Chapitre 8 – Légère parenthèse

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— Vous allez où ? C’est de l’autre côté ! fit remarquer Canasson-Beurré-Frais.

— Aucune envie de jouer des coudes et de se faire chahuter. On reviendra quand la foule sera diluée. En attendant, place à l’amusement, hein Mamour ?! pressa Pétruche, les yeux pétillants telle une enfant devant la barbe à papa extra-large.

Ce dernier hocha de la tête, passa son bras autour des épaules de sa compagne et fit un geste du chef pour indiquer à leur compagnon de les suivre.

— On peut se joindre à vous ? demanda Chabine. Cela fait des lustres que je n’ai pas fait une partie de croquet.

— Plus on est de fous, moins y’a d’ennui ! dit Ginger avec engouement.

Les cinq Charmeurs avancèrent ainsi à contre-courant de la déferlante qui plongeait droit sur l’avant du manoir. Hic-Aimé se mit automatiquement en apnée pour ne pas être aspirer par le mouvement puissant, et chacun s’amarra à son voisin pour tenir face à la force de la nature qui les poussait par saccade dans l’autre sens. Heureusement, quelques esprits Peter Pan fendirent les flots devant eux, facilitant enfin le passage vers la terre promise.

Arrivés sur le parvis dominant les marches de marbre, leurs yeux scintillèrent d’émerveillement. Devant un jardus-hortus se dessinait un terrain de balle aux prisonniers avec la distribution, pour chaque participant, d’une chasuble aux couleurs de la Vouge Rouge ou du Grand Blanc, ainsi que de petits trophées cuivrés en forme de blason de la Corporation de la Vinasse, sans doute pour les vainqueurs. Le long d’un jardin à la française s’étendait une large bande d’herbe rase parsemée de trois chemins d’arches étincelant sous les rayons du soleil. Une personne dédiée à cet espace équipait chaque joueur d’un maillet et de boules aux couleurs assorties. Des lots de bouteilles de toutes les guildes s’alignaient parfaitement sur une petite table au bout des parcours. Encore une surprise pour le travail pointilleux des vainqueurs. Enfin, un étroit passage dans une haie végétale était surmonté d’une banderole où flottait en lettres argentés le mot « Cerceaux ». Ce côté mystérieux attisa la curiosité de Pochetron-Longuecuite mais, devant l’enthousiasme de sa moitié qui tirait avec insistance sur son bras, il céda de bon cœur en direction du stand de croquet.

La déception les fit chavirer lorsque le préposé au stand les informa qu’ils ne pouvaient être que quatre. L’un d’entre eux devait donc se sacrifier pour engager une manche avec d’autres participants. Hic-Aimé leva soudain le bras, index pointé vers le haut, un sourire satisfait sur le visage. On pouvait presque lire le « chting » de la pensée géniale retentir.

— Je peux faire un coup sur deux avec ma sœur.

Cette dernière opina du chef. Pochetron-Longuecuite hésita un bref instant à se proposer en alternance avec Vomie-de-Pétruchienne, mais se pavaner avec la bouteille du vainqueur entre les mains devant ses nouveaux amis et sa promise l’empêcha de se porter volontaire. Ils entamèrent donc une partie sous le signe de la bonne humeur. À mesure qu’ils approchaient des derniers arceaux, la tension montait, les gouttes perlaient de plus en plus grosses sur les visages concentrés et quelques tensions créaient la zizanie dans le duo fraternel. Chacun voulait la victoire et la bouteille promise. Pochetron-Longuecuite fut le premier à toucher le piquet nord, entamant d’un geste léger le retour à la base. Canassons-Beurré-Frais le serrait de près, suivie par Vomie-de-Pétruchienne puis par le duo qui, à force de dissension, perdait irrémédiablement du terrain. Le retour se poursuivit gardant scrupuleusement les participants dans le même ordre de classement jusqu’à l’avant dernier piquet. Le premier rata le passage et se retrouva la boule collée du mauvais côté de l’arceau. Le deuxième lui rentra dedans avec force, provoquant une sortie de route des deux boules. La troisième en profita pour effectuer une remontada, passant les trois arceaux de retard avec une aisance déconcertante pour arriver, la première à toucher le piquet final. Pochetron-Longuecuite déglutit avec peine, ayant la soudaine sensation d’émasculation accentuée par sa fiancée qui se rua sur lui pour le porter dans les airs, toute dévouée à sa joie. Lui qui avait rêvé de briller devant sa belle. Le préposé au stand attrapa deux bouteilles et dirigea vers le petit groupe.

— Plutôt blanc ou plutôt rouge ? demanda-t-il en regardant Pétruche, les mains s’avançant chacune leur tour en fonction du type de vin mentionné.

— Du rouge, je vous prie.

Il tendit la bouteille à Vomie-de-Pétruchienne qui relâcha enfin son captif pour attraper des deux mains son prix et le lever à bout de bras.

— Au retour du Sublimissime et aux nouvelles rencontres !

— Au retour de la Libertitude et aux nouveaux amis ! reprirent les autre sen chœur.

Devant cet enthousiasme, Pochetron-Longuecuite accepta enfin de laisser glisser sa déception. Il aurait été malheureux de se ternir la journée de la sorte.

Constatant un afflux de plus en plus important de charmeurs, ils décidèrent de remonter les marches pour se rendre aux stands promotionnels de leur idole. Ils attendirent de longues minutes afin d’obtenir enfin un passage dans l’amas compact descendant les marches ne flot continu.

— Et si on passait par le côté ? suggéra Cannon-Beurré-Frais.

— Tu crois qu’on peut ? s’enquit Hic-Aimé.

— Il n’y a qu’un moyen de le savoir.

Canasson-Beurré-Frais joignit le geste à la parole et les autres le suivirent sur la droite du bâtiment. Malheureusement, ce dernier collait la bordure de propriété délimitée par de hauts murs de pierre. Le groupe souffla dans une parfaite synchronisation avant de faire demi-tour. Ils parvinrent de nouveau devant les marches où la foule ne permettait toujours pas d’accéder à l’avant du manoir.

— Essayons de l’autre côté. Nous n’avons pas grand-chose à perdre, proposa Chabine-la-Bourraine en faisant les premiers pas avant même d’avoir obtenu une quelconque réponse.

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