Vendue
Le lendemain, comme promis, après avoir été amenée au petit coin, Lily put bénificier d'un enseignement de la langue dragonienne. Elle débuta par les bases de politesse, à baisser correctement la tête pour reconnaître sa position au bas de la hiérarchie, les gestes adaptés pour exprimer quelques mouvements d'humeur et ceux à éviter. A ceci s'ajoutèrent les formules de salutation. Elle ne vit pas le temps passer, et appréciait déjà l'écailleuse qui lui accordait de son temps pour cela.
En revenant, elle appliqua ses nouvelles connaissances, ce qui ne lui épargna pas une gifle griffue au retour. Effarée, elle dévisagea le garde du moment bouche bée. Il lui répondit par un clin d'oeil, et lui fit signe de garder le silence, avant de la jeter dans la tente. Lily s'effondra comme une marionnette dont on aurait coupé les fils, complétement perdue. Lada seule vint l'aider à se relever. Elle lui posa une question, dont la femme ne comprit qu'une partie. "Que... eux... savoir... ?"
-Je sais pas... gémit Lily avec sincérité.
Elles retournèrent dans leur coin, et malgré sa bonne volonté pour perfectionner sa maîtrise de la langue, Lily resta silencieuse. Sa joue déchirée en quatre endroits la faisait souffrir. Surveillant les poules effrayées à l'autre bout de la tente, elle les remarqua moins soupçonneuses. Ce devait être pour cela, la balafre sur sa joue.
Le lendemain, comme promis, en plus d'apprendre le langage dragonien elle put, passé midi, voir son maître d'armes. Le dragonien plutôt fluet commença par lui tourner autour, la jaugeant en silence. Lily répondit à cette inspection par son sourire commercial, ce qui n'impressionna pas l'écailleux.
Après cela, il lui désigna un présentoir à armes, et la laissa choisir. Elle savait déjà ce qui l'intéressait, et elle s'empara d'une masse d'armes parfaitement ronde. Son choix fit pouffer le maître d'armes. Lily partait du principe qu'elle avait de bonnes chances de devoir se défendre contre des personnes en armure, par conséquent inatteignables avec une arme tranchante. Sauf peut-être avec un stylet... mais il s'agissait d'une arme perforante. Au moins, avec une masse, elle pourrait enfoncer les armures et briser quelques os.
Son maître d'armes se mit en position d'attaque, et l'invita en dragonien à faire de même. Une fois Lily placée, il lui fit signe de ne pas bouger, et corrigea sa position, ainsi que sa façon de tenir l'arme. Elle ne tarda pas à frapper le vide, éprouvant le poids vite conséquent de l'arme.
Un long moment plus tard, le dragonien lui annonça qu'ils s'arrêteraient là pour aujourd'hui, et poursuivraient le surlendemain. Il l'accompagna ensuite hors du campement, lui signifant qu'elle puait. Nerveuse, elle le suivit, sans arme. Le campement Sel était immense. Il la guida à travers les bois environnants, jusqu'à un bras de rivière. Là, il lui confia un pain de savon, une crème qu'elle supposa être du shampoing, et une serviette.
Elle se demandait comment se dérober au regard de l'inconnu, mais ce dernier s'éloigna d'une vingtaine de mètres et se banda les yeux. Il lui tourna même le dos. Appréciant relativement cette discrétion, Lily ne s'en donna pas moins toutes les peines du monde à se déshabiller tout en restant aussi couverte et dissimulée par l'eau que possible. Elle s'empressa de se laver, de se sècher puis de réenfiler ses vêtements humides de transpiration. Le dragonien resta de dos, et lui laissa un peu de temps pour lézarder au soleil. Méfiante, elle ne le quitta pas un seul instant du regard.
Estimant lui avoir laissé assez de temps, il rugit légèrement pour attirer son attention, et retira ostensiblement son bandeau avant de se retourner. Il la fit courir à toute vitesse jusqu'à la tente où les Sel rassemblaient les humaines. Ainsi, elle arriva essoufflée et sur les rotules devant Lada et les autres. Le garde de faction lui rouvrit la joue d'une nouvelle gifle qui la sonna. Elle tituba jusqu'à sa place habituelle, prête à rendre son repas. Trop d'efforts après avoir mangé...
Le lendemain matin, après la sortie matinale, elle fut amenée à la rivière avec les autres femmes, où elles se toilettèrent. Deux opposèrent une résistance, et nettoyées de force, presque noyées au passage par quatre dragoniennes qui les insultaient et se moquaient de leurs gesticulations. Les ablutions sous haute surveillance terminées, elles se virent offrir de nouvelles frusques et sècher les cheveux par un mage.
Un autre dragonien les détailla sous toutes les coutures, observa leurs dents, leurs ongles, et effaça toute trace de coups. Après quoi, elle furent dirigées vers une tente éloignée du campement. Les Sel les alignèrent, et les laissèrent patienter debout, sans répondre à leurs questions.
Sentant qu'ils ne les gifleraient même pas, la cheffe de la bande voulut en profiter pour partir. Elle ne se méfia pas assez de l'air mauvais qu'arboraient les dragoniens. Alors qu'elle n'était plus qu'à deux pas de la sortie, l'un des deux gardes la bouscula, et le second garde en profita pour lui immobiliser les jambes. Le premier l'immobilisa totalement, et son compère sortit des aiguilles dissimulées dans ses manches. Avec sadisme et application, il les enfonça entre les orteils de la malheureuse.
La suiveuse voulut retourner à sa place initiale sans plus attirer l'attention, mais trop tard. Un garde se trouvait derrière l'emplacement de chaque femme. Son gardien dédié l'attrapa par les cheveux, la plaqua contre son torse et lui couvrit la bouche et le nez d'une main. Avec délectation, il attendit qu'elle se débatte, puis cesse, avant de la laisser s'effondrer. Alors seulement, il la traîna à sa place initiale et la ranima, alternant massage cardiaque et respiratoire.
Pendant ce temps, la première suppliciée était invitée à retourner à sa place avec les longues aiguilles plantées dans les pieds. Ne tenant même pas debout, elle gémissait par terre, prostrée. Lily et les autres femmes auraient tout donné pour l'assister, sans la crainte que leur inspirait les Sel.
Vite lassé de ce petit jeu, l'un des gardes se planta à son tour des aiguilles entre les orteils, et marcha en se déhanchant de façon ridicule. Seuls les dragoniens trouvèrent la blague à leur goût. Après son défilé, le dragonien retira lui-même les aiguilles, comme si de rien n'était, et cracha sur la mutilée.
Deux minutes plus tard, les deux gardes à l'entrée retirèrent les aiguilles de la femme, effacèrent les traces de blessure et la plantèrent à sa place dédiée. La tente était spacieuse, dénuée de meubles, et les humaines se trouvaient le long d'un pan. Peu après la remise d'applomb de la réfractaire, un groupe de cinq femmes elfes arriva. Leurs gardes dédiés se postèrent rapidement dans leur dos, le regard mauvais, plus tendus que ceux en charge des humaines.
Après ce groupe, succédèrent les autres. Des hommes elfes noirs, des humains, trois licorniennes reconnaissables à leur étoile lumineuse au milieu du front, des elfes noires et, enfin, des elfes à la peau grise et aux yeux émettant une faible lueur argentée. Des elfes Yrdeïs. Ces quatre dernières furent gardées avec un couteau sous la gorge. Les sept groupes alignés, un dragonien en tunique blanche fit le tour, les prenant par le bras quelques secondes, les uns après les autres. Contraitement aux Sel, il n'avait pas les cheveux noirs, mais blonds.
Quand il lui attrapa le bras, Lily sentit une onde tiède parcourir son corps, et disparaître dès qu'il la relâcha. Nerveuse au possible, elle attendit avec les autres, sans mot dire. Les premiers à reculer au contact du guérisseur avaient été mis à genoux, comme en prévision d'une excécution, ce qui avait dissuadé les suivants. Tous passifs et angoissés, ils attendirent l'arrivée des maquereaux.
Deux elfes masculins entrèrent, suivis de près d'un invocateur Sel de physionomie assez similaire, mesurant comme eux environ un mètre soixante et fluet. Les deux elfes commencèrent par les femmes de leur peuple. L'une d'entre elles tenta de les supplier. Elle ne reçut qu'une gifle de son compatriote le plus proche. Sa voisine craqua, et éclata en sanglots.
-Pas de fillette pleurnichade chez nous, commenta le plus richement vêtu des deux acheteurs d'un ton cassant, sortez-la, nous n'en voulons pas.
-Passe à la suivante et fais pas chier, lui rétorqua l'invocateur.
L'elfe riche voulut faire un scandale, mais son acolyte, qui devait mieux connaître les dragoniens et surtout les Sel, l'en dissuada d'un coup de coude dans les côtes. Le riche obtempéra de mauvaise grâce, après un regard dédaigneux vers la dague de l'invocateur.
Il arrêta son choix sur plusieurs personnes, de divers peuples. Il s'intéressa aux humaines en dernier, trouvant de toute évidence l'humanité sale et répugnante. Il suffisait de le voir toucher du bout des doigts les hommes et s'essuyer aussitôt après les mains sur un mouchoir en tissu. Il agit avec les femmes comme avec les autres.
Quand un certain physique l'intéressait, il observait les dents, s'arrêtant là quand il en manquait trop, ou qu'il trouvait les gencives trop pâles, grises ou noirâtres. Puis il passait à deux vérifications que Lily ne voulait pas tolérer. Il s'assurait que les Sel n'avaient pas augmenté la poitrine d'une façon ou d'une autre, pelotant et dévêtant allègrement. Pour finir, il s'intéressait à la virginité. Ce que toutes les femmes, tous peuples confondus, redoutaient et haïssaient.
Alors qu'il approchait dangereusement, Lily tressaillit quand sa gardienne lui glissa quelques mots au creux de l'oreille.
-Oublie pas qu'il meurt ce soir. Reste passive. Respecte ton contrat.
L'elfe arrivait à sa hauteur. Lily retint son souffle, et ne put soutenir le regard du maquereau. Voir toutes ses dents lui plut, et il ne cacha pas son plaisir de la peloter, ni de chercher son hymen. Elle aurait aimé faire tant de choses. Le frapper, l'étrangler, lui tordre le cou, lui arracher les yeux, l'éventrer et lui enfoncer le visage dans ses propres tripes. Mais quelque chose la paralysait. Le verdict tomba.
-Vendue !
Sa gardienne l'amena auprès des autres personnes acquises ce jour-là par les elfes. Lada, grâce ou à cause de sa main broyée, ne fut pas achetée. Les deux s'échangèrent un regard d'adieu. Puis le groupe de prochains prostitués fut amené auprès d'un chariot.
Pour tous, l'angoisse empirait. Ils ignoraient ce qui les attendait. Lily se demandait si les Sel allaient respecter leur part. Et comment. Seul un morceau de vélin lui garantissait un semblant de protection. De longues heures plus tard, les deux elfes, accompagnés de gardes Sel, revinrent et lièrent leurs acquisitions au chariot. Tous en file indienne, entravés les uns aux autres, les nouvelles acquisitions avancèrent comme autant d'automates. Lily ne se sentait pas rassurée par la sensation de deséspoir de la file.
Ils ne mangèrent ni ne burent à midi. Les elfes les firent avancer toute la journée, sans la moindre pause. Quand une personne tombait, les gardes Sel la relevaient avec violence, avant que cette personne n'entraîne ses suivants dans sa chute. La journée passa avec une lenteur atroce.
Lily se demandait dans quoi elle s'était embarquée. Si tout cela était réel. Si elle pouvait s'en sortir sans casse. Ce qu'il se passerait si les Sel lui faisaient défaut. Elle passa le temps en se répétant les clauses du contrat comme autant de mantras.
Enfin, la nuit tomba. L'heure de vérité sonnait.
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