Chapitre 6 – Le manoir des Cuvées de la Noblesse
Pochetron-Longuecuite émergea à l’arrêt des bercements. Il couina, cherchant à repartir dans les bras tendres d’Hypnosia. Il sentit des baisers dans son cou, et l’envie qui revenait de plus en plus pressante.
— Tu te réveilles ? s’enquit Pétruche.
— Un peu trop, on dirait.
Il sentit une main sur son entrejambe qui réagit aussitôt.
— Arrête, c’est déjà assez dur de ne pas te sauter dessus, murmura-t-il.
La tête de Canasson-Beurré-Frais apparut dans l’ouverture arrière de la charrette, coupant court à la tentation.
— Je fais une pause chez un ami, le temps de prendre une petit eau-de-vie et un ballot supplémentaire et on repart. Vous voulez venir ?
— On est assez fatigués, on va se reposer histoire d’être frais pour ce qui nous attend auprès du Sublimissime, s’excusa Pétruche.
— Bien, on repart d’ici une vingtaine de minutes. Je reviens.
La charmeuse se tourna vers son compagnon, une lueur coquine dans le regard. Cette fois s’en était trop pour notre héros qui attrapa sa fiancée pour l’embrasser. Il la caressa pour enflammer son désir qui semblait déjà se consumer ardemment. Ils purent ainsi relâcher le trop pleins d’émotion et partager leur amour réciproque.
Canasson-Beurré-Frais revint peu de temps après qu’ils aient refermer le dernier bouton et ils reprirent prestement la route. Il ne fallut pas longtemps avant que les avant-bras ne passent du tiède au brûlant.
— On approche ! s’enthousiasma Ginger.
Les gloussements affirmatifs du chauffeur et de la passagère se firent l’écho de sa joie. Pochetron-Longuecuite et Vomie-de-Pétruchienne trouvèrent un chemin afin de sortir la tête à l’avant du véhicule pour voir un trafic de plus en plus dense à mesure que leur tatouage pulsait plus vivement. Ils croisèrent quelques visages connus qu’ils saluèrent en coup de vent. Ils pénétrèrent une forêt s’insérant dans un cortège de charrettes et véhicules en tout genre bordé, de part et d’autre, de marcheurs. Il y eut peu à parcourir, mais ils n’arrivèrent qu’une bonne heure après, vu la lenteur imposée par le nombre conséquent d’appelés.
Le trio arriva enfin devant un haut mur de pierre percé par un immense portail en fer forgé dont les battants étaient largement ouverts. Des personnes les guidèrent vers un emplacement, chacun s’alignant parfaitement avec le véhicule précédent. Pochetron-Longuecuite fut agréablement surpris de cette organisation millimétrée. Derrière de grands arbres, se dressaient un manoir de briques rouges avec, sur la façade, le blason trois guildes de vins : la Corporation de la Vinasse. Des portiers les accueillirent et leur indiquèrent l’accès à la Grande Salle. Des chaises en bois s’alignaient les unes à côté des autres, puis les unes derrière les autres face à une estrade. La moitié des sièges étaient déjà occupés. Ils prirent place à l’endroit indiqué et leur bras cessa enfin de chauffer. De longs silences alternaient avec des discussions parsemées aux quatre coins de la salle. Bientôt il n’y plus aucune place assise et les derniers durent restés debout ; ils devaient pas loin de trois cent personnes.
Alors, Ducruel-Beauroctoto arriva sur scène, ouvrit une fiole pour en boire tout le contenu avant d’émettre un petit rot. Aussitôt un pupitre glissa du côté de la pièce jusqu’à lui. De la bière blonde, l’alcool que maîtrisait le Sublissime Machiélzedec, celle qui permettait d’attirer à soi n’importe quel objet ou être vivant. Pochetron-Longuecuite aurait aimé parfaire cet art, mais son énergie spiritueuse s’était enflammée pour le vin rouge. Il en gardait un souvenir amer de n’avoir pu suivre les pas de l’idole familial. Sa consolation fut de pouvoir mettre davantage de conquêtes dans sa couche grâce à sa musculature développée qu’il se faisait un plaisir de mettre en valeur lors de ses sorties mondaines prohibées durant son adolescence.
— Tu as vu comme il est beau ! s’enflamma Pétruche, le coupant de sa rêverie.
Une pointe de jalousie le piqua furtivement avant qu’il ne concède à observer plus attentivement leur hôte. Il portait un pantalon noir, une chemise jaune miel sous un gilet indigo et un grand collier où pendait une chope de bière et une bouteille de vin en or. Sa barbe poivre et sel fournie et taillée avec soin combinée à son monocle lui donnait un air distingué qui renforçait son charisme naturel.
— Mes fidèles, bienvenue au manoir des Cuvées de la Noblesse où se retrouvaient autrefois les différentes Guildes pour travailler ensemble. Merci à Sir Hardbeuve d’avoir préservé et entretenu ce lieu durant toutes ces années. Je vous ai convié à cette assemblée extrapassobre afin de vous communiquer les prochaines actions en vue de reprendre ce qui m’a été volé de plein droit et rendre aux Guildes leurs lettres de noblesse. Certains viennent de loin et ont besoin de repos avant que je vous expose ce que nous avons prévu. Je vous offre ainsi que vos bienfaiteurs le repas de ce soir avec abondance d’alcool. Donnez-vous en à cœur joie pour tester vos pouvoirs trop longtemps bridés. Liberté et culture cul-sec !
Un tonnerre d’applaudissements et de sifflements inonda la pièce de longues minutes. Enfin ceux du fond se dirigèrent vers la sortie, suivis peu à peu par les premiers arrivés et tous s’attablèrent sur de longues tables en bois installées dans les jardins du domaine.
Le trio s’installa au bout d’une table, aux côtés d’inconnus qui devinrent rapidement compagnons de beuverie, chacun respectant la règle stricte de ne consommer que l’alcool lui conférant son énergie spiritueuse. Le mélange provoquait trop souvent une paralysie ou des erreurs dans l’utilisation des charmes. Et chacun avait envie de profiter au maximum de ce premier vent de liberté.
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