Chapitre 3 - Luthèce

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Les abords de la ville surplombent une fange qui offrent aux visiteurs un entrelacs de bâtisses sur pilotis, de ponts de bois et plus rarement de pierres, de rues et de ruelles biscornues s’enfonçant au cœur de la cité. Luthèce a grandi trop vite. Impossible d’assainir pour loger l’afflux massif de travailleurs venus compenser les postes réservés habituellement aux Guildes et le développement concomitant d’une industrie textile florissante. Depuis vingt-cinq ans, rien n'a été fait et la cité grandit de façon tentaculaire au-dessus des marais.

Vomie-de-Pétruchienne et Pochetron-Longuecuite pénètrent plus en avant pour arriver dans le centre historique pavé. Ici s’élèvent de plus imposantes bâtisses, de briques pour les artisans, de granit pour les marchands. C’est dans cette partie de la cité qu’a grandi Ginger, auprès de son père et de sa non–pratiquante de mère. L’évocation de cette dernière le renfrogne, il accélère le pas.

Il ne veut pas penser à ce qui a été et se concentre plutôt sur ce qui va être, sous peu, un changement incroyable et merveilleux. Si le guide veut bien leur faire part de ce qu'il attend d'eux.

Ils s'arrêtent chez l'apothicaire afin de soulager, enfin, leur tête des tambours qui festoient encore depuis le réveil.

Puis ils décident de se rendre dans la plus illustre distillerie de contrebande. Sans aucun doute trouveront-ils des interlocuteurs pour leur indiquer comment épauler au mieux Ducruel-Beauroctoto. Leurs pas les guident jusqu'à la place centrale, un vaste espace rectangulaire animé par de multiples vendeurs ambulants et échoppes mobiles en tout genre, où se font face, de part et d'autre, deux imposants bâtiments : l'un accueille la Délégation formée par les différents conseils à la tête du pouvoir sous l'égide du Générialissime, l'autre l'Administration, autrefois le siège des différentes Guildes de la Franchouille (pays de naissance de notre héros), aujourd'hui reconvertie en centre de la bureaucratie au service de la Délégation.

S'y trouve par ailleurs, et contre toute-attente, dans les profondeurs souterraines, une vaste distillerie et la tête pensante de la Guilde de la Vinasse qui regroupe celle de la Vouge Rouge, du Trident Blanc et du Cuirassé Rosé. Comme le dit le vieil adage "L'œil ne voit pas ce qui le crève". Les Charmeurs ont donc pris le parti de rester là où ils ont toujours été en déplaçant seulement de quelques étages le cœur de la rébellion magique.

— Mamour, regarde !

La Charmeuse tire la manche de son fiancé tout en pointant le doigt vers le ciel. Le bref feu d'artifice précurseur d'une annonce du Crieur pétarade au-dessus de la Délégation.

Un silence tombe sur l'assemblée et tous lèvent la tête.

— Oyez, chers Franchouilliens ! Brève fraîche et ultra fraîche assortie d'un avis de recherche : il y a une heure à peine, deux employés de la Délégation ont été sauvagement abattus. Une enquête est déjà ouverte, merci de contacter la milice pour tout renseignement. Le ou les responsables sont activement recherchés.

Nouveau feu d'artifice.

Un ange passe avant la reprise des conversations qui concernent désormais presque toutes la nouvelle du jour.

Notre héros réprime un sourire, de toute évidence l'œuvre de son idole.

Il glisse ses doigts dans ceux de sa compagne et la tire doucement vers le bâtiment de l'Administration. Ce lieu est une véritable fourmilière dont les membres circulent au milieu d'un dédale de couloirs et de vastes pièces remplies de meubles et bibliothèques en bois sombres où se reflètent les lumières colorées des vitraux qui ornent la façade. Ils montent l'escalier de pierre à grandes enjambées dont le rythme s'amollit à mesure que défilent les étages, pour atteindre les combles.

— Mamour, j'avais..pff.pff.. oublié... comme c'était...pff... fatiguant de venir... pff...pff... au siège.

— On aurait dû...prendre un petit... encas.

— Des crépinettes... avec une...pff... patate au four !

— Regarde, on va enfin redescendre ! Pffiouuu...

Ils se faufilent dans d'étroits couloirs sous les charpentes pour parvenir à un petit escalier de service en colimaçon. Il faut à ce stade s'armer de patience et de bons mollets afin de descendre les dix étages pour atteindre le troisième sous-sol.

Essoufflés et transpirants, Vomie-de-Pétruchienne et Pochetron-Longuecuite débouchent enfin dans le centre névralgique de la résistance pro-Ducruel comme il a été décidé de la nommer. Des effluves d'alcool emplissent les couloirs où se hâte la majeure partie des rebelles. Quelques Charmeurs à la démarche zigzagante emplissent les oreilles de chants paillards.

C'est ici, que notre héros se sent chez lui, dans cette atmosphère calfeutrée où son père avait pris l'habitude de l'amener chaque dimanche dès sa plus tendre enfance.

Il inspire à fond puis souffle bruyamment.

— Enfin de retour ! s'exclame-t-il.

— Et on a réussi !

Pétruche prend les deux mains de Ginger et, les yeux pétillants, l'embrasse tendrement.

— Merci de m'avoir ralliée à la cause, souffla-t-elle à son oreille.

—Merci à toi de partager ce moment avec moi. Tiens, regarde ! Chante-Merlin ! Il pourra sûrement nous renseigner !

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