait se passer. J’avais hâte de le revoir, mais à quoi allions-nous jouer ? J’avais d’autres préoccupations, sans forcément envie de régresser de deux ans.
J’arrivais tourmenté, espérant retrouver la magie des étés passés, rêvant aussi de vivre des aventures sentimentales avec la bande d’enfants que nous côtoyions chaque année. Élias me sauta dans les bras et j’étais heureux de le voir, de le sentir toujours aussi proche. Sans hésitation, je décidais de retrouver mon rôle de grand frère.
Je n’avais pas remarqué lors de nos embrassades de retrouvailles, mais le soir, dans la chambre, alors que nous nous déshabillions, je vis qu’il avait considérablement changé. Grandi, forci, il faisait plus vieux que son âge. Cette transformation n’avait en rien altéré sa beauté. Habitué à le voir, j’avais oublié sa figure d’ange blond, son regard doux et son sourire envoutant. Malgré mon expérience, encore récente avec Édouard, je le regardais en étant fier d’avoir un tel petit frère. Lui, quand il croisait mon regard, me souriait de toute sa gentillesse, de sa joie de me revoir.
Tous nos amis de vacances avaient changé. Nous vivions en maillot de bain la plupart du temps. Nous étions du même âge, à quelques années près. Les plus grands, comme moi, n’étaient plus les mêmes. Les formes s’étaient développées, les traits avaient muri. Je ne savais plus comment regarder ces filles et ces garçons. Je ne pouvais éviter d’évaluer mon attirance, mon admiration ou ma déception devant l’une, l’un, l’autre. Où était passée notre innocence, car cet embarras était partagé par tous, hormis les plus jeunes. Je n’arrivais pas à être présent. Je me laissais aller à rêvasser sur tous ces corps exposés, si jeunes, si harmonieux, si tentants, admirant ces filles et ces garçons.
Je commençais un petit flirt avec Amandine. Plutôt, je me laissais mener, par jeu. Nous savions l’un et l’autre que ce serait sans lendemain. J’étais préoccupé par Éric, troublé par son corps si bien fait, si souple, si attirant. Ils n’étaient pas les seuls, mais les plus fascinants pour moi.
Les soirs, nous discutions avec Élias. Nous nous racontions notre année. Je lui parlais des amitiés que j’avais nouées, sans entrer dans les détails. Il me poussait à tout lui dire, avide de grandir, de vivre des aventures sentimentales.
– Tu as changé, Sylvain !
– Bien sûr ! Et toi aussi.
– Je veux dire, dans tes rapports avec les autres. Il se passe quoi avec Amandine ?
– Nous jouons à flirter, à faire comme si nous étions amoureux. Elle est jolie, tu ne trouves pas ?
– Oui. Pourquoi aucune fille ne s’intéresse à moi ?
– Tu as le temps. Ne t’en fais pas, elles seront toutes à tes genoux !
– Et avec Éric ?
– Quoi, avec Éric ?
– Tu le regardes d’une drôle de façon.
J’avais oublié que sous son charme, il avait un esprit vif et observateur.
– Disons que je le trouve beau. J’aimerais être comme lui, pas un tas d’os maigrichon.
– Moi, je te trouve beau aussi.
– Parce que tu me connais depuis toujours comme ça. Non. Éric, lui, c’est un beau garçon !
– Tu vas flirter aussi avec lui ?
– Mais non ! C’est un garçon ! Comme moi !
– Je me demande si un garçon peut aimer un autre garçon.
– Comment ça ?
– Depuis longtemps, moi, je trouve les garçons plus beaux et plus intéressants que les filles. Des fois, j’ai envie d’en embrasser, de les toucher, de les caresser.
– Oui, il y a des amis que l’on aime beaucoup et qu’on a envie d’embrasser. Je t’ai dit, moi cette année, j’ai fait la connaissance de Camille. C’est vraiment très fort, notre amitié.
– Tu ne veux pas comprendre ?
– Comprendre quoi ?
– Je n’ose pas en parler. Sylvain, avec toi, j’ai confiance. Je suis attiré par les garçons, pas par les filles.
– Tu es jeune. Tu vas changer. Attends de voir.
– Sylvain, tu as déjà couché ?
– Non. Enfin, oui.
– Avec une fille ?
– Nous nous sommes embrassés et touchés.
– Mais tu as fait l’amour avec elle ?
– Non. J’aurais bien aimé, mais elle m’a dit qu’elle avait une petite amie.
– Tu n’as jamais couché alors ?
– Élias, tu me poses des questions…
– Mais tu m’as dit que tu avais couché ?
– Oui !
– Mais alors, si ce n’est pas avec une fille, c’était avec un garçon ?
– Oui ! Personne ne le sait. Je ne sais pas pourquoi je te le dis. Oui, j’ai eu une expérience avec un garçon.
– C’était bien ?
– Non, Élias. Pas de question comme ça !
– Alors, tu es comme moi. Tu préfères les mecs ?
– Je ne sais pas. J’aime les filles. J’aime les garçons. Je découvre, je ne sais pas. L’important, pour moi, ce n’est pas le sexe, mais ce qui va avec, la tendresse, les caresses, les baisers, les sentiments surtou
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