Prologue

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« Alors que les elfes du Vent venaient grossir les troupes des sylphes Noirs, le peuple de la Franchouille se mit à trembler. L’armée humaine, même accompagnée des bataillons de nains serviteurs, sentit la panique l’écraser, comme on plaque un joueur de choule[1] afin de lui subtiliser son choulet.

Les soldats furent incapables de riposter aux assauts magiques des sylphes qui décimaient les hommes par régiments entiers. Des spectres elfiques prenaient possession de cadavres afin de perpétrer de nouveaux massacres dans les rangs ennemis paralysés, tandis que de soudaines bourrasques, surgies du néant, emportaient de pauvres malheureux transformés en fétu de paille balloté aux grés des éléments.

Le combat avait toujours été inégal, les humains ne le savaient que trop bien. Les sylphes avaient été bénis en recevant les charmes spiritueux qui leur permettaient de dompter les éléments, et même la mort de façon temporaire. Mais du moins, les humains avaient-ils, jusque-là, l’avantage du nombre. Yaldhavi les abonnaient-ils ? Les punissaient-ils d’un quelconque péché ?

Déjà les premiers déserteurs se faufilaient sur le champ de bataille, tel la proie face aux crocs de son prédateur. Quelques fanatiques proclamaient dans les villages alentours la condamnation des hommes pour n’avoir suivi les préceptes dictés par le divin Yaldhavi. De plus en plus de désespérés venaient gonfler leurs rangs… »

— Papa, pourquoi ont-ils perdu confiance si facilement ?

— Mon petit Ginger, Diaphistan insuffle en chaque homme le vice et la faiblesse. C’est dans une telle épreuve que Yaldhavi attend de nous la confiance et notre fidélité. C’est ainsi qu’il peut choisir ses élus.

— Moi, je suis sûr que j’en serai devenu un ! s’enflamme le petit Pochetron-Longuecuite du haut de ses sept ans, alors qu’il secoue sa tignasse rousse avec de grands hochements de tête.

— Revenons à l’histoire, veux-tu ?

— Mais…

Face aux yeux paternels d’un coup assombri, le garçon se tait à nouveau. Il sait qu’en poussant au-delà, il risque de ne pas entendre la suite avant au moins plusieurs jours. Hors, il est impatient, tel le chien au bruit de la conserve de pâtée en cours d’ouverture, d’arriver au passage où les hommes reçoivent, enfin, la bénédiction spiritueuse.

« …Holdowik 1er convoqua son conseil afin d’élaborer une stratégie. Des représailles cinglantes furent perpétrées à l’encontre des déserteurs. Les hommes ne fuyaient plus, mais restaient pétrifiés face au fléau elfique.

L’idée d’une reddition naquit au sein-même du conseil, d’abord simple bruit de couloir, elle roula parmi les membres agrippant de plus en plus d’adeptes sur son passage jusqu’à ce qu’un conseiller ne s’arme de courage afin de la présenter au roi.

Holdowick 1er écouta les poings serrés à faire blanchir ses phalanges. Et alors qu’une envolée d’insultes se bousculaient pour franchir ses lèvres, un phénomène étrange se produisit : sa musculature gonfla provoquant un déchirement de sa chemise au niveau des épaules. Il prit une nouvelle gorgée de vin et cette fois la chemise se transforma en lambeaux, pendants ridiculement sur le torse aux muscles saillants. Quelle ne fut pas la surprise du roi de voir son corps d’un coup transformé en machine de guerre ? Une aura dorée scintilla autour du monarque et de trois autres seigneurs tous réfractaires à la capitulation.

La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre : des braves, élus par Yaldhavi dont le monarque, déclaraient une affinité à de nouvelles formes de charme liées à des alcools jamais utilisés jusqu’alors. En effet, les humains semblaient sensibles à des alcools doux contrairement aux Elfes qui, quel que soit leur race, ne manifestent de magie qu’à l’absorption d’alcools durs. L’armée résista avec plus de panache tandis que de nombreux essais d’études sur les alcools se multipliaient dans l’urgence. Il fallait déterminer au plus vite quel alcool offrait une énergie spiritueuse et le talent que chacune permettait de développer. Ainsi, le cours de la guerre fut inversé, offrant une victoire éclatante aux humains.

Ceux qui n’avaient pas renoncé au combat furent glorifiés et l’ère des charmeurs et des charmeuses débuta.

Fut d’abord crée la Guilde de la Vouge Rouge dont le roi faisait parti et qui permettait de développer la musculature de n’importe quel homme ou animal. Puis la Guilde du Trident Blanc qui avait provoqué la débandade ennemie face à leurs corps devenus soudain rachitiques par la réduction musculaire. Et enfin la Guilde du Cuirassé Rosé d’une puissance plus limitée, mais qui dotait son propriétaire des capacités du rouge et du blanc. S’ajoutèrent la Guilde de l’Arachné Poiré et de l’Hydre Cidre, permettant respectivement d’attiser ou de réduire les émotions. »

— Et la Guilde du Sublimissime ?

— À l’époque, la bière n’existait pas. Il y avait des cervoises aux pouvoirs un peu aléatoires. C’est une décennie plus tard que la Guilde de la Mousseuse a vu le jour avec la Blonde, la Brune, l’Immaculée et la Ténébreuse.

— Et moi, quelle sera ma Guilde ?

— Je ne sais pas mon petit Pochetron, mais sans aucun doute celle de la Vouge Rouge.

Le jeune garçon fronce les sourcils, croisant ses bras sur son torse dans un grognement qui se veut bestial, mais qui s’apparente davantage au miaulement du lionceau.

Qu’y a –t-il ? s’enquiert son père.

— Moi, je veux être comme le Sublimissime ! Je veux être de la Mousseuse !

— Je comprends, répond-il en serrant son fils contre lui, mais il est très rare de ne pas développer le charme de l’un de ses parents. Et comme je suis de la Vouge Rouge et ta mère une Non-Pratiquante, il est fort probable que tu développes mon talent. Je serai bien incapable de te former à une autre magie et avec le temps, ton corps ne réagira qu’à celle…

— Je sais ! Qu’à celle à laquelle j’aurai été formée dès mon enfance, grogne Ginger.

— Je suis fier que tu souhaites marcher dans les pas de ce héros. Je souhaite de tout cœur qu’un jour tu mettes tes talents à son service pour faire régner de nouveau la puissance charmeuse. Tu seras un atout de choix et pourra offrir de la force au Sublimissime !

— Je serai un peu… comme son bras droit ?! s’enflamme l’enfant les yeux soudain aussi pétillants qu’un feu d’artifice.

Le père sourit en lui ébouriffant les cheveux ; il espère secrètement qu’un jour tous deux verront leur idole à nouveau à la tête de ce pays décadent.

[1] choule : jeu de balle traditionnel joué principalement en Normandie, où deux clans s'affrontent pour porter une balle (le choulet) dans le camp adverse.

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