Chapitre 1 - Le Sublimissime Machielzédec

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Pochetron-Longuecuite exalte.

En témoigne son abondante tignasse rousse qui s’humidifie sous l’effet de l’effort et de la jubilation.

Dans quelques heures, le plus grand Charmeur de tous les temps sera de nouveau parmi eux. Son rêve va enfin devenir réalité.

La vie du Sublimissime Machielzédec a bercé l’enfance de Ginger[1].

Un sourire illumine son visage. Ginger redouble d’ardeur, des perles alcoolisées gouttant de sa chevelure sur le sol terreux. Notre Charmeur récite la cantilène avec ferveur. Difficile d’en comprendre les paroles, mais peu importe. De l’elfique ancien semblable à de la bouillie indigeste comme tout ce qui vient de ce peuple méprisable. L’ironie a voulu que seul leur charme puisse faire éclater la prison de pierre du Sublimissime Machielzédec, mais pour Pochetron-Longuecuite seul compte le résultat : admirer, enfin, son idole.

Un crissement.

Pochetron-Longuecuite se dévisse le cou pour apercevoir l’homme-statue. La pierre se lézarde, son sourire s’agrandit. Ses zygomatiques deviennent douloureux. Il se sent devenir cabri sous l’effet de l’exaltation. Humiliant ! lui aurait hurler son père. L’invective de la voix fantôme fait vibrer son oreille. Pour éviter le ridicule, il se focalise sur l’instant.

Le Charmeur sent l’alcool parcourir ses veines, attiser sa magie. Depuis combien de lustres n’a-t-il pu savourer cette sensation d’énergie spiritueuse électrisant tous ses sens ?

Jamais. La Prohibitude a été instaurée peu avant sa naissance, plus de charmes au risque de se voir monter à l’échafaud sans autre forme de procès.

Les voix redoublent autour de lui. Le chant emplit la caverne. La chaleur et les vapeurs d’alcool enflamment l’ardeur générale, collent aux parois de granit sombre avant de s’échapper par le conduit biscornu à une trentaine de mètres au-dessus d’eux. Si la moindre étincelle pouvait émaner de cette masse compacte, les flammes dévoreraient l’assemblée en quelques instants. Il frissonne.

Les craquements deviennent plus puissants. Pochetron-Longuecuite tremble d’émotion. Si seulement son père pouvait voir ça ! Heureusement, Vomie-de-Pétruchienne est à ses côtés.

Une lumière sombre recouvre la grotte.

Puis quelques cris.

Pochetron-Longuecuite joue des coudes et manque de peu de se faire un torticolis pour admirer Ducruel-Beauroctoto enveloppé d’une lueur ténébreuse. L’ancien dictateur attrape le verre posé face à lui, un simple verre de lait. Il le broie d’un geste rageur.

Des gémissements de douleur.

Quelques fidèles gisent au sol en hurlant.

La pierre a explosé d’un coup, projetant des éclats de façon aléatoire. Prix dérisoire à payer.

Une larme roule sur la joue de notre héros. Quelle joie ! Les Guildes règneront à nouveau sur la Franchouille.

— ENFIN !

La voix rocailleuse impose le silence. Seul le gargouillis des elfes décapités répond, comme un remerciement au retour du Sublimissime Machielzédec. Ils ont servi la cause et doivent maintenant payer pour leur crime : avoir réduit Ducruel-Beauroctoto à l’état de statue contemplant un immonde verre de lait.

Pochetron-Longuecuite ose :

— Pétruche, tu…

— Chut, il va parler. Notre guide va nous montrer le chemin de la reconquête !

Les yeux de sa bien-aimée ne sont qu’adoration. Un soupçon de jalousie est vite balayé par l’appel du dictateur :

— Mes zélés serviteurs, vous m’avez libéré ! Votre pugnacité est enfin récompensée. Bientôt, l’heure de se mobiliser.

Quelques mots elfiques. Puis des serpents lumineux zèbrent la voûte rocheuse avant de retomber en cascade sur la foule. Une sensation glacée parcourt le bras de Pochetron-Longuecuite. Il lève ce dernier par réflexe : un verre éméché pulse de sa lueur sombre au niveau de son avant-bras.

— Je vous appellerai le temps venu. J’ai d’abord une quête à mener pour reprendre le pouvoir qui m’a été vilement subtilisé. Je saurai vous récompenser pour votre dévotion. Allez porter la nouvelle : Ducruel-Beauroctoto est parmi nous !

Le dictateur enfouit sa main sous son long manteau et ressort plusieurs fioles qu’il avale cul sec. Un pet se répercute en écho sur les parois et Ducruel-Beauroctoto s’envole dans une saccade de gaz intestinaux.

[1] Ginger : surnom collé à la peau de notre héros par son paternel alors que les pâles rayons d’une lune rousse illuminaient les cheveux rouges feu du nouveau-né, au sein d’une famille où il était de tradition de mettre au monde des garçons blonds depuis aussi loin que pouvait remonter la mémoire des pères de leurs pères.

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