Chapitre 18 : Le silence mortel

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Le rêve revenait chaque nuit, toujours plus vif, toujours plus troublant. Pauline se voyait encore et encore, bébé, enveloppée dans cette étrange lumière tamisée, allongée dans un berceau, impuissante. Ses parents se tenaient au-dessus d'elle, leurs visages jeunes, mais empreints d'une détermination froide. Elle se souvenait de leurs voix basses et de la seringue que sa mère, tremblante, tenait entre ses doigts. Chaque fois qu’elle se réveillait en sursaut, le même constat s’imposait à elle : ce n'était pas un rêve, mais un souvenir, un souvenir d'un passé que ses parents avaient volontairement enfoui.

Le jour où Pauline avait pris conscience et décidé de ne pas révéler la vérité, elle savait que sa vie allait changer à jamais. Cachée derrière ses recherches et ses dissimulations, elle avait pris la décision de ne pas dévoiler que son ADN était la clé, car elle redoutait ce que cela pourrait déclencher. Elle comprenait que si cette information tombait entre de mauvaises mains, les forces surnaturelles qu'ils tentaient de contrôler pourraient être utilisées de manière irréversible, mettant en péril non seulement sa vie, mais celle de tous ceux qui l’entouraient.

Pauline se tenait là, paralysée par la révélation qui s’imposait à elle, avec une violence qu’elle n’avait jamais anticipée. Tout ce qu’elle avait cru savoir, toute sa vie, n’était qu’un écran de fumée. Ce que Kennywood et ses alliés poursuivaient avec tant d’avidité, ce qu’ils cherchaient à manipuler dans le secret des laboratoires, c’était elle. Pas simplement une chercheuse parmi d'autres, mais un élément central d’un plan bien plus vaste et sinistre.

Son ADN, façonné depuis sa naissance, était la clé. Depuis le début, ses parents avaient œuvré dans l’ombre, non pas pour la protéger, mais pour la programmer, comme une pièce essentielle dans un puzzle dont elle ignorait tout. L'idée la glaça. Était-ce pour cela qu'ils étaient morts ? Avaient-ils compris trop tard les conséquences de leur création ?

Les souvenirs de son enfance se bousculaient dans sa tête, des moments qui lui paraissaient innocents prenaient soudain une signification effrayante. Des tests médicaux répétés, toujours justifiés par des prétextes scientifiques… des conversations qu’elle surprenait entre ses parents, qu’elle avait autrefois attribuées à des disputes. Pauline comprenait maintenant que tout avait été soigneusement orchestré. Mais pourquoi ne l'avaient-ils jamais mise au courant ? Peut-être qu’eux-mêmes avaient fini par douter du monstre qu’ils contribuaient à créer.

Et maintenant, Kennywood, qui avec son masque bienveillant, ses sourires et ses paroles réconfortantes, cherchait à libérer ce potentiel en elle, mais elle n’est pas dupe, il cherche juste à l’exploiter pour des raisons qu’il gardait soigneusement dissimulées. Puis ses pensées se tournent vers Jeff. En se souvenant de la façon dont il avait toujours été si attentionné envers elle, comme s'il savait quelque chose qu’elle ignorait.

Pauline se rendait compte qu’elle ne pouvait plus faire confiance à personne. Tout autour d'elle s'effondrait, chaque visage amical se teintait de suspicion. Le pouvoir qu'elle portait en elle, enfoui jusque-là dans son propre corps, était plus dangereux qu'elle ne l'avait jamais imaginé.

Mais une question demeurait : qu'était-elle réellement ? Avait-elle des pouvoirs ? Et jusqu’où Kennywood était-il prêt à aller pour l’obliger à révéler ce qu’elle était devenue, qu’elle le veuille ou non ?

Elle s’était isolée, coupant progressivement les ponts avec ceux en qui elle pensait pouvoir avoir confiance. Elle était triste en repensant à Jeff, qui avait longtemps été son allié, et qui se montrait désormais distant. Ses messages devenant de plus en plus vagues, ses excuses de plus en plus suspectes. Pauline s rendait compte qu'il se passait quelque chose, mais elle ne pouvait pas se permettre de se tromper. Chaque erreur pouvait lui coûter la vie.

C’est alors que le premier message anonyme était arrivé. Une simple enveloppe, sans adresse de retour, glissée sous la porte de son appartement. À l’intérieur, une photo d’elle, prise récemment, lors de l’une de ses rares sorties. Ils savaient où elle était. Ils la surveillaient. Le message qui accompagnait la photo était encore plus glaçant : « Nous savons ce que tu caches. Révèle-le avant qu'il ne soit trop tard. »

À partir de ce moment-là, le silence était devenu son ennemi. Les bruits de pas dans le couloir, les voitures qui semblaient la suivre lors de ses rares sorties en extérieur, tout prenait une allure menaçante. Pauline avait essayé de se concentrer sur son travail, de poursuivre ses recherches pour découvrir ce que le projet Codex Obscura représentait réellement, mais son esprit était captif de la peur. Chaque ombre, chaque mouvement la plongeait dans l'angoisse.

Un jour, en rentrant dans ses quartiers après une journée passée dans son laboratoire, elle découvrit que la porte de son appartement était entrebâillée. Son cœur s’emballa, la sueur perlant instantanément sur son front. Elle poussa la porte, se préparant au pire. Tout à l'intérieur semblait intact, mais quelque chose n’allait pas. Des dossiers avaient été déplacés, son ordinateur, habituellement verrouillé, était allumé. Quelqu’un était entré chez elle. Ils étaient déjà là. Elle fouilla frénétiquement son bureau, cherchant à comprendre ce qu’ils avaient pris, mais rien ne semblait manquer. Pourtant, l’air était lourd, imprégné de cette présence invisible qui la poursuivait.

Les jours suivants, Pauline tenta de reprendre le contrôle, de tout dissimuler. Elle savait qu’elle ne pouvait plus compter sur personne. Benoît avait disparu, Jeff n'était plus qu'une ombre distante, et chaque membre de son équipe semblait être surveillé de près. Un matin, alors qu’elle s’apprêtait à quitter le laboratoire, elle reçut un second message, encore plus glaçant que le premier.

« 48 heures. Si tu ne révèles pas ce que nous cherchons, nous viendrons chercher ce qui nous appartient. »

Le sang de Pauline se glaça. Ils savaient. Ils savaient qu'elle était la clé, même si elle avait tout fait pour l’empêcher. Elle avait 48 heures pour décider de son sort. S’ils ne pouvaient pas l’avoir vivante, ils la prendraient morte. Elle se trouvait dans une impasse, piégée entre sa propre peur et le danger qui se rapprochait inexorablement.

Dans sa panique, elle décida de tout cacher. Les données, les notes de ses parents, les dernières découvertes sur le projet Codex Obscura, tout fut crypté et stocké sur une clé USB qu'elle garda précieusement sur elle. Mais elle savait que cela ne suffirait pas. Ils viendraient pour elle, et ce serait bientôt.

La dernière nuit des 48 heures arriva. Pauline se trouvait seule dans son appartement, plongée dans l'obscurité, guettant chaque bruit. Les volets étaient fermés, la porte verrouillée, mais elle savait que rien de tout cela ne pourrait les arrêter s’ils décidaient de venir la chercher. L’angoisse grandissait à chaque minute qui s’écoulait, chaque tic-tac de l'horloge résonnait dans la pièce comme un compte à rebours. Son téléphone vibra. Un dernier message apparut : « C'est l'heure. »

Un craquement sourd retentit alors derrière la porte de son appartement. Pauline se figea. Ils étaient là. Elle ne voyait que l’ombre sous la porte, mais le silence qui s’ensuivit était plus terrifiant encore que n'importe quel bruit. Elle saisit la clé USB qui pendait à son cou de sa main tremblante, prête à fuir, mais une voix rauque, presque trop calme, résonna de l’autre côté.

"C'est fini, Pauline. Donne-nous ce qu'on veut, ou tu ne reverras jamais l’aube."

Elle se leva doucement, son cœur battant à tout rompre. La porte commença à grincer, lentement, et une ombre se dessina à l'entrée. Pauline recula, son souffle court. Elle était seule, sans issue, face à ce choix impossible. Allait-elle leur donner la clé de son ADN, ou se battre jusqu’au bout ?

Son esprit tourbillonnait, mais une seule pensée persistait : Elle ne pouvait plus faire confiance à personne. La clé, la vérité, tout reposait sur elle. Mais jusqu’où était-elle prête à aller pour protéger ce secret ?

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