Chapitre 19 : Le chaos du Centre Quanta

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Les secondes s’étiraient comme des heures. Pauline, figée devant la porte à demi ouverte, serrait la clé USB dans sa main tremblante, s’attendant à voir son sort scellé d’un moment à l’autre. Pourtant, au lieu de la précipitation brutale qu'elle redoutait, un silence assourdissant s’installa. L'ombre menaçante à l’entrée sembla vaciller, comme hésitante, puis se retira, glissant dans l’obscurité sans laisser de trace. Pauline, le souffle coupé, resta immobile. Quelque chose d’étrange venait de se produire.

Elle sentit une présence, mais elle n’était plus celle de ses poursuivants. C’était autre chose, quelque chose d’invisible et pourtant protecteur, comme si les ombres elles-mêmes s’étaient retournées contre ceux qui cherchaient à l'anéantir. Un frisson la parcourut, mais ce n’était plus de la peur, c’était une étrange sensation de répit, comme si une force mystérieuse, tapie dans l’obscurité, avait décidé de la protéger à cet instant précis.

Sans un mot, elle rassembla ses affaires et quitta son appartement, son esprit envahi par la confusion. Elle savait qu’elle ne pouvait plus rester ici. Les rues semblaient désertes, mais elle sentait toujours ces présences tapies dans les recoins, veillant sur elle d'une manière incompréhensible. C’était comme si quelque chose de plus grand qu’elle, plus ancien que ce projet génétique, l’avait arrachée aux griffes de ses ennemis, juste à temps.

Pauline se rendit au centre Quanta, là où tout avait commencé, persuadée qu’elle y trouverait des réponses. Pourtant, lorsqu’elle arriva, le chaos qu’elle découvrit au centre dépassait tout ce qu’elle avait imaginé.

Alors que les ombres dansaient sur les murs du laboratoire, le professeur Kennywood se tenait devant son bureau, les yeux rivés sur l'écran de contrôle. Les courbes et chiffres qui défilaient étaient incompréhensibles pour quiconque, mais lui savait ce qu'ils signifiaient. Ils témoignaient de la dégradation accélérée des cobayes. Leurs cellules humaines, autrefois ordinaires, étaient en proie à des mutations imprévisibles. Mais ce n’était pas seulement la matière physique qui changeait : leur essence même semblait être corrompue par une force étrangère, quelque chose de plus ancien et de bien plus dangereux que la science ne pouvait expliquer.

La pièce était froide, glaciale même. Un frisson parcourut l’échine de Kennywood, mais ce n’était pas seulement dû à la température. Depuis quelques jours, une atmosphère lourde régnait dans le laboratoire. Les lumières clignotaient de manière irrégulière, et des murmures, impossibles à identifier, semblaient parfois résonner dans les murs. Ces phénomènes surnaturels étaient devenus de plus en plus fréquents, mais aucun des membres de l’équipe n’osait en parler. Tous savaient que quelque chose avait changé.

Le professeur se souvenait parfaitement du moment où tout avait basculé en Afrique du Sud. La dernière expérience, celle qui devait prouver une théorie révolutionnaire, celle qui avait dérapé. Ils avaient cherché à réécrire les codes de la réalité, à transcender les limites du génome humain. Mais dans leur quête de grandeur, ils avaient ignoré les avertissements enfouis dans les anciens grimoires. Ils pensaient que les malédictions n'étaient que des superstitions d’un autre temps, des récits nés de l’ignorance. Pourtant, les textes parlaient de forces invisibles, de barrières qui maintenaient l'ordre du monde intact. En brisant ces barrières, ils avaient libéré quelque chose d'inconnu.

Les premiers signes étaient subtils. Les cobayes, des volontaires anonymes ayant accepté des modifications génétiques expérimentales, avaient montré des signes de succès impressionnants au début. Des améliorations physiques et mentales que la science ne pouvait que rêver d’accomplir. Mais bientôt, les choses avaient pris une tournure alarmante. Les sujets se plaignaient de douleurs insoutenables, de visions terrifiantes. Leurs corps changeaient, devenaient méconnaissables, et leurs esprits semblaient peu à peu se dissoudre dans une folie collective.

Ce n'était pas tout. Une nuit, l’un des cobayes, un homme d’une trentaine d’années, avait littéralement disparu sous les yeux des chercheurs. Son corps s'était fragmenté dans une série de lumières vives, comme absorbé par une autre dimension. Ce phénomène fut le premier indicateur que les choses avaient pris une ampleur dépassant la science traditionnelle. Depuis, chaque nouveau cobaye semblait être moins humain, comme s’ils devenaient des passerelles, des portails pour ces puissances venues d'ailleurs.

Kennywood tourna brusquement la tête en entendant un bruit sourd derrière lui. Le bruit venait de l’une des cages où était maintenu un cobaye. Il s'approcha lentement. À l'intérieur, la forme qui se tordait sous la lumière faible n'avait plus rien d'humain. Le visage, autrefois familier, était maintenant une abomination, ses traits déformés par des excroissances organiques et une peau translucide qui pulsait sous la lumière crue des néons. Des yeux rouges, luminescents, observaient Kennywood avec une intelligence froide, inhumaine.

— Professeur… aidez-moi, murmura la créature d'une voix rauque, presque méconnaissable.

Kennywood recula. La voix semblait emplie d'une puissance ancestrale, quelque chose de trop ancien pour appartenir à ce monde. Il réalisa à cet instant que les cobayes ne pouvaient plus être considérés comme des humains. Ils étaient devenus des réceptacles pour les énergies chaotiques qu'ils avaient involontairement libérées. Mais ce n'était pas tout. Ces entités, ces forces obscures qui avaient attendu pendant des éons, enfermé dans les failles du monde, voyaient en eux une opportunité de traverser les dimensions.

Le professeur sentit une terreur qu'il n'avait jamais connue s'installer en lui. Il savait que le processus était irréversible. Chaque manipulation génétique, chaque tentative de manipulation de la trame de la réalité, ne faisait que renforcer le lien entre les cobayes et ces puissances anciennes. Bientôt, elles prendraient le contrôle total.

Des souvenirs des anciens textes lui revinrent en mémoire. Ils parlaient de failles ouvertes, de mondes où des créatures sommeillaient en attendant leur réveil. Ces récits décrivaient des êtres sans nom, des dévoreurs de mondes, que seuls des rituels anciens et interdits avaient pu contenir. Chaque mot résonnait dans son esprit comme une alarme lancinante, lui rappelant la gravité de la situation.

La pièce autour d'elle sembla se réduire à un espace clos, et un frisson glacial parcourut son échine. Pauline réalisa alors qu'elle était à un tournant décisif. Les mots qu'elle avait jadis pris pour de simples légendes prenaient une signification terrifiante. Que se passerait-il si ces créatures qu’elle avait tant redoutées se libéraient ? Que ferait Kennywood si elle ne parvenait pas à maîtriser le pouvoir qu’il voulait lui faire assumer ?

Le doute l’assaillit. Mais au fond de son cœur, une détermination sourde commençait à se forger. Elle savait qu'elle devait agir, mais comment ? Les rituels décrits dans ces textes interdits étaient dangereux, potentiellement mortels. L’idée de réveiller ces êtres oubliés lui glaçait le sang, mais l'alternative, laisser Kennywood prendre le contrôle, était tout aussi inacceptable.

Alors qu’elle réfléchissait à ses options, une voix intérieure lui chuchota une promesse : elle ne pouvait pas laisser l’héritage de ses parents, ni le destin du monde, se jouer entre les mains de quelqu'un d'autre. Il lui fallait découvrir la vérité derrière ces rituels, et peut-être même le secret de son propre pouvoir.

À cet instant, un grondement sourd résonna à l'extérieur, comme si quelque chose d’immense se réveillait sous la surface. Les lumières vacillèrent, et une ombre fugace passa devant la fenêtre, projetant un frisson de peur dans son cœur.

Que venait-elle de libérer ?

Les questions se bousculaient dans son esprit, mais une chose était claire : elle devait plonger dans les mystères de ces anciens textes, explorer les limites de son propre potentiel, et affronter les ténèbres qui menaçaient de s’abattre sur eux tous.

Le temps pressait.

Pauline inspira profondément, prête à plonger dans l'inconnu, consciente que chaque pas la rapprochait d’un destin qu’elle n’avait pas choisi, mais qui, peut-être, pourrait finalement lui appartenir.

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