Chapitre 5 : Le secret du placard

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De retour à Paris, quelques jours seulement après son voyage, Pauline découvrit une lettre glissée sous sa porte. Elle reconnut aussitôt l'en-tête de l’office notarial et son cœur se serra. « Le notaire... cette affaire de l'appartement », se souvint-elle brusquement. Dans le tourbillon de son quotidien, elle avait presque oublié cette procédure.

À sa majorité, elle avait hérité du vieil appartement familial haussmannien, un héritage imposant qu'elle n’avait jamais eu le courage de revisiter. Rien que d'imaginer ses pas résonnant dans ce lieu imprégné de souvenirs, elle sentait la vieille douleur affleurer. Son cœur se serrait à l’idée des objets familiers, de l’odeur des vieux meubles et du parquet qu'elle avait arpenté enfant. Trop accablée par le poids du passé, elle avait confié la vente de l’appartement au notaire, espérant tourner cette page qui semblait figée.

Assise dans son salon, Pauline ouvrit la lettre avec un mélange de nervosité et de résignation. Ses yeux parcoururent les lignes qui lui rappelaient qu’elle devait récupérer certains effets personnels laissés sur place : des meubles, quelques bibelots, et surtout quelques cartons dans un placard. Ces cartons, elle les avait complètement oubliés. « Qu’y avait-il dans ce placard qu’elle n’avait jamais osé ouvrir ? »

Elle posa la lettre sur la table, une tension sourde se diffusant en elle. Devrait-elle vraiment y retourner ? Rien que d'imaginer pousser la porte de cet appartement abandonné la troublait. Pourtant, une curiosité inattendue pointait en elle, mêlée d'appréhension. Quels secrets ce placard pourrait-il bien renfermer ? Des souvenirs d’une époque révolue, des objets laissés là sans intention, mais qui portaient peut-être en eux des fragments de son passé, des souvenirs de ses parents…

Après un long moment de réflexion, Pauline soupira et se leva, déterminée. « Il fallait en finir, une bonne fois pour toutes. »

C’était un samedi pluvieux, le genre de journée où tout semblait enveloppé d’un voile de gris et de silence. Pauline, le souffle court, se tenait devant la porte de l’appartement de ses parents, hésitante. Elle avait évité cet endroit pendant des années, mais aujourd’hui, quelque chose l’y poussait. Elle inspira profondément, tourna la clé dans la serrure et entra.

À l’intérieur, rien n’avait changé. La fine poussière recouvrait encore les meubles, comme une couche d’oubli. Chaque détail, chaque objet, semblait figé dans le temps. « C’est comme s’ils allaient revenir d’un instant à l’autre », pensa-t-elle en s’avançant dans le couloir. Ses pas la menèrent instinctivement au bureau de ses parents. Une odeur de vieux papiers et de cuir emplit l’air lorsqu’elle ouvrit le placard, découvrant une pile de cartons altérés par l’humidité et une mallette en cuir, fermée à clé.

Le cœur battant, Pauline tira la mallette à elle et tenta de la forcer. Ses doigts glissèrent sur le métal rouillé, mais elle finit par en briser la serrure. Lorsqu’elle souleva le couvercle, une vague d’émotion la submergea : à l’intérieur, une pile de documents anciens, des notes manuscrites, des disquettes ornées d’un symbole inconnu. Ses mains tremblèrent lorsqu’elle réalisa qu’elle venait peut-être de découvrir les travaux perdus de ses parents, ces recherches dont sa tante Sophie lui avait dit qu’elles étaient détruites ou perdues à jamais.

Elle caressa un instant les pages jaunies, comme si elle touchait une relique. « Ils ont tout gardé », pensa-t-elle, entre fascination et appréhension. Pauline se ressaisit et fouilla un des cartons, ses doigts fébriles écartant d’autres dossiers jusqu’à tomber sur une feuille pliée en quatre. La plume de son père, reconnaissable entre mille, y avait laissé des mots en hâte.

Elle déplia la feuille et commença à lire, le souffle suspendu. Les mots s’imprimèrent en elle, lourds de sens : son père mentionnait une technologie capable de modifier l'ADN humain pour éradiquer des maladies héréditaires. Pauline sentit un frisson d’excitation et de peur mêlées : « Ils étaient si proches… » Mais en poursuivant, une phrase plus sombre attira son attention, et elle sentit sa gorge se serrer :

« Nos travaux ont été pris par des mains que nous ne connaissons pas, une branche clandestine du gouvernement. Ils n’ont aucune idée des conséquences de ce qu’ils manipulent… »

Ses doigts se crispèrent autour du papier. « Une branche clandestine du gouvernement ? » Elle n’osait y croire, mais les mots de son père résonnaient comme un avertissement. L’adrénaline lui monta aux tempes ; elle pensa immédiatement à la clé USB que Jeff lui avait confiée. Il fallait qu’elle compare leurs travaux à ce qu’il contenait. Mais une question brûlait en elle, troublant chaque pensée logique : « Que savaient vraiment ses parents ? »

Fixant la feuille, Pauline se sentit traversée par un mélange de terreur et de détermination. Sa gorge se serra tandis qu’elle replia soigneusement le document. « Il est temps de découvrir ce qu’ils ont laissé derrière eux. »

Pauline sentit son cœur s'emballer, chaque battement résonnant douloureusement dans sa poitrine alors qu’elle terminait la lecture des mots de son père. Elle ferma les yeux, comme pour absorber le choc, mais l’angoisse montait en elle, impossible à contenir. La pièce autour d’elle semblait figée, ses contours flous, presque irréels, comme si le temps avait brusquement cessé de s’écouler. Elle rouvrit les yeux et, luttant pour contenir sa panique, relut la note, les mains tremblantes. « Pourquoi n’ont-ils jamais rien dit ? » pensa-t-elle, la gorge serrée.

Mais chaque lecture ne faisait qu’accroître la peur qui nouait son estomac. Ses parents, ces scientifiques respectés dont elle avait toujours admiré le travail, avaient été impliqués dans quelque chose de bien plus sombre, bien plus dangereux qu’elle ne l’aurait jamais imaginé. Elle baissa lentement la lettre, ses doigts crispés sur le papier, et scruta la pièce autour d’elle comme si elle espérait y trouver une réponse.

La « branche clandestine » dont son père parlait… « Qui étaient-ils vraiment ? » murmura-t-elle pour elle-même, le souffle court. Ses pensées tourbillonnaient, chaque possibilité plus effrayante que la précédente. Elle se rappela soudain les regards pesants de ces hommes en costume sombre au restaurant de Rio de Janeiro, ceux qui surveillaient Jeff. Et si c’était eux, les agents de cette « branche » ? Travaillaient-ils pour le gouvernement ? Pour une société privée aux intentions troubles ?

Elle se redressa, soudain déterminée, comme si un déclic venait de se produire en elle. Ces inconnus avaient mis la main sur les recherches de ses parents. « Mais qu'ont-ils fait de leurs découvertes ? » Cette question la hantait, émergeant de nouveau dans son esprit. Elle sentit la colère se mêler à son angoisse ; elle n’allait pas laisser leurs travaux tomber entre de mauvaises mains sans rien faire.

Respirant profondément pour se calmer, Pauline fit quelques pas nerveux dans la pièce, cherchant instinctivement à s’éclaircir les idées. « Il doit bien y avoir quelque chose dans leurs anciens dossiers, un indice, n’importe quoi », se dit-elle en tournant les yeux vers la vieille étagère couverte de dossiers empoussiérés. Mais une autre pensée la frappa soudain, glaciale. « Et si fouiller leur passé mettait aussi sa propre vie en danger ? »

Elle hésita, la lettre toujours serrée dans sa main. Pourtant, une chose était certaine : elle devait comprendre ce que ses parents avaient découvert, même si cela impliquait de se confronter à ce réseau d’ombres qui les avait piégés.

Pauline se pencha sur la pile de documents, ses mains légèrement tremblantes. Elle essaya de les calmer en inspirant profondément, mais l'angoisse ne la quittait pas. Devant elle, les notes manuscrites de son père s'étalaient, avec des annotations serrées et des schémas complexes. Les mots lui sautaient aux yeux : « altération », « mutation ciblée », « réplication accélérée ». Elle fronça les sourcils, suivant le fil de ses découvertes, fascinée et effrayée à la fois. C'était bien plus avancé que tout ce qu'elle avait imaginé, dépassant largement le stade expérimental où elle en était dans ses propres recherches.

Elle passa la main sur l'une des pages, comme pour absorber chaque détail. « Papa... Maman… comment avez-vous pu aller si loin ? » se demanda-t-elle, presque en chuchotant. Ses parents avaient découvert une façon de manipuler l'ADN humain avec une précision qui défiait la science actuelle. Ce qu'elle tenait entre ses mains était révolutionnaire... et terriblement dangereux. Maintenant, elle comprenait mieux pourquoi ils avaient tout gardé secret, travaillant dans l'ombre, loin des regards.

Son regard se posa sur un petit lot de disquettes à côté des notes, chacune ornée d’un étrange symbole gravé à la main. Elle caressa doucement l'un des disques, sentant une boule d'appréhension se former dans son estomac. Ce symbole... un cercle barré de deux lignes en diagonale. Il ne lui disait rien, mais une sensation inquiétante lui parcourut l'échine.

« Devrais-je vraiment vérifier ce qu'elles contiennent ? » se demanda-t-elle, mordillant inconsciemment sa lèvre. Une partie d’elle brûlait d'envie de découvrir la suite, de plonger dans les secrets que ses parents avaient emportés dans leur tombe. Mais une autre partie hésitait. Elle se revit avec Jeff à Rio, l’avertissement qu’il lui avait laissé en écho dans son esprit : « Certaines vérités ne pardonnent pas. »

Pauline ferma les yeux un instant, prenant une profonde inspiration, essayant de trouver le courage d’avancer malgré sa peur. Elle savait que ce qu'elle tenait entre ses mains n’était pas seulement un héritage scientifique, mais une bombe potentielle. Elle ne pouvait pas en ignorer la portée.

« Allez », murmura-t-elle pour elle-même, rassemblant ses forces. Elle se redressa et prit une décision : comparer ces documents avec les fichiers de la clé USB que Jeff lui avait donnée. Si les informations qu’il lui avait confiées complétaient celles de ses parents, elle pourrait enfin comprendre l'ampleur de leur découverte... et peut-être, découvrir les intentions de ceux qui leur avaient volé leur travail.

Ses mains cessèrent de trembler lorsqu’elle ramassa les cartons, emportant les disquettes et les documents comme si une force nouvelle l’ancrée dans sa résolution. Elle glissa les disquettes dans son sac, un frisson d’appréhension traversant son ventre. « Plus de retour en arrière », pensa-t-elle, se demandant brièvement si elle était prête à tout découvrir.

De retour chez elle, Pauline s’enferma dans son bureau, fermant la porte d'un geste rapide, presque instinctif. C’était son espace, un sanctuaire où elle pourrait enfin explorer les secrets de ses parents. Sur le bureau, elle disposa la vieille machine capable de lire les disquettes, en sentant la tension monter tandis qu’elle installait la clé USB dans son ordinateur. Une fenêtre s'ouvrit immédiatement, révélant une série de dossiers cryptés. Pauline se mordit la lèvre en découvrant les noms énigmatiques des fichiers : « Genesis », « Chimera », « Ascendance ». Chaque titre semblait renfermer un mystère, une part d’ombre qui éveillait à la fois sa curiosité et une certaine appréhension.

Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux, consciente que chaque dossier pouvait dissimuler des secrets que ses parents avaient laissés derrière eux. « Est-ce que je veux vraiment savoir ? » La question résonna un instant en elle, mais elle la balaya d’un geste en ouvrant le premier fichier.

Dans un autre carton, elle remarqua un journal à la couverture usée et recouverte de griffures légères. Elle ouvrit le carnet, son cœur battant plus fort lorsqu'elle y reconnut l'écriture de Jeff. Ses mains tremblèrent légèrement tandis qu’elle feuilletait les pages. Les mots semblaient sauter du papier, comme autant de fragments d’avertissement. « Ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient », « Ce n’était pas censé aller aussi loin », et surtout, « Le projet Codex était une erreur. »

Pauline fronça les sourcils. « Codex ? » Elle répéta le mot à voix basse, comme pour en sonder la profondeur. Ce nom ne lui rappelait rien, ni des discussions pendant son adolescence avec ses parents, ni des quelques souvenirs de leur travail. Mais l’idée du « Codex » lui évoquait des images de danger et de chaos, comme si elle réveillait quelque chose d’ancien et d’interdit.

Elle ferma les yeux un instant, essayant de rassembler ses pensées. « Cela dépasse tout ce que je pouvais imaginer… » Ses recherches sur la thérapie génique lui paraissaient soudain bien anodines. Elle n’était plus simplement face à des données scientifiques ; elle était devant un fragment de leur passé, un projet de manipulation de l’ADN humain aux objectifs bien plus vastes et troublants que la simple guérison.

Reprenant une grande inspiration, elle inséra l’une des disquettes dans le lecteur. Le léger cliquetis de la machine la ramena à la réalité, et elle observa avec étonnement les fichiers qui apparurent sans protection particulière. Ses yeux parcouraient les noms des documents : des séquences génétiques, des calculs sophistiqués, des graphiques représentant des simulations d’altérations de l’ADN. Elle plissa les yeux en ouvrant un fichier intitulé « Protocole Codex – Phase finale ».


Les mots se déployèrent sur l’écran, et Pauline sentit sa gorge se nouer. « Ça ne peut pas être vrai… » pensa-t-elle en parcourant les lignes. Ce document décrivait une application de la thérapie de ses parents qui allait au-delà de la simple correction de maladies. Le « protocole Codex » ne visait pas seulement à corriger les anomalies génétiques : il proposait d’augmenter les capacités humaines, de rendre certains individus immunisés contre des maladies mortelles ou même de les doter de caractéristiques hors du commun — intelligence accrue, résistance physique, endurance hors norme.

Un frisson glacé lui parcourut l'échine. « Ils jouaient avec le feu, avec quelque chose qui nous dépasse tous… » Sa gorge était sèche, et elle se leva pour ouvrir la fenêtre, tentant de calmer les battements de son cœur. Le bruit de la rue lui semblait lointain, irréel. Les implications de ce qu’elle venait de lire dansaient dans son esprit, et une question surgit, implacable : « jusqu’où étaient-ils allés ? »

Mais en atteignant les derniers paragraphes du document, Pauline sentit un frisson glacé remonter le long de sa colonne vertébrale. Elle cligna des yeux, relut plusieurs fois les lignes avec incrédulité. On y parlait de tests… des tests réalisés sur des sujets humains. « Sur des êtres humains, exposés à ces modifications génétiques sans consentement ». Elle se sentit nauséeuse. D’après les informations, ces expériences avaient eu lieu dans un laboratoire caché, quelque part en Afrique du Sud.

Pauline porta brusquement sa main à sa bouche, incapable de détourner les yeux de l’écran. « Ses parents… avaient su. » Jeff lui avait expliqué qu’ils voulaient tout quitter pour un désaccord. « En étais-ce la cause ? » Il savait, tout comme elle le réalisait maintenant, que cette technologie ne devait jamais tomber entre des mains irresponsables. Mais il était sans doute déjà trop tard.

Une vague d’indignation et de chagrin l’envahit, brouillant sa vision. Elle ferma les yeux un instant, essayant de reprendre son souffle. « Et si c’était pour cela qu’ils avaient été tués ? » Elle appuya une main contre son bureau pour se stabiliser, son esprit en proie à une tempête de questions. « Avaient-ils sacrifié leur vie pour empêcher cet enfer ? Ces expériences se poursuivaient-elles encore ? » Jeff lui avait dit que leur découverte était toujours exploitée... Mais par qui ? Et qui étaient ces gens, capables de manipuler une technologie aussi puissante avec une telle cruauté ?

Pauline serra les poings, ressentant un mélange de colère et de peur. Elle se sentait prise au piège dans cette révélation terrifiante, mais elle savait qu’elle ne pouvait plus reculer. Elle inspira profondément, raffermissant sa résolution. Elle devait découvrir qui se cachait derrière Codex.

Elle hésita un instant, son regard fixé sur la clé USB qui contenait toute la vérité. Une vérité dont elle pressentait déjà la noirceur, et dont elle mesurait désormais le danger. Jeff avait raison. Certaines vérités ne pardonnent pas… mais elle ne pouvait plus s’en détourner.

Avec une détermination renouvelée, Pauline prit la clé USB et les documents, les rangeant précautionneusement dans le coffre de sécurité. Elle savait que, désormais, chaque mouvement devait être calculé, chaque mot, chaque geste mesuré. Mais elle ne se détournerait pas. La route vers la vérité serait semée d’embûches et d’ombres du passé, mais elle les affronterait, quels qu’en soient les risques.

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