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Il m’avait exténué et obligé à me livrer entièrement. Ses questions étaient les miennes, sans réponse. Il n’était encore qu’un enfant. Il me le prouva immédiatement en m’attaquant, en rejouant une de ces batailles qui étaient nos habitudes. Je le terrassais toujours. Cela le faisait rire. Cet été, il était aussi grand que moi, plus lourd. Je n’étais pas sûr d’avoir le dessus.

Effectivement, je dus me bagarrer pour enfin arriver à le chevaucher en lui bloquant les bras avec mes jambes. Tout à ma difficulté de le dompter, j’avais oublié notre discussion préalable. Nous sommes essoufflés de cette lutte. Je suis sur lui, immobile. Je baisse les yeux et je croise les siens. Il me sourit d’une façon étrange. Il lève ses mains, attrape mes bras et m’oblige à me pencher vers lui. Je bascule en avant et nos lèvres se rencontrent. Je me débats, je m’écarte.

– Non ! Élias ! Pas ça ! Tu ne peux pas. Je suis comme ton frère. Et tu es si jeune.

– Je ne te plais pas ?

– Élias, je t’adore, je t’aime. Tu le sais. Tu es un beau brin de garçon, depuis toujours. Tu es attirant. Mais non, je ne veux pas t’embrasser. Ce n’est pas ça mon affection pour toi.

– Sylvain, quand tu étais sur moi, j’ai senti ton désir. J’ai vu…

– Rien du tout. Dans la bagarre, je me suis excité, mais ça ne veut rien dire.

Je lui mentais, je me mentais. Mais la réalité était impossible.

– Excuse-moi. J’ai quand même bien aimé ton contact et ta rudesse. Moi, je te le dis, tu me fais quelque chose !

– Élias, on arrête, s’il te plait.

– Tu veux bien quand même me faire un câlin ?

Le monstre ! Il utilisait son charme irrésistible, sachant que ça marcherait. Je cédais et me mis contre lui. Il s’endormit, m’empêchant de bouger. Je n’arrivai pas à trouver le sommeil. Ses révélations, ses interrogations me travaillaient. Autant que les miennes. Oui, malgré mon affection fraternelle, Élias ne m’était pas indifférent. Je ne voulais pas l’admettre. Mais il était si jeune, je le connaissais depuis si longtemps qu’il était impossible que nous ayons une relation autre qu’affectueuse.

Les soirs suivants, il joua l’indifférent. Nous jouions aux cartes, en bavardant. Je savais que ce n’était qu’un répit et qu’il allait reprendre ses interrogations et ses demandes. Il recommença doucement. Il était vraiment tourmenté par ses attirances. Je le rassurais. Alors il se laissait aller, me décrivant chacun de nos camarades et ce qu’ils avaient d’intéressant pour lui. Il observait finement. Il me racontait ses copains de classe, de sport. Il ne parlait que des garçons qui le faisaient rêver. Il se libérait, heureux de pouvoir, enfin, parler de ce qui le ravageait. Je l’écoutais. J’avais aimé mes gestes avec Fabrice, avec Édouard. J’aimais le contact de Charly. Mais je n’avais pas cette force et cet attrait absolu qu’il me décrivait. Il ne savait pas ce que ses parents pensaient des garçons comme lui. Mais il savait que ce n’était pas convenable, qu’il n’était pas « normal ». Comment résister ? Pour l’instant, seul son esprit s’emportait sur le sujet. Depuis quelque temps, sa sexualité s’éveillait et le travaillait dans la même direction.

J’étais son confident. Il me voulait comme guide, comme initiateur. Soir après soir, je refusais. Il me harcelait si gentiment, il me connaissait si bien, qu’il savait qu’il atteindrait son but.

Je ne voulais pas, je ne savais comment résister. La grâce d’Élias entamait ma fermeté. Je voulais avant tout le rassurer, apaiser ses tourments. Finalement, passer à l’acte, au concret, légèrement, me sembla incontournable. Effectivement, il fut soulagé. Nous n’avions pas fait grand-chose, mais il avait franchi le pas. Maintenant, il était prêt à assumer ses gouts et ses tendances. Ses réflexions me bouleversaient. Ma responsabilité était énorme. Moi-même j’étais hésitant, en recherche. En fait, il se servait de moi pour sa propre progression. Il m’écoutait et, en même temps, m’utilisait comme miroir. Pour Élias, je me serai damné. Je ne sais pas si je l’ai aidé. J’ai essayé de le protéger. Mon affection grandissait de jour en jour devant son éclosion.

À la fin du séjour, en se quittant, devant les parents, mon petit ange me fit un léger et discret baiser sur la bouche et me susurra un merci ému dans le creux de l’oreille. Je le regardais partir, se retournant avec un clin d’œil, alors que je rangeais soigneusement ces souvenirs de vacances, heureux, impatient de le revoir l’année prochaine.

Élias, c’était mon petit frère, celui que je n’ai jamais eu. Nous avions passé tous nos étés magiques de l’enfance à jouer sur cette plage. Je ne l’avais jamais regardé vraiment, juste protégé, aidé, débordant de tendresse pour ce petit en admiration devant le grand. Je regardais s’éloigner ce magnifique éphèbe dans son commencement, mon cœur empli de mon amour et de mon admiration pour mon frère éternel.

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