EMELYNE

Le lendemain matin, à mon réveil, à cinq heures trente, je courus me préparer en repensant à Claire. Je mis ma plus belle robe : une rose avec de la dentelle.

Voulant que Claire arrive vite, je voulus réveiller Sophie, mais celle-ci dormais profondément. J'essayai sans succès de la secouer mais elle ne bougea pas d'un poil. Elle se mit soudainement à se tortiller dans les draps pendant de longues minutes.

***

SOPHIE

J'escaladai une montagne sombre. J'avais l'impression d'être plus souple et agile qu'auparavant. Je ne savais pas pourquoi je me trouvais en ce lieu, ni comment j'avais acquis de ces nouvelles capacités. Le voyage jusqu'au sommet me sembla interminable, des pierres et des gravillons chutaient sous chacun de mes pas, je les entendais s'écraser en bas de la pente. Plus je gravissais le versant raide de cette montagne plus la chaleur envahissait l'air.

J'entendis une voix sévère et grave :

« Je m'appelle Amalric Lesombre et je suis un seigneur très puissant. »

Et une autre voix beaucoup plus rassurante :

« Réveille-toi ! Mais réveille-toi Sophie ! »

***

Je me réveillai en sursaut, couverte de sueur et empêtrée dans les draps, malmenée par des petites mains impatientes. En ouvrant les yeux, je découvris avec stupéfaction que c'était ma sœur qui avait vainement essayé de me réveiller.

***

EMELYNE

« Ah ! Enfin réveillée !!! T'en as mis du temps, grognai-je.

— Hein ! Quoi ? Il est quelle heure ? me demanda-t-elle, encore endormie.

— Ben, il est six heures, lui répondis-je.

— Mais tu sais bien que je ne me lève jamais à cette heure-ci, normalement.

— Oui, je sais, mais j'ai envie que Claire arrive le plus vite possible.

— Ce n'est pas une raison pour me réveiller aussi tôt. Mais bon... puisque tu as interrompu ma nuit...

— Quoi ?! Mais pas du tout c'est toi qui te débattais dans ton lit ! protestai-je.

— Ce n'était qu'un cauchemar, je me serai réendormie après.

— Pff... Tu peux venir me préparer mon petit-déjeuner ?

— D'accord, laisse-moi cinq minutes pour que je puisse me préparer. »

***

SOPHIE

J'escaladai une montagne sombre. Quelle avait été l'idée qui m'avait poussé à escalader cette montagne ? Pourquoi diable avais-je l'air plus forte ?

La pente, de plus en plus raide, semblait vouloir me faire tomber : c'est ce qu'elle fit, soudainement, au moment où je m'y attendais le moins. J'atterris une bonne dizaine de mètres plus bas. Mais je ne me laissais pas faire ! Sans aucune explication, alors qu'il serait bien plus simple de descendre que de remonter, je me remis en marche.

Et la voix que je redoutais se fit entendre :

« Je m'appelle Amalric Lesombre et je suis un seigneur très puissant. »

***

EMELYNE

« Sophie ! m'impatientai-je. Ca fait six minutes et trois secondes. Quatre secondes. Tu as maintenant une minute et cinq secondes de retard. »

Après deux minutes de décompte, j'entendis un cri strident. Je montais donc et vis la poitrine de Sophie se soulever tellement fort qu'elle aurait pu éclater. Elle essaya de me sourire, mais son sourire se tordit en une grimace. Elle se frotta la tête et m'expliqua, l'air gêné :

« Excuse-moi, je me suis rendormie par erreur.

— Et tu as refait ton cauchemar ? devinai-je.

— Oui, avoua-t-elle.

— Tu le fais souvent ? demandai-je, en essayant de me comporter en grande sœur, comme elle le fait si souvent avec moi.

— Oui, me répondit-elle, embarrassée. Quasiment tous les soirs. Mais n'en parle pas à maman, d'accord ? Je ne voudrais pas l'inquiéter.

— Je te le promets.

— Oh ! Tu as mis une jolie robe !

— Merci. C'est pour Claire.

— Emelyne... Tu ne préfères quand même pas Claire ?

— Non ! Non ! C'est juste que... mes amies, elles changent. Je leur ai dit que j'avais une sœur très intelligente, et elles ont tout de suite fait le lien. Je ne sais pas comment elles te connaissaient, mais maintenant, elles m'appellent Einsteinette. Donc Claire est, en quelque sorte, ma seule amie.

— Mais il fallait le dire ! dit-elle, l'air soulagé. Si tu en parle à maman, elle ira parler à tes amies. Viens, on va préparer ton petit-déjeuner. »

Elle me prépara mon repas du matin. Lorsqu'elle me le tendit, j'essayai de lui sourire mais ce fut impossible, à cause des souvenirs qui se bousculaient méchamment dans ma tête.