Chapitre 4 - Nainportekoi

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— Chante-Merlin ! lança Pochetron-Longuecuite en faisant un geste du bras pour attirer l'attention de son ami.

— Ahh Poch' ! Lut' Pétruche ! Alors, remis de vos émotions ? Moi, je plane encore. Pourtant, je crois que mon taux d'alcool est proche de zéro. Quoique... La pinte de ce matin histoire de fêter ça. En même temps, je maîtrise pas la magie de la bière. Vous venez d'arriver ?

— À l'instant. Et toi ?

— Fin de matinée. J'ai profité de la monture dessinée par Sasaké-Shootzo.

— T'as du nouveau ?

— Bof. Mes avis qu'avec l'annonce du Crieur on en aura bientôt. M'étonnerait pas que notre guide y soit pour quelque chose. Les plus radicaux des anti-Charmeurs qui disparaissent le jour où le Dictateur revient, mon nez me dit que c'est pas un hasard.

— T'as raison l'ami !

— Mais que c'est dur cette attente ! souffle Vomie-de-Pétruchienne.

— À qui le dis-tu, renchérit Chante-Merlin. Par contre, faut se préparer, les Charmeurs anti-Ducruel ont déjà eu vent de la nouvelle. Certains se regroupent.

— Des empêcheurs de tourner en rond ! s'emporta la Charmeuse. Comme si ça leur rendait pas service que la Prohibitude prenne fin.

Ginger sentit le bras de sa compagne se raidir et trembler.

— Du calme Pétruche, on va les mettre au pas. T'inquiète pas. Si tu veux bien, en attendant d'y voir plus clair, j'aimerais... j'aimerais aller voir mon père.

La Charmeuse se tourne vers lui, soudain attendrie.

— Bien sûr, Mamour. Je t'accompagne.

Après avoir salué Chante-Merlin, ils parcoururent le labyrinthe en sens inverse pour s'engager dans les rues animées du cœur de ville. Pochetron-Longuecuite fut pris d'une sensation étrange : comme il était bizarre de ressentir un air de normalité à parcourir ces rues tout en étant conscient du changement radical qu'il y aurait bientôt pour tous les habitants de la Gnôle.

Nos deux héros remontèrent une ruelle pour déboucher sur un grand portail de fer forgé parsemé de traces de rouilles. Autrefois trônait au centre de l'ouvrage une collection de bouteilles formant un C mais ces dernières avaient depuis longtemps été saccagées. Pochetron-Longuecuite ne s'attarda pas davantage et s'engagea dans l'allée avec sa compagne jusqu'à une bouteille en marbre rouge où brillait en lettres dorées l'épitaphe : "Là où l'alcool est grand, les difficultés diminuent".

Ginger caressa le marbre du bout des doigts et soupira :

— Tu sais, j'étais convaincu de prendre mon premier verre avec lui pour fêter le retour de Ducruel. Mon bonheur aurait été parfait.

— Je suis sûre qu'il nous regarde de là-haut avec un Bords-de-la Laide entre les mains.

Le Charmeur sourit. Elle savait le réconforter comme personne.

— Papa, on a réussi. Fête ça dignement. À ma première cuite !l lança-t-il en posant ses mains sur la pierre froide.

— Si tu veux, tu peux rester ici et me rejoindre plus tard.

— Non, je voulais lui dire. C'est fait. Rentrons, conclutGinger en collant son front sur la surface lisse avant de poser son bras autour de l'épaule de sa fiancée.

Le ciel se teintait d'un rose pâle proche d'une cuvée Cloch'tronne tandis que leurs pas les guidaient vers la maison de son enfance. Vomie-de-Pétruchienne y avait emménagé quelques mois plus tôt. Ils passèrent le portail laiton pour parcourir l'allée bordée d'érables japonais, une des rares idées de sa mère à laquelle son père et lui avait adhéré et, à peine la dernière marche de l'imposante maison de pierres blanches effleurée, la porte s'ouvrit. Un nain particulièrement fluet les salua :

— Maître ! Maîtresse ! Bon retour.

— Bonsoir, Nainportekoi.

— Avez-vous dîner ?

— Non.

— J'avais anticipé et préparé un gratin de dos de fines oies. À moins que... commença-t-il en se lissant la longue barbe blanche zébrée de noir. À moins que vous ne préfériez un Croc'meuh, peut-être plus léger pour un souper.

Ginger se tourna vers sa compagne qui souriait à l'évocation de la viande hâchée pressée entre deux morceaux de baguette. Un filet humide glissa à la commissure de ses lèvres à l'image du fromage fondant reposant sur le boeuf pour venir couler gentiment vers les bords du pain doré.

— Deux Croc'meuh, je te prie.

Un deuxième Nainportekoi passa en vitesse et lança à la volée :

— Bien, maître !

Tandis que son clone s'était rué en cuisine, le premier nain monta à l'étage pour préparer la chambre.

— Ça me fait toujours un drôle d'effet ces nains qui peuvent se dupliquer. Heureusement que ça s'arrête à trois sinon je me sentirai envahie. Pas toi ? demanda Vomie-de-Pétruchienne.

— Personnellement, je vois surtout les économies : un cuisinier, un majordome et un homme à tout faire pour un seul et unique salaire.

Soudain, l'avertisseur sonore d'une annonce publique résonna.

Pochetron-Longuecuite et Vomie-de-Pétruchienne se dirigèrent vers le salon d'où il pourrait écouter la nouvelle.

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