Chapitre 11 - En quête de besogne

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Une dizaine de personnes se tient assises sur la droite dans le coin d’attente tandis que quatre guichetiers sont plongés en pleine discussion, certainement avec un postulant. Pochetron-Longuecuite se dirige vers le pupitre d’accueil, efface le numéro inscrit sur le parchemin posé devant lui pour y inscrire le suivant, soit le nombre quarante-sept qui saute aussitôt du papier pour venir se déposer sur sa main. Ginger sourit. Il a toujours été fasciné, lorsque son père lui comptait des histoires, par le talent du saké qui permet de donner vie à n’importe quel dessin calligraphié. Un charme nain doit avoir été combiné aux effets de l’alcool nipponkanpaien[1] pour rendre la magie permanente. En temps normal, une fois le dessin utilisé, ce dernier disparaît du papier pour ne plus y revenir.

La réflexion suivante se forme dans l’esprit de notre héros : « étrangement, lorsque l’utilité du charme se fait sentir, les mesures d’interdiction se font moins radicales. Sous prétexte que nous pouvons employer des nains et user de leurs compétences magiques car ils n’ont jamais attenté au bon fonctionnement de la société. Pourtant, j’en connais qui affirment le contraire ! Encore un coup de propagande mal placé. Un peu de patience et tous iront pourrir dans le Taudis des Acares Tare-Tares ! ». Une main sur son épaule le fait légèrement sursauter.

— Monsieur, avez-vous terminer ?

— Euh… Oui, répond le pensif en se retournant pour découvrir un homme bedonnant qui semble attendre son tour. Je m’étais égaré dans mes pensées, je vous laisse la place.

— Je vous remercie, le salue l’homme d’un léger hochement de tête en s’avançant vers le pupitre.

Ginger prend place sur une chaise libre et se repasse le fil des derniers évènements qui le mettent d’une humeur plus guillerette. Le sans-besogne n’a pas à patienter longtemps avant que son numéro ne soit scandé par le guichet du fond. Il s’approche, montre sa main et avant qu’il n’ait pu s’assoir le charme se volatilise.

— Bonjour, Monsieur…

— Bonjour, Pochetron-Longuecuite De Lalande.

— En quoi puis-je vous être utile Monsieur De Lalande ?

— Je suis à la recherche de besogne.

— Vous êtes-vous déjà présenté auprès de notre service ?

— Non.

— Bien, je crée votre dossier. Quel est le dernier poste que vous avez occupé ?

— Mmmh, je travaillais avec mon père, mais cela remonte à presque deux ans.

— Je vous écoute.

— Il était notaire et j’étais son clerc.

— Avez-vous votre certificat de clerc de notaire ?

— Non, je… Je ne l’ai jamais passé.

— Avez-vous exercer un autre emploi ?

— Non.

— Alors, je vais vous inscrire à une session afin de valider vos acquis pour obtenir le certificat. Sans cela, je ne peux vous inscrire en tant que demandeur de besogne dans ce domaine d’activité.

— Même si cela m’ennuie, je comprends. Quand est la prochaine session ?

— Nous avons peu de demandes donc peu de créneaux. Attendez, je regarde, dit-il en attrapant un livre épais où est inscrit « Métier des Services Publics ».

Pochetron-Longuecuite patiente, son regard errant sur le décor de la pièce. Le plafond de bois sombre avec poutres apparentes est décoré des emblèmes des différentes corporations. Ginger ne peut s’empêcher de noter que toutes traces des blasons des Guildes a été scrupuleusement effacée, ce qui le renfrogne quelque peu. De hautes étagères recouvrent le mur derrière les guichets, remplis des mêmes gros livres que celui des « Métiers des Services Publics » et des nains accompagnés de leurs clones fo des aller-retours entre les guichetiers et la bibliothèque afin de délivrer ou de ranger l’un des ouvrages. Des fenêtres à meneaux laissent passer un peu de lumière, compléter par des éclairage galvaniques qui pendent au bout de courtes chaînes dans des plafonniers lanternes munis de vitraux parsemant la pièce d’une lumière feutrée légèrement colorée.

— Dans deux mois, le 5 avril.

Pochetron-Longuecuite avale de travers. Certes, il a encore quelques sous sur son compte, mais il avait espéré renflouer les caisses bien plus vite.

— Je m’y inscris, répond-il laconiquement. Quelle sont les modalités et la durée de cette validation ?

— Mmmh, trois jours et les frais sont à la charge de la Gouvernance. Il faudra venir avec votre casse-dalle. La journée démarre à huit heures et finit à quinze heures.

— Si tôt ?

— Il y a les cours à préparer pour chaque formateur à l’issue de la journée.

— Pardon, j’entendais… le matin.

— Je confirme ou vous préférez y réfléchir ?

— Non, vous pouvez m’inscrire. Je vous remercie.

— Vous recevrez la confirmation ainsi que les informations pratiques par corbeau-touwite.

— Voici sa référence, précise Ginger en tendant la carte permettant d’identifier son coursier.

— Parfait. Avez-vous une autre question ?

— Non, je vous remercie.

— J’espère avoir satisfait à vos demandes et vous souhaite une agréable journée.

— Merci, à vous aussi.

En poussant le battant, Pochetron-Longuecuite peste intérieurement contre ces fonctionnaires qui gèrent leurs horaires sans la moindre considération pour les concitoyens, s’offrant presque leurs après-midis, sans doute à pêcher dans un étang des environs ou à flâner en ville. Il tourne à l’angle de la place quand il entend quelqu’un le héler.

[1] Prononcé « niponekanepaïen » selon les règles de prononciation en vigueur au Pays du Soleil qui se Lève Tôt.

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