Chapitre 11 : Le laboratoire du Réel

10 minutes de lecture

La découverte des manuscrits anciens avait plongé le professeur Kennywood et son équipe dans une frénésie intellectuelle. Ce n’était plus simplement une question de recherche archéologique ou historique. C’était la promesse d’une nouvelle ère pour l’humanité, une ère où les frontières de la réalité elles-mêmes pouvaient être repoussées. Après des mois de réflexion, d'analyses minutieuses et de discussions confidentielles, ils prirent une décision audacieuse : ne plus seulement d’étudier ces manuscrits, mais également tenter de recréer la "science" qu'ils décrivaient.

Sous la direction visionnaire de Kennywood, un laboratoire secret fut établi dans une région isolée d'Afrique du Sud, à l’abri des regards inquisiteurs. Cet endroit, à la fois reculé et stratégique, leur offrait la liberté nécessaire pour poursuivre leurs recherches sans être gênés par les institutions scientifiques traditionnelles. Officiellement, le laboratoire n’existait pas. Il se trouvait enfoui dans une vallée montagneuse, protégée par des kilomètres de forêts et d’immenses rochers, où seuls des oiseaux et quelques rares visiteurs osaient s’aventurer.

Les installations étaient modernes et bien équipées, grâce à des financements secrets obtenus par le professeur auprès d'une poignée de riches hauts dignitaires, dont certains étaient des personnalités politiques et des militaires peu recommandables. Leur intérêt pour ce projet suscitait des soupçons de complot, chacun d'eux cherchant à utiliser leur pouvoir et leur influence pour des fins obscures, tout en cachant habilement leurs véritables motivations. Pourtant, au-delà des équipements high-techs et des instruments de pointe, un mysticisme imprégnait chaque aspect du projet. Les manuscrits étaient omniprésents, disposés sur des tables, accrochés aux murs, leurs diagrammes projetés sur les écrans d'ordinateurs comme des équations à résoudre. Ils représentaient la base de leurs travaux, une science oubliée, mais qui semblait sur le point d’être redécouverte grâce aux avancées technologiques contemporaines.

— Ce que nous avons ici, mes amis, n'est pas une simple relique du passé, expliqua Kennywood à son équipe avec une ferveur nouvelle.

— C’est une clé. Une clé pour réécrire la structure de la réalité elle-même.

Les textes anciens décrivaient comment les sorciers d'autrefois avaient utilisé des rituels, des incantations et des symboles gravés pour manipuler le temps, l’espace et même les pensées humaines. Les chercheurs modernes, cependant, possédaient quelque chose que ces anciens ne pouvaient imaginer : la science génétique et les technologies de manipulation moléculaire. Kennywood, qui s’était toujours passionné pour la biologie et la physique théorique, voyait dans l'ADN humain une structure idéale pour interagir avec les forces mystérieuses décrites dans les manuscrits.

C’est ainsi que l’idée d’unir magie et génétique prit forme. Si les anciens sorciers modifiaient la réalité en s'appuyant sur des rituels complexes, pourquoi ne pourrait-on pas coder ces mêmes forces directement dans la matière vivante ? Le professeur voyait dans l’ADN une trame comparable à celle de la réalité : une suite de séquences qu’on pouvait, avec suffisamment de compréhension, modifier pour obtenir des résultats extraordinaires.

Aux côtés de ses collègues, les professeurs Léa et André Wullschleger, respectivement généticienne et bio-physicien, dont les avancées scientifiques et découvertes commençaient à attirer l'attention, le professeur Kennywood se concentra sur des diagrammes énigmatiques, qui semblaient renfermer des instructions codées sur la manipulation des éléments essentiels de la nature. Ces symboles géométriques complexes devinrent rapidement l'inspiration de leurs expériences génétiques. Au fil de leurs recherches, l’équipe se rapprochait dangereusement de la découverte qu’ils avaient toujours espérée – mais peut-être aussi redoutée. Ils étaient convaincus qu’en introduisant des séquences dérivées des diagrammes anciens dans l’ADN humain, ils pourraient provoquer des mutations capables d’interagir directement avec la "structure de la réalité" évoquée dans les mystérieux textes antiques. L’excitation grandissait, tout comme les risques liés à ces expérimentations à la frontière de l’éthique et de la science.

Quelques semaines plus tard, l’engouement initiale fit rapidement place à une atmosphère plus sombre et chargée de tension alors que l’équipe se plongeait dans l’étude des manuscrits anciens. Ces textes, plus mystérieux et complexes qu'ils ne l'avaient d'abord imaginé, dévoilaient des schémas et des diagrammes dont les implications allaient bien au-delà de la simple compréhension linguistique. En les analysant de plus près, Le professeur Kennywood et les autres commencèrent à entrevoir la véritable portée des découvertes. Il ne s’agissait pas seulement de textes historiques ou religieux, mais de quelque chose de beaucoup plus profond : une connaissance ancienne qui semblait suggérer que, par une manipulation subtile de certaines séquences, il serait possible d'interagir avec ce qu’ils commencèrent à nommer la "structure de la réalité". Une théorie audacieuse prit forme : en introduisant des séquences dérivées de ces diagrammes dans l’ADN humain, ils pourraient provoquer des mutations capables de résonner avec cette structure sous-jacente, ouvrant ainsi des possibilités qu’aucun d'eux n’aurait cru concevables.

Cependant, un soir, alors que l’équipe s’apprêtait à franchir un cap décisif, Léa Wullschleger, l’un des esprits les plus brillants du groupe, eut un moment de lucidité. Le poids des conséquences potentielles de ces manipulations la frappa de plein fouet. Soudain, ce qui leur avait semblé être une avancée scientifique fascinante lui apparut sous un jour beaucoup plus sombre. Était-il possible que ce qu’ils étaient sur le point de déclencher échappe à tout contrôle ?

Animée par un instinct de survie et un profond sentiment de responsabilité, Léa est inquiète et à des doutes quant à la suite des évènements.

Pourtant, dans leur laboratoire obscur, illuminé par une lueur vacillante, contre toute attente, une expérience génétique audacieuse prenait forme. L'équipe de chercheurs, avide de pouvoir et d'ambition, s'était engagée sur une voie périlleuse : la modification de l'ADN d'un humain, une victime choisie parmi les ombres de la société. Le sujet, un homme de quarante ans kidnappés, était au centre d’un rituel diabolique, où des incantations de magie noire se mêlaient aux chants scientifiques. Les murmures sinistres résonnaient dans l'air, tandis que des symboles occultes ornaient les murs, créant une atmosphère à la fois fascinante et terrifiante. Mais les effets escomptés se transformèrent rapidement en un cauchemar. Le mélange toxique de science et de sorcellerie échoua lamentablement, laissant derrière lui un être déformé, un monstre aux traits grotesques et au regard désespéré, symbole vivant de l'avidité humaine. Dans son corps torturé, on pouvait lire les conséquences d'une ambition machiavélique, une mise en garde contre les dangers de jouer avec les forces de la nature et du destin.

Suite à cette atrocité, Léa s’opposa fermement au projet, redoutant les répercussions. Son inquiétude la poussa à envisager de tout révéler, consciente que cette recherche, entre de mauvaises mains, pourrait se transformer en une menace incontrôlable. Plus ils parlaient de manipulations génétiques et d’interactions avec des forces invisibles, plus elle se rendait compte que ce projet franchissait des limites éthiques qu’elle n’était pas prête à ignorer.

Un soir, alors que l’équipe discutait fiévreusement des prochaines étapes, Léa se leva brusquement de son siège, le visage marqué par la tension et l’inquiétude. Depuis plusieurs jours, l’idée qui prenait de plus en plus d'ampleur dans les discussions lui pesait lourdement. Bien que d’un naturel pragmatique et passionné par les découvertes scientifiques, elle ne pouvait ignorer le profond malaise qui s'était installé en elle. Ce qu’ils s'apprêtaient à faire la terrifiait. Loin de l'excitation habituelle, Léa commençait à entrevoir les dangers potentiels de leurs recherches. Elle savait qu'ils marchaient sur un terrain instable, et malgré sa fascination pour les découvertes, elle ne pouvait plus taire ses doutes.

— Je refuse d’aller plus loin, déclara-t-elle d'une voix affolée mais ferme. Le silence tomba instantanément dans la pièce.

— Vous ne comprenez pas ce que vous êtes en train de faire, poursuivit-elle, Manipuler l’ADN humain pour provoquer des mutations que nous ne maîtrisons même pas ? C’est non seulement dangereux, mais c’est une folie pure.

Ses yeux, pleins de détermination, balayèrent chacun de ses collègues.

— Si vous continuez sur cette voie, je ne peux pas rester silencieuse. Je dirai tout. Je révélerai au grand jour ce que nous avons trouvé et ce que vous prévoyez de faire, au monde s’il le faut. Les conséquences pourraient être catastrophiques, pas seulement pour nous, mais pour l’humanité entière. Ressentez-vous le poids de mes mots fasse au monstre que vous avez créée ? Est-ce que vous réalisez ce qui s’est passé ? dit-elle dans un sanglot de colère

Le choc de ses paroles se répercuta sur l’équipe. Le Professeur Kennywood, habituellement sûr de lui, resta interdit un moment avant de répondre, mais Léa ne lui en laissa pas l’occasion en reprenant la parole :

— Je suis sérieuse, ajouta-t-elle, ses mains tremblotantes légèrement.

— Ce n’est plus une question de science. Nous jouons avec des forces que nous ne comprenons pas, et je ne laisserai pas ma conscience être complice de cela, reprit-elle.

La tension palpable fit battre les cœurs plus vite dans la pièce. L’ombre de son ultimatum planait désormais sur le groupe, menaçant de briser non seulement leurs recherches, mais aussi leur cohésion. Après avoir longuement pesé le pour et le contre, André Wullschleger étant resté silencieux pendant la prise de parole de sa femme, se rangea finalement de son côté. Il avait d'abord tenté de voir la situation sous un angle purement scientifique, de rationaliser les découvertes, l’essai malheureusement raté et de calmer les inquiétudes de Léa. Mais au fond, il partageait ses doutes. Les risques étaient trop grands, les implications trop obscures. Le couple avait travaillé sans relâche pour déchiffrer ces diagrammes et formuler les premières hypothèses sur le séquençage de l'ADN. Pourtant, au fur et à mesure que les discussions dans le laboratoire devenaient de plus en plus sombres, André réalisa que la science n'était plus le moteur de ce projet. L'ambition démesurée de Kennywood et l'obsession de ses théories sur la "structure de la réalité" avaient dérivé vers des territoires dangereux, et André ne pouvait plus se voiler la face. Il prit donc la décision, aux côtés de Léa, de se retirer aussi définitivement du projet.

Une tension palpable s’installa dans le groupe, Léa et André Wullschleger se trouvaient à la croisée des chemins, prête à trahir leur secret pour empêcher que l’inimaginable ne se produise. Mais une question restait en suspens : leurs collègues allaient-ils l’écouter, ou tenter de faire taire Léa, avant qu’elle ne compromette tout ?

Une réunion tendue s’en suivit, André se leva avec calme et détermination, prenant la parole pour annoncer leur départ.

— Je me range au côté de ma femme, et vous annonce officiellement que Léa et moi avons décidé de ne plus participer à cette folie, déclara-t-il d’une voix posée, mais ferme.

— Le séquençage de l’ADN, est notre découverte. Nous avons également travaillé des mois sur ces manuscrits et sur les premières théories, et si vous continuez, ce sera sans nous, ni nos découvertes et recherches.

Il croisa le regard froid du professeur Kennywood, qui resta silencieux mais dont le regard se fit plus dur.

— Nous partons avec nos travaux. Si vous souhaitez poursuivre vos expérimentations dangereuses, nous ne voulons en aucun cas en être associés.

Le silence qui suivit fut lourd de sens. Kennywood ne réagit pas immédiatement, mais derrière ses yeux calculateurs, une rage froide s'installait, menaçant d’exploser à tout instant. Léa et André, pris dans une vague d’inquiétude, se dirigèrent vers leur appartement, une pièce étouffante située au cœur même du laboratoire. Alors qu'ils faisaient leurs bagages, une angoisse sourde grandissait en eux. Ils rassemblèrent frénétiquement leurs carnets de notes, leurs disquettes et tous les relevés de leurs recherches sur l'ADN, des trésors de connaissances désormais entachés par l'ombre d'une expérience ratée. Chaque objet qu'ils mettaient dans leurs sacs semblait porter le poids de leurs erreurs, et ils craignaient que leur départ ne fasse qu'envenimer la situation. Jeff, leur ami fidèle, était resté en retrait, observant la scène avec un mélange de tristesse et de frustration, ce qui peinait profondément Léa et André. Ils quittaient le laboratoire sans se retourner, espérant ardemment que ce geste marquerait la fin de cette sombre aventure, mais au fond d'eux, une peur persistante subsistait, celle que les conséquences de leurs actes ne les laisseraient jamais vraiment partir.

Cependant, ce qu’ils ignoraient, était que Kennywood ne comptait pas laisser leur décision anéantir son rêve de gloire et de découverte. Il les voyait désormais comme des obstacles à éliminer, des menaces à son projet.

Le lendemain, alors que Léa et André se trouvaient dans un taxi les menant à l’aéroport, un silence pesant régnait entre eux, interrompu uniquement par le bruit des pneus sur la route sinueuse traversant la chaîne montagneuse du Drakensberg. Le paysage, à la fois majestueux et hostile, semblait annoncer l’inévitable. Soudain, sans avertissement, la voiture dérapa violemment. Le chauffeur lutta contre le volant, mais les freins ne répondaient plus. Panique. Terreur. La voiture glissait hors de contrôle, s’approchant dangereusement du précipice.

Ce que les enquêteurs concluraient plus tard comme un accident dû à une défaillance mécanique cachait en réalité une sombre machination. Dans l’ombre, Kennywood, impitoyable et calculateur, avait minutieusement orchestré leur fin. Il savait que Léa et André devenaient trop dangereux, trop proches de révéler au monde les véritables objectifs du projet. Leur disparition devait paraître naturelle, un simple coup du destin. Mais en coulisses, Kennywood avait engagé des hommes de main qui s’étaient assurés que la voiture ne parviendrait jamais à destination. Les freins avaient été sabotés avec une précision diabolique, les laissant à la merci des routes traîtresses de la montagne.

Leur descente vers la mort fut brutale. La voiture dévia en hurlant du bitume, franchissant la barrière de sécurité avant de plonger dans le vide. Le véhicule tourna violemment sur lui-même, avant de s'écraser avec fracas au fond du ravin. L’impact fut dévastateur, ne laissant aucune chance à ses occupants.

Les secours mirent des heures à retrouver les corps, dissimulés dans les décombres, tandis que la nouvelle de leur tragique disparition se répandait comme une onde de choc dans le monde académique. Pour la plupart, il ne s’agissait que d’un accident malencontreux. Mais ceux qui connaissaient les dessous sombres du projet savaient qu'il y avait plus que ce que les apparences laissaient croire.

Kennywood, quant à lui, joua son rôle à la perfection. Dans les jours qui suivirent, il afficha une façade de deuil, versant des larmes faussement sincères pour ses collègues disparus, allant jusqu’à contacter la famille des deux victimes afin d’adresser ses sincères condoléances à leur fille Pauline alors âgée de seulement treize ans, devenue désormais orpheline. Mais derrière son masque de tristesse, il jubilait. Léa et André, les seuls obstacles moraux à son ambition dévorante, avaient été éliminés. Il était désormais libre de poursuivre ses expériences, prêt à franchir toutes les limites pour s’emparer du pouvoir qu’il convoitait, sans aucun remords. Leur mort, aussi tragique soit-elle, n’était pour lui qu’un sacrifice nécessaire dans sa quête de domination.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sophie Ellington ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0