Partie 1 / Chapitre 1- Les fantômes du passé

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Pauline Lemoine, une brillante biologiste de vingt-huit ans, déterminée et curieuse, est animée par le désir de comprendre les événements tragiques de son passé et n’a jamais pu se détacher des ombres qui la hantent. Ses parents, des généticiens de renom, sont morts dans un accident mystérieux lorsqu'elle n’était que pré-adolescente. Leur perte précoce lui a inculqué une résilience remarquable, mais elle lutte avec des sentiments de colère et de tristesse enfouis. Depuis, elle porte en elle une douleur sourde et la sensation que leur disparition cache quelque chose de plus profond. Malgré les années, la plaie est toujours béante, et la mémoire de ses parents la suit dans chaque recoin de sa vie. Pauline a pourtant tenté de se reconstruire, de bâtir sa carrière sur les traces laissées par ceux-ci sans pour autant sombrer dans l’obsession.

Élevée par sa tante Sophie, la sœur de son père, Pauline avait passé son adolescence enfermée dans ses études, espérant que l’immersion dans la science pourrait apaiser la douleur de la perte. Sa tante, une femme bienveillante mais peu démonstrative, lui offrait un foyer stable, sans jamais chercher à combler le vide laissé par ses parents. Bien qu’elle encourageât Pauline dans ses projets, Sophie restait volontairement silencieuse sur l'accident, préférant éviter ce sujet délicat. Elle lui répétait souvent : « Ce qui est passé est passé ; il faut avancer, Pauline. » Mais l'absence de réponses autour de la disparition de ses parents grandissait en Pauline comme une ombre menaçante, nourrissant une soif de vérité qu’elle ne pouvait étouffer.

Les succès que Pauline récoltait dans sa carrière – une mention exceptionnelle pour son doctorat en biologie moléculaire, ses premières publications remarquées dans des revues scientifiques – n'étaient jamais pour elle de véritables victoires. Ils lui apportaient une satisfaction éphémère, toujours teintée de cette mélancolie persistante. Chaque accomplissement, aussi brillant fût-il, la ramenait immanquablement à cette question lancinante qui la hantait depuis l'enfance : « Que s'était-il vraiment passé ? » Malgré ses efforts pour aller de l'avant, elle ressentait un vide profond, une impression d’inachèvement, comme si une partie d’elle-même était restée bloquée dans le passé, à ce jour où elle avait tout perdu.

Elle rêvait souvent de son père et de sa mère, des souvenirs flous d’une époque où tout semblait plus lumineux et insouciant, et se réveillait avec le cœur serré, frustrée que même ces images s’estompent peu à peu. Pourtant, Pauline savait que ce manque était aussi ce qui la rendait plus forte et plus résiliente, une force intérieure qui, bien qu'empreinte de douleur, la poussait à avancer.

Alors qu'elle finissait de glisser ses dernières affaires dans sa valise pour se rendre à sa conférence scientifique à Rio de Janeiro, Pauline jeta un coup d’œil vers le cadre photo sur sa commode. Une vieille photo de famille, prise lors d'un voyage à l'étranger. Un rare moment où ils étaient tous ensemble, souriants. Ce voyage au Brésil, ce n’était pas seulement une énième conférence. Elle le sentait. Sa main se crispa légèrement autour d’une médaille qu’elle avait glissée dans la poche de sa veste – une ancienne breloque que sa mère portait toujours. « Ce voyage pourrait être différent », pensa-t-elle. Elle se força à relâcher la médaille, prenant une grande inspiration pour calmer son cœur.

Pauline passa en revue les derniers courriels échangés avec Jeff Davis. Le ton y était toujours un peu distant, presque professionnel, malgré leur lien de longue date. Elle hésita, la main en suspens sur son téléphone. « Et si je l’appelais avant le départ ? » Son pouce passait nerveusement d’un bouton à l’autre. Elle tapota finalement un bref message « Jeff, on doit se voir. Il est temps de parler des vrais sujets. » qu’elle n’envoya pas, soupirant. « Non, mieux vaut garder ça pour le face-à-face. »

Ce nom, « Jeff Davis », lui évoquait une étrange dualité. Elle se souvenait encore des soirées où, cachée dans l’ombre de la porte du bureau, elle entendait ses parents en parler d’une voix à la fois chargée de respect et teintée de nostalgie. Jeff avait été plus qu’un ami pour eux ; il était leur pilier, l’allié avec qui ils partageaient cette mission secrète en Afrique du Sud, ce centre de recherche situé au bord du connu et de l’inconnu.

Pauline fronça les sourcils. « Pourquoi avait-il mis autant de temps avant de me contacter après leur disparition ? » Elle n’avait jamais eu de réponse. Jeff était resté une figure lointaine, évasive, un mentor invisible qui se manifestait sans vraiment se révéler. Et pourtant, il avait toujours été là, dans les ombres de sa vie, veillant d’une manière presque imperceptible.

Au fond d’elle-même, elle sentait qu’il lui cachait quelque chose. Elle ne savait pas encore quoi, mais elle percevait un lien profond entre lui et ses parents, un attachement mystérieux qui semblait le lier à leur mémoire. Était-ce de la culpabilité, de la tristesse, ou simplement le poids d'une promesse ?

En terminant son café, elle pensa aux choses qu’elle devait absolument lui demander : les derniers projets sur lesquels ses parents travaillaient, les lieux où ils s’étaient rendus... Elle griffonna quelques notes rapides dans son carnet. Une liste de questions, certaines directes, d'autres plus subtiles. Elle se demanda comment il réagirait. Est-ce qu'il éviterait ses questions, comme lors de leurs derniers appels ? Ou bien, enfin face à elle, lui révélerait-il ces détails manquants, ces fragments de vérité ?

En regardant son reflet dans le miroir de sa salle de bain, Pauline observa ses traits fatigués. Les cernes sous ses yeux trahissaient des nuits sans sommeil, où ses pensées la ramenaient invariablement à cet accident. Pourquoi les circonstances étaient-elles si floues ? Pourquoi aucune enquête n’avait réellement abouti à une conclusion satisfaisante ?

Un coup frappé à la porte d’entrée la fit sursauter. Pauline se tourna, l’esprit encore embrouillé. La voix de son voisin et ami, Antoine, jeune étudiant aux beaux-arts de vingt-deux ans, brun aux yeux bleues retentit de l’autre côté.

— Pauline, tu vas bien ? Je sais qu’il est tôt, tu as du sucre à m’avancer ? J’ai totalement zappé d’en racheter hier.

Elle hésita à ouvrir, passant une main dans ses cheveux. Puis finalement le fit.

— Oui… Oui, ça va, répondit-elle d’un ton qui trahissait son manque de conviction. Tu as de la chance de me trouver, je m’apprête à partir en voyage.

— Ah ouiiii, c’est vrai, ta conférence, lui dit Antoine. Tu es sûr que ça va ?

Il ne semblait pas convaincu. Il entrouvrit la porte et passa la tête dans l’entrebâillement, son regard s’attardant sur elle.

— Tu sais, si quelque chose te tracasse, tu peux me le dire.

Devait-elle lui parler de ses doutes ? Antoine avait toujours été là pour elle, mais elle savait qu’il préférait éviter d’entamer en premier les conversations qui remuaient le passé de peur de l’attrister.

Pauline pinça les lèvres, hésitante. Les souvenirs des discussions entre adultes, ces murmures évoquant des « recherches controversées non légitimes » et une « concurrence scientifique » sans merci, lui revinrent en mémoire.

— Antoine…, murmura-t-elle. Pourquoi est-ce que personne n’a jamais voulu creuser plus loin concernant mes parents ?

Son voisin détourna légèrement le regard, son visage se fermant légèrement se remémorant les longues soirées de discussions où Pauline pleurait dans ses bras.

— Tu sais bien pourquoi, on en a déjà parlé, personne ne veut remuer ce qui pourrait mettre en lumière des choses… disons, peu reluisantes.

Le silence qui suivit était lourd, chargé de secrets enfouis. Pauline se redressa, une résolution nouvelle dans le regard.

— Et si moi, je voulais savoir ? lança-t-elle, son ton laissant entrevoir une détermination nouvelle.

Elle termina de boucler sa valise, jeta un dernier coup d'œil à l'appartement vide et sortit. Antoine l'attendait dans l’entrée de l’immeuble, les mains enfouies dans les poches, l’air soucieux.

— Tu es sûre de toi ? demanda-t-il en la voyant s’approcher avec sa valise.

Pauline hocha la tête.

— Oui, c'est le moment pour moi de comprendre. De toute façon, tu sais que je ne vais pas en dormir tant que je n'aurai pas des réponses.

Il soupira, hésitant.

— Fais attention, d’accord ? On ne sait jamais sur quoi tu pourrais tomber en cherchant à remuer tout ça.

Son regard se fit plus doux, presque implorant.

— Si tu as besoin, je suis là, ok ?

Un mince sourire apparut sur le visage de Pauline, malgré sa nervosité.


— Merci, Antoine. Je te tiendrai au courant.

Elle s’engouffra dans le taxi en direction de l’aéroport, le regard de son voisin encore présent dans son esprit. Pendant le trajet, ses pensées dérivèrent vers ses parents. Ils avaient toujours été des figures énigmatiques pour elle : des génies dans leur domaine, certes, mais mystérieux et réservés, surtout en ce qui concernait leur travail. Elle se souvint des nuits où elle les entendait chuchoter dans leur bureau, la porte à peine entrebâillée. À l'époque, leurs conversations à voix basse lui échappaient totalement, mais aujourd’hui, elles prenaient une importance nouvelle, comme des fragments de vérité restés trop longtemps enfouis.

— Est-ce que tout va bien, mademoiselle ? demanda le chauffeur, interrompant le cours de ses pensées.

Pauline hocha la tête, bien qu'au fond, elle sache que rien n'allait. Son sourire trembla un instant, une façade fragile pour masquer le malaise qui grandissait en elle. À l’aéroport, elle se laissa happer par le tourbillon des voyageurs pressés et des annonces résonnant dans le hall. Mais chaque pas la rapprochant de sa porte d’embarquement alourdissait son esprit d’un doute lancinant. Devait-elle vraiment croire que le Brésil lui apporterait des réponses ? Ou n'était-elle en réalité qu'une étrangère courant après des ombres, emportée vers un inconnu aussi fascinant qu’effrayant ?

Au moment de remettre son billet, elle marqua une pause. L'angoisse gronda en elle, sourde et persistante. « Était-elle prête à affronter ce qui l'attendait là-bas ? » Une fois l'embarquement entamé, il n'y aurait plus de retour en arrière possible.

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