Chapitre 14 - Azelie
Je pliais soigneusement mes affaires avec un pincement au cœur. Je rentrais chez moi pour deux semaines, la famille de Cat montait la voir pour deux semaines et je prêtais mon appartement. C’était le minimum que je pouvais faire quand même. Ils se partageaient mon appartement et celui de Cat. Elle ne pouvait se déplacer pour les fêtes, sa famille venait pour elle, c’était le minimum. Et moi je pouvais, donc je partais, mais j’allais clairement lui envoyer plein de messages ou des photos. Elle avait toujours son portable et son ordi, mais faudrait aussi que je la laisse profiter de sa famille. Même si j’imaginais mal les infirmières accepter que sa famille ramène un énorme panier repas. Quoi que puisque Cat ne mangeait plus, peut-être que non ? Je savais pas trop.
Je finis de fermer ma valise sans m’asseoir dessus, j’avais des cadeaux pour les frangins et frangines et mes parents, j’aimerais éviter de tout casser. Les marchés de noël c’était quand même sacrément pratique pour trouver tous les cadeaux pour tout le monde. Ou presque. Pas pour mon petit frère, j’avais trouvé un truc dans une petite boutique et c’était Yasmina qui m’avait aidé à tout emballer. D’habitude je le faisais avec Cat, mais là, elle n’avait pas acheté de cadeaux. Cela l’avait désolé, elle adorait faire plaisir à sa famille, mais c’était comme ça, j’avais tout fait pour essayer de la dérider, mais je n’étais pas sûre d’avoir réussi, cela l’avait vraiment rendu triste. Je lui avais rendu Passiflore pour qu’elle puisse avoir quelqu’un à faire des câlins, même si avec sa famille, je n’étais pas inquiète, elle en aurait des câlins.
Je vérifiais mes SMS, on rentrait tous ensemble pour une fois. On avait pas longtemps en train, mais c’était rare pour nous de rentrer. Encore plus depuis la maladie de Cat. On n’aimait pas, surtout moi, la laisser seule trop longtemps. Mais là avec les vacances, on rentrait tous pour deux semaines. On se verrait, sans aucun problème, au moins pour le nouvel an, cela ne pourra que nous faire du bien. Je finis par vérifier à nouveau mon appartement pour être sûre de n’avoir rien oublié, mais c’était l’heure. Yasmina m’avait envoyé un petit message. Elle était déjà à la gare, ce qu’elle était stressée ! Elle n’aimait pas être en retard et avec les trains on était toujours servit c’était sûr. Je tirais ma grosse valise, mon fidèle casque toujours dans sa position préférée : sur mes oreilles, jusque dans le tram et m’appuyai à moitié sur elle pendant tout le trajet. Et Anna me fit un grand signe de la main sur le quai du tram, juste à temps avec William, je lui rendis en basculant mon casque en arrière. C’était facile de trouver les étudiants, trouvé une grosse valise avec un sac à dos, en plus d’un air jeune, vous aurez les étudiants. Je fis la bise aux deux, William plissa légèrement le nez :
« Tu as laissé ton appartement ?
- Oui ?
- Il veut dire aux parents de Cat.
- Ah ! Ouais ! Ouais, j’ai filé un double à Cat qui l’a dit à ses parents.
- Bien. Ça va lui faire plaisir de les voir.
- Sans blague. J’ai dû passer bien une heure hier à la consoler.
- Consoler qui ?
- PUTAIN YASMINA ! On avait dit d’jamais arriver par-derrière ! »
Yasmina ou la capacité de surgir par-derrière sans aucun bruit et causer une crise cardiaque. Et avec moi ça marchait à tous les coups ! Elle gloussa et rajusta la bretelle de son sac en désignant le tableau d’affichage :
« Le train est affiché, allons-y ! Et du coup ? Consoler qui ?
- Gnagna…
- Azelie parlait de consoler Cat qui n’avait pas pu offrir des cadeaux à sa famille.
- Oh ! Je vois. Ça va aller du coup ?
- Elle a fait avec, mais c’est vraiment pas facile pour elle. »
Je hochais la tête pour ponctuer ma phrase, ça c’était vraiment difficile j’étais même pas sûre d’avoir réussi ma tâche. Enfin, c’était comme ça ! On se dirigea avec nos grosses valises vers notre quai et on s’assit en attendant, encore douze minutes à attendre. Je soupirais un peu en regardant devant moi, William remua le nez et se pencha devant moi.
« Si ta valise était trop lourde j’aurais pu la porter.
- J’suis assez grande pour l’faire seule, mais… ouais, j’y penserais, merci. Ça m’fait les muscles.
- Tu as combien de kilos de cadeaux ?
- Autant que mes frangins et frangine pourront avaler, Anna. Tu les connais !
- Oui. C’est des chancres. »
Je hochais la tête avec un petit rire moqueur, on avait tous et toutes des petits frères ou des petites sœurs. Sauf Anna qui avait que des grands-frères. Enfin, pour l’instant c’était Noël on allait tous faire plaisir à nos familles. Yasmina se posta devant la porte quand le train, dans un grincement de tout les diables, s’arrêta devant nous. Ça allait se bagarrer pour des places sans aucun doute. Et on avait une technique bien rodée : Yasmina nous confiait sa grosse valise, et fonçait, vive comme je sais pas quoi, chercher un carré pour qu’on s’installe tranquillement. Ça marchait relativement bien puisqu’on avait nos places à chaque fois. William installa nos valises au-dessus de nous et s’installa à côté d’Anna qui glissa sa main dans la sienne. Je ne dis rien, m’appuyant lourdement contre le dossier, avant d’attraper mon portable et en un quart de seconde on eut tous le même réflexes : prévenir nos parents qu’on était dans le train. Tout était absolument normal dans cette situation. On avait pas intérêt à oublier, enfin, on aurait toujours quelqu’un pour nous ramener. Ça faisait très longtemps qu’on se connaissait, ça aidait. J’en profitais aussitôt pour proposer :
«On s’fait une p’tite photo ? Pour Cat. »
Il eut un instant de flottement avant qu’on se tortille tous et qu’on se mette à parler un peu pour bien se placer alors que je tenais à bout de bras mon portable. Un peu plus et j’allais avoir une crampe, mais on l’a pris cette petite photo et je galérais avec le réseau du train pour lui envoyer. Pas de réponse, j’avalais avec difficulté la boule que j’avais dans la gorge, Anna s’en aperçus et posa une main sur mon genou avec un petit sourire :
« Elle doit dormir, tu sais ? Ou être avec sa famille, elle te répondra après.
- Ouais, ouais, j’sais bien. J’suis inquiète, j’y peux rien. »
Elle me fit un simple clin d’œil sans poursuivre sur la conversation, elle l’orienta sur la préparation du nouvel an. On retrouverait sans aucun doute des copains du lycée, ça serait une bonne idée, ça ferait un peu de monde, mais j’imaginais qu’on pouvait faire ça chez moi. Mes parents seraient chez des potes, les morveux chez des copains, je pouvais bien inviter les miens. Au moins cela nous occupa pendant un petit moment, soit les deux heures du trajet en train, presque pas de retard, les dix minutes réglementaires. William nous fit passer les valises, puisque cette fois y avait juste un bon quatre-vingt-dix centimètres entre le marchepied et le quai. Toujours la bonne idée de se fouler le pied avant noël. Et je plaignais les personnes handicapées. Enfin, je traînais ma valise sur le quai composé plus de gravier que de béton, en suivant les autres. Il faisait froid, de la vapeur glissait de nos bouches. Je ne dis rien, descendant juste ma valise d’un quai à l’autre. Ma mère me fit signe, je saluais le trio avant d’aller l’embrasser. Je posai ma valise et mon sac dans le coffre avant de me laisser tomber sur le siège avant. Ça faisait toujours du bien d’être au chaud. Il caillait sévère dehors. Installée à l’avant, je me penchais pour l’embrasser quand même et elle me sourit :
« Ça va ma puce ? C’était pas trop long le trajet ?
- Ça va tranquille m’man. Non, on a parlé de ce qu’on ferait pendant les vacances.
- Et alors ? Avec les révisions ? Ça va aller ?
- M’man ! Ouais, à part des révisions, mais ça d’vrait pas y avoir trop d’soucis. Mais on va faire une p’tite soirée à la maison pour le Nouvel an. »
Ma mère hocha la tête, c’était prévu que j’ai la maison pour nouvel an, c’était comme ça depuis quelques années. Depuis que j’étais à la fac quoi. Ma mère tourna le volant en regardant la route.
« Et Cat ? Comment ça va ?
- Ça va, elle est un peu triste d’pas faire de cadeau, mais ça va. Elle dort beaucoup, mais ça va. »
Autant que possible, mais je voulais pas parler de ça avec la mère. Je préférais vraiment pas, ça me mettait mal à l’aise. Ma mère se gara dans l’allée et je descendis de la voiture avant de sortir mes affaires et d’avancer jusque dans l’entrée.
« Azelie ! »
J’attrapais au vol le gamin qui me sauta au cou et le serrais contre moi, sale morveux, il était lourd ! Je le reposai au sol avant de faire un bisou à mes petites sœurs. Au moins elles, elles étaient plus calmes. Je reniai cette pensée quand elles entreprirent de m’aider à déballer mes affaires alors que je ne voulais pas ! Je mis dix minutes à les faire sortir de ma chambre, avec un soupir. Je finis de ranger soigneusement mes affaires, en planquant soigneusement tous les cadeaux que j’avais. C’était ça le plus dur : empêcher les morveux d’entrer dans la pièce et surtout placer les cadeaux sans se faire griller. J’aimais toujours… essayer de faire croire à un espèce de père Noël ? Ouais, alors que mon petit frère, le plus jeune, était déjà en sixième. Ça poussait vite les mauvaises herbes, non ?
J’avais pas spécialement une grande famille avec un milliard d’oncles et de tantes. Mais quand même avec tous les cousins et les cousines ça faisait quand même une vingtaine de personnes. Et la règle était « Juste les frères et sœurs. » J’avais de toute manière pas les moyens d’acheter pour tous. Heureusement que chez moi le fameux « tonton raciste » était pas présent. C’était tant mieux. J’avais déjà « Tonton-fait-des-blagues-homophobes », et j’avais beaucoup de mal à laisser passer, je ne laissais presque pas passer de toute manière. Quitte à jeter des froids, je préférais clairement ouvrir ma gueule. Et lui avait appris à revoir ses fuckings d’idée de merde.
Ce furent des vacances tout bonnement classiques entre grosses bouffes, et révisions, fêtes avec les copains et les révisions. Cat ne me donna pas beaucoup de nouvelles, elle profitait, j’eus le droit à quelques photos de la part de sa mère, elle semblait vraiment heureuse. Fatiguée, mais heureuse. Et c’était ça le plus important. Je savais également qu’elle refuserait de me voir pendant les partiels, elle me l’avait dit, elle voulait que je révise à fond. Je lui enverrais des photos, ça serait… suffisant ? Parce que j’avais pas le choix. Je fus quand même contente de rentrer dans mon appart après deux semaines mouvementées quand même chez moi. Le calme de mon appart me parut salutaire.
Et beaucoup plus angoissant une fois dans l’amphithéâtre devant ma copie. Allaez, on était tous dans la même galère. C’était parti pour quatre heures.
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