Après le séquençage de l'ADN découvert par les professeurs Léa et André Wullschleger – volé sans scrupule par Kennywood, ils firent un point sur les résultats des premières expériences, elles dépassèrent toutes les attentes. L’ADN modifié semblait réagir non seulement à des stimuli biologiques, mais à des forces plus anciennes, plus profondes, évoquées dans les manuscrits. Ce qui, autrefois, relevait du domaine de la mythologie prenait soudainement une forme tangible dans leur laboratoire.

Kennywood, désormais affranchi de toute limite morale, poursuivait ses objectifs avec une détermination glaciale, chaque échec se transformant en une leçon, chaque percée un pas de plus vers ce qu’il considérait comme l'acquisition d'un pouvoir illimité. Dans l'ombre de ses ambitions, Jeff Davis, biochimiste visionnaire, et Selina Rochard, spécialiste des langues anciennes et des rituels occultes, se tenaient à ses côtés en tant que fidèles alliés. Ensemble, ils partageaient une ambition aveugle, désireux d'accéder aux forces primordiales décrites dans les manuscrits anciens pour les manipuler à leur avantage.

Pourtant, une tension sourde régnait dans l'air, un frisson d'inquiétude flottant entre eux. Le Père Santiago, conscient du chemin périlleux qu'ils empruntaient, dit d’une voix tremblante qui résonnait dans la pièce, comme une dernière alerte :

— Il y a des forces que vous ne comprenez pas.

Mais Kennywood, implacable, balaya ses mots d'un geste de la main, déterminé à ne pas laisser les doutes entacher sa quête. Alors que le laboratoire s'emplissait d'un parfum d'ambition et de trahison, chacun savait que le véritable danger se cachait non seulement dans leurs découvertes, mais aussi dans l'obscurité qui les entourait, prête à dévorer ceux qui oseraient s'y aventurer.

Convaincus que les diagrammes ancestraux et les codes cachés dans l'ADN volé des Wullschleger détenaient la clé d’un pouvoir capable de transcender les lois de la nature, ils s’engagèrent dans un processus de fusion macabre entre biologie contemporaine et magie noire. Selina, avec sa maîtrise des rituels occultes, introduisit des éléments que la science seule ne pouvait expliquer. Des incantations vieilles de plusieurs siècles accompagnaient les injections d’ADN modifié, tandis que des schémas gravés dans les murs du laboratoire semblaient résonner avec les forces invisibles qu’ils cherchaient à invoquer.

L’équipe ne se contentait plus de simples manipulations génétiques : ils voulaient plier la réalité à leur volonté. Chaque expérience rapprochait Jeff, Selina et Kennywood d’une dimension qui échappait à toute compréhension rationnelle. Les cobayes, désormais prisonniers de leurs manipulations, ne servaient plus seulement d’outils scientifiques, mais d’ancrages dans le monde physique pour les forces qu’ils tentaient d’éveiller.

Mais ces forces, loin d’être dociles, commençaient à se manifester de manière imprévisible. Les premiers cobayes, soumis à des doses de plus en plus importantes d’ADN modifié et d’interventions occultes, développèrent des capacités extraordinaires, mais à quel prix. Certains d'entre eux semblaient capables de manipuler de petites distorsions dans la matière, plier des objets par la pensée, voire contrôler temporairement le cours du temps. Toutefois, ces capacités s'accompagnaient de symptômes terrifiants : des cris perçants, des pertes de contrôle soudaines, des visions d’autres dimensions dans lesquelles les règles de la physique ne semblaient plus avoir de sens.

Kennywood, Jeff et Selina et quelques techniciens observaient tout cela avec une fascination morbide. À leurs yeux, ces échecs n'étaient que des altérations, des étapes vers la perfection. Pour eux, le véritable objectif restait de comprendre comment connecter pleinement l’esprit humain aux forces primordiales qui régissaient l’univers. Ces forces, autrefois tapies dans l’ombre des rituels oubliés, semblaient prêtes à refaire surface, et l’équipe, persuadée d’être aux portes d’une nouvelle ère de domination sur la réalité, ne comptait plus reculer.

Mais, dans les profondeurs du laboratoire, quelque chose commença à se manifester. Les incantations de Selina, mêlées aux manipulations génétiques, semblaient avoir éveillé une présence. Des phénomènes inexplicables se produisaient autour des cobayes : des objets se déplaçaient seuls, des ombres apparaissaient dans les coins de la pièce, et une énergie palpable envahissait chaque recoin du laboratoire. Jeff, autrefois rationnel, devint de plus en plus obsédé par ces manifestations. Il voyait dans ces événements la preuve ultime que la fusion entre science et magie était la clé du contrôle total sur la réalité.

Pourtant, derrière cette ambition dévorante, une menace grandissait. Les forces qu’ils tentaient de contrôler semblaient résister, comme si elles refusaient d’être manipulées. À chaque expérience, l’instabilité des cobayes et des phénomènes paranormaux devenait plus difficile à gérer. Mais Kennywood, aveuglé par sa quête de pouvoir, refusa de reconnaître les signes de danger. Au lieu de cela, il accéléra le programme, plongeant davantage dans les rituels de Selina et les manipulations de Jeff, convaincu qu’ils touchaient au but.

Alors que les expériences se multipliaient et que les volontaires succombaient les uns après les autres, quelque chose d’inattendu se produisit. L’un des cobayes, après une manipulation particulièrement intense, se releva, non plus comme un être humain, mais comme un canal direct vers une force qu’ils ne comprenaient pas encore. Ses yeux, autrefois humains, reflétaient désormais un vide abyssal, un trou béant vers une réalité où les règles du monde physique ne s’appliquaient plus.

Kennywood, Jeff et Selina avaient ouvert une porte qu’ils ne pourraient plus refermer. La réalité commençait à se plier, non plus à leur volonté, mais à celle des forces anciennes, et désormais, ils n’étaient plus les maîtres du jeu. Le laboratoire, autrefois sanctuaire de la science, était devenu une prison de l'inconnu, et la trame de la réalité elle-même commençait à se défaire.

Leur quête de domination avait pris une tournure bien plus périlleuse qu’ils ne l’avaient imaginée, et désormais, la question n’était plus de savoir jusqu’où ils pourraient aller, mais s’ils pourraient encore revenir.

Mais parmi eux, un homme qui les avait pourtant déjà prévenu, voyait au-delà des ambitions scientifiques et des promesses de pouvoir. Le Père Santiago, bien que discret et en retrait la plupart du temps, n'était pas dupe de la folie qui gagnait Kennywood et ses collaborateurs. Sa longue expérience avec les textes sacrés et l’archéologie l’avait confronté à des récits d’occultisme et de magie noire, voire même dans les exorcismes qu’il avait déjà pratiqué. Il reconnaissait dans les symboles et les diagrammes qu'ils tentaient d’intégrer à la science moderne des signes alarmants, des avertissements que l’humanité ne devait jamais ignorer. Ces forces, qu’ils pensaient pouvoir contrôler, étaient d’une puissance ancienne et dévastatrice.

Un soir, Santiago, le visage grave et la voix teintée d'une profonde inquiétude, se tourna vers Kennywood et son équipe pour les mettre en garde, alors qu'ils débattaient de la prochaine étape de leurs expérimentations.

— Vous ne comprenez pas ce que vous faites, avertit-il d'une voix basse mais empreinte de certitude.

— Ces manuscrits, ces symboles, ne sont pas de simples outils à manipuler pour satisfaire votre curiosité scientifique. Ce que vous tentez de fusionner, la magie noire et la biologie, ne relève pas d’une simple expérimentation. Vous vous apprêtez à libérer des forces que vous ne pourrez jamais contrôler.

Kennywood, souriant de manière sarcastique, refusa de tenir comptes de ses propos les balayant d’un revers de la main, certain que Santiago était trop pris par ses croyances religieuses pour comprendre l'ampleur de leur découverte. Mais le prêtre n’en démordit pas.

— Je vous en conjure, arrêtez avant qu'il ne soit trop tard. Ce n’est plus qu’une question de science, c’est une question de vie ou de mort, pour vous, pour nous tous. Ces forces occultes que vous essayez de maîtriser n’obéissent à personne. Elles ont dévoré des civilisations entières. Vous êtes en train de franchir un seuil dont vous ne pourrez pas revenir.

Son avertissement résonna dans l’air lourd du laboratoire, mais la folie de Kennywood et de ses complices était trop ancrée. Ils étaient aveuglés par l’attrait du pouvoir ultime, indifférents aux conséquences. Pour eux, le Père Santiago n'était qu'un obstacle de plus, une voix moralisatrice dans un monde où la morale n'avait plus sa place. Celui-ci, conscient du chemin périlleux qu'ils empruntaient, avait choisi de rompre son silence, prétextant un appel divin pour quitter le navire avant que la tempête ne déferle.

Puis vint un nouveau sujet d'expérimentation, Jonas, un homme d’une trentaine d’année paraissant robuste, errant sans domicile fixe, ramassé discrètement sur un chemin d’un village voisin, il se tenait nu au centre d’une salle au niveau – 3 du bâtiment de recherches. Son corps avait été modifié grâce à des techniques génétiques plus complexes que les précédents essais. Les gènes humains avaient été recombinés avec des bribes que les chercheurs fous croyaient être des fragments d’ADN démoniaque. Ses yeux, autrefois d'un brun terne, scintillaient désormais d’une lueur rougeâtre. Sa peau grise de peur semblait marbrée de veines noires.

— Il est prêt, déclara Kennywood, observant la transformation de Jonas avec satisfaction.

Mais dès que l’incantation commença, quelque chose tourna mal. Le corps de Jonas, incapable de contenir les forces occultes qu’ils cherchaient à invoquer, se tordit dans une douleur inexprimable. Des cris déchirants résonnèrent dans la salle tandis que son corps se métamorphosait. Ses membres s’allongèrent de manière grotesque, des os perçant sa peau. Ses yeux se voilèrent d'une noirceur infinie. Les ombres dans la pièce commencèrent à danser et à se distordre, comme attirées par cette nouvelle abomination.

Kennywood sourit malgré l’horreur. Ils avaient réussi. Jonas était devenu un hybride : mi-homme, mi-démon. Mais il y avait encore du travail. Son esprit était trop fragile, incapable de contenir les puissances qui bouillonnaient en lui.

— Prochain sujet, ordonna Kennywood, insensible aux cris déchirants de Jonas, maintenant une créature perdue dans sa propre folie.

Les cobayes suivants présentaient des capacités extraordinaires : certains semblaient défier la gravité, d’autres développaient une perception accrue du temps ou la faculté de manipuler de petits objets par la pensée. Chaque nouvel essai révélait une facette plus étrange de ce qu’ils appelaient désormais "la science de la magie noire".

Cependant, ces découvertes ne vinrent pas sans un coût. Certains sujets commencèrent à manifester des anomalies. Quelques semaines après le début des expérimentations, l’un d’eux montra des signes de décomposition rapide. Son corps, qui semblait stable au départ, se mit à pourrir de l’intérieur, comme si les lois de la biologie traditionnelle n’avaient plus d’effet sur lui. D'autres sujets semblaient se dissoudre progressivement, devenant translucides, comme si une partie d'eux se trouvait désormais en dehors de la réalité tangible.

Malgré les signes de plus en plus inquiétants, l’équipe poursuivit ses recherches sans relâche. Les jours se succédaient dans une atmosphère de plus en plus oppressante, où chaque découverte semblait les entraîner un peu plus loin sur un chemin sans retour. Les anomalies se multipliaient autour d’eux : des machines qui s’éteignaient sans raison, des ombres fugitives aux bords de leur vision, et ces murmures indistincts qui emplissaient parfois l’air, comme si les murs eux-mêmes cherchaient à les avertir d’un danger invisible.

Kennywood, totalement obsédé par la promesse de maîtriser ces forces, ignorait ces signes, et la recommandation du Père Santiago, persuadé que ce n’étaient que des effets secondaires d’une puissance qu'il approchait enfin. Il voyait dans chaque perturbation une confirmation de son avancée, une preuve que les barrières entre le monde physique et cette "structure de la réalité" qu’il voulait manipuler s’amenuisaient. Ses yeux brillaient d’une lueur presque fiévreuse, et son sourire se faisait plus inquiétant à mesure que le projet progressait. Il ne parlait plus que de pouvoir, de transcendance, et de la façon dont il plierait ces forces à sa volonté, assurant ainsi l'aboutissement de ses expériences dans le plus grand secret.

Même Jeff et Selina, ses plus proches alliés, commençaient à sentir le poids écrasant des décisions qu'ils avaient prises. Selina, en particulier, se réveillait souvent en sueur, hantée par des cauchemars où des formes indistinctes s’échappaient des diagrammes pour l’envelopper dans une obscurité glacée. Mais Kennywood refusait de ralentir, repoussant chaque mise en garde avec un enthousiasme quasi fanatique.

Un soir, alors que la nuit était tombée depuis des heures, un silence surnaturel enveloppa le laboratoire. L’équipe, concentrée sur un nouvel artefact découvert avec les manuscrits, ne prêta pas attention à la température qui chuta brusquement, ni à la lumière vacillante des néons au-dessus de leurs têtes. Soudain, un grondement sourd résonna, comme si quelque chose, venu des profondeurs de la terre ou de l’au-delà, s’était éveillé. Les symboles projetés sur les écrans se mirent à vibrer, et les lignes sinueuses des diagrammes semblaient s’étirer, se tordre, comme si elles tentaient de se libérer des pages qui les contenaient.

Kennywood leva la tête, un sourire triomphant sur le visage, certain que le moment tant attendu était enfin arrivé.

— Nous y sommes, murmura-t-il, les yeux écarquillés d’extase. Mais avant qu’il ne puisse dire un mot de plus, un craquement retentit dans l’air, suivi d’un hurlement perçant qui déchira le silence.

Quelque chose venait de se manifester. Et à cet instant précis, tout bascula.