Chapitre 13 : Aux Frontières de l'Interdit

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Quelques semaines plus tard, l'engouement initial fit rapidement place à une atmosphère plus sombre, chargée de tension. L'équipe s'était plongée dans l’étude des manuscrits anciens avec une assiduité presque frénétique, mais à mesure qu'ils avançaient, quelque chose d'étrange émergeait des pages jaunies.


Le professeur Kennywood, les yeux rivés sur les diagrammes, fronça les sourcils.


— Ce n’est pas ce que je pensais, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour les autres. Ces schémas… ils ne ressemblent pas à des écrits religieux ou historiques.


À sa droite, Selina, la jeune chercheuse, sursauta.


— Vous voulez dire qu’ils ne sont pas seulement des textes ? Ces diagrammes… ont une structure, une logique propre ?


Kennywood acquiesça, le visage marqué par l'inquiétude.


— C'est bien plus complexe que ça. Je pense qu'on a sous-estimé ce que ces textes pouvaient contenir. Ces motifs… ils sont comme des instructions, des cartes… peut-être même des codes.


L’atmosphère dans la pièce s’alourdit alors que chacun des chercheurs semblait se replier dans ses pensées, les regards fixés sur les diagrammes, comme si le secret qu’ils contenaient risquait de se dérober à la moindre distraction.


Jeff Davis, le plus sceptique du groupe, secoua la tête en jetant un regard dubitatif à ses collègues.


— Attendez. Vous êtes en train de dire que ces diagrammes pourraient influencer la réalité elle-même ? Manipuler… la structure de la réalité ?


Le silence s'installa, lourd de ce qu’ils venaient de suggérer. Selina prit une profonde inspiration, les yeux écarquillés.


— Mais… si c’est vrai… alors tout ce que nous pensions savoir sur l’ADN, sur la biologie, tout cela pourrait être remis en question. Vous imaginez l'ampleur ?


Kennywood se redressa, son visage pâle désormais marqué par une détermination glaciale.


— Je pense que c’est exactement ce qu’il faut imaginer. Si nous réussissons à transcrire ces séquences dans l’ADN humain, nous pourrions provoquer des mutations qui résonnent avec cette structure sous-jacente. Cela pourrait nous permettre d’interagir avec des forces que nous ne comprenons même pas encore.


Les chercheurs se dévisagèrent, la peur et l'excitation mêlées dans leurs regards. Leurs mains tremblaient à l'idée de ce qu'ils étaient en train d'effleurer, une découverte qui pourrait changer le cours de l’humanité, ou bien la plonger dans un abîme d'inconnu.


Un soir, alors que l’équipe s’apprêtait à franchir un cap décisif, Léa Wullschleger, l’un des esprits les plus brillants du groupe, eut un moment de lucidité. Le poids des conséquences potentielles de ces manipulations la frappa de plein fouet. Soudain, ce qui leur avait semblé être une avancée scientifique fascinante lui apparut sous un jour beaucoup plus sombre. Était-il possible que ce qu’ils étaient sur le point de déclencher échappe à tout contrôle ?


Animée par un instinct de survie et un profond sentiment de responsabilité, Léa fut inquiète et eut des doutes quant à la suite des évènements.


Dans leur laboratoire obscur, où une lueur vacillante baignait l'espace, l'expérience génétique audacieuse prit forme contre toute attente. Selina, le visage tendu par l'excitation et l'inquiétude, jeta un dernier regard sur la machine.


— Tout est prêt, murmura-t-elle à Jeff, son collègue, qui observait le sujet d'un air distant. Ils avaient franchi une ligne invisible, une frontière qu'ils ne pouvaient plus revenir en arrière. Leurs regards se croisèrent, une lueur d'ambition et de peur se mêlant dans leurs yeux.


L'homme, Kwame, un quinquagénaire, était nu et attaché sur une sorte d'autel, son corps frêle et vulnérable suspendu dans un équilibre précaire. La perfusion qui l'alimentait semblait presque trop fragile pour maintenir son existence. Jeff s'approcha de lui, les mains tremblantes. Il frôla l'épaule du sujet, puis recula comme si un courant électrique l’avait traversé.


— Ce n’est pas trop tard… n'est-ce pas ? demanda-t-il d'une voix basse, presque en suppliant.


— Il n'y a pas de retour, Jeff, répondit Léa d'une voix ferme, une détermination nouvelle dans ses mots, sous l’influence du professeur Kennywood. Nous avons choisi cette voie, et il faut maintenant aller jusqu'au bout.


Elle se tourna vers la table où des symboles occultes étaient tracés sur des parchemins, leurs bords déjà jaunis. Des incantations de magie noire se mêlaient aux formules scientifiques, une fusion étrange entre l’ancienne et la nouvelle époque, une danse macabre entre le surnaturel et la science.


Leurs murmures s’entrelacèrent, et un silence lourd tomba sur la pièce. À travers la brume de leurs pensées, une sensation de danger grandissait, mais leur ambition l’emportait sur la peur.


Alors que les premiers éclats du rituel résonnaient, une étrange chaleur envahit l’air, un frisson parcourant la peau de tous. Kwame se raidit sur l'autel, son corps réagissant à l'activation des forces qu'ils avaient déchaînées. Les formules magiques, écrites en latin ancien, se mélangeaient avec des termes scientifiques complexes qui flottaient dans l'air comme des échos. L’atmosphère était saturée d’une énergie sombre, étrange, presque palpable.


Mais soudain, le chaos éclata. Le sol trembla sous leurs pieds, et un cri déchirant s’échappa de la gorge de Kwame, un cri qui n’aurait jamais dû exister. Léa et Jeff reculèrent d’un bond, horrifiés, tout comme une partie de l’équipe restés en retrait, mais qui ne perdait aucun détail de cette atrocité. Les instruments, autrefois maîtrisés, se mirent à vibrer frénétiquement, comme possédés par une force qui leur échappait. Un éclair d'énergie noire jaillit du corps du sujet, illuminant la pièce de lumière toxique. Lorsque tout s’éteignit enfin, le silence régnait, lourd et oppressant.


Devant eux, Kwame n'était plus l'homme qu'ils avaient kidnappé. Son corps était déformé, son visage grotesque et marqué par une souffrance inhumaine. Ses yeux, autrefois remplit de terreur, étaient maintenant un abîme sans fin, juste des fenêtres de l’âme fixant les deux chercheurs avec une expression de désespoir pur. Un monstre, à la fois humain et quelque chose d'autre, résultat de leur folie.


Jeff s'effondra, tétanisé, tandis que Léa restait là, figée. Ils avaient voulu jouer avec les forces de la nature et du destin, mais ce qu’ils avaient obtenu n’était rien de moins qu’un avertissement brutal. Une créature née de l'ambition la plus noire, incarnant les conséquences de leur propre folie.


Suite à cette atrocité, Léa s’opposa fermement au projet, redoutant les répercussions. Son inquiétude la poussa à envisager de tout révéler, consciente que cette recherche, entre de mauvaises mains, pourrait se transformer en une menace incontrôlable. Plus ils parlaient de manipulations génétiques et d’interactions avec des forces invisibles, plus elle se rendait compte que ce projet franchissait des limites éthiques qu’elle n’était pas prête à ignorer.


Un soir, alors que l’équipe, sans Kennywood, discutait fiévreusement des prochaines étapes, Léa se leva brusquement de son siège, le visage marqué par la tension et l’inquiétude. Depuis plusieurs jours, l’idée qui prenait de plus en plus d'ampleur dans les discussions lui pesait lourdement. Bien que d’un naturel pragmatique et fasciné par les découvertes scientifiques, elle ne pouvait ignorer le profond malaise qui s'était installé en elle. Ce qu’ils avaient tenté et s'apprêtaient à continuer la terrifiait. Loin de l'excitation habituelle, Léa commençait à entrevoir les dangers potentiels de leurs recherches. Elle savait qu'ils marchaient sur un terrain inconnu, et malgré sa fascination pour les découvertes, elle ne pouvait plus taire ses doutes, elle prit alors ses collègues a partie.


— Je refuse d’aller plus loin, déclara-t-elle d'une voix affolée mais ferme. Le silence tomba instantanément dans la pièce.


— Vous ne comprenez pas ce que vous êtes en train de faire, poursuivit-elle, Manipuler l’ADN humain pour provoquer des mutations que nous ne maîtrisons même pas ? C’est non seulement dangereux, mais c’est une folie pure.


Ses yeux, pleins de détermination, balayèrent chacun de ses collègues.


— Si vous continuez sur cette voie, je ne peux pas rester silencieuse. Je dirai tout. Je révélerai au grand jour ce que nous avons trouvé et ce que vous prévoyez de faire, au monde s’il le faut. Les conséquences de ces expériences pourraient être catastrophiques, pas seulement pour nous, mais pour l’humanité entière. Ressentez-vous le poids de mes mots fasse au monstre que vous avez créé ? Est-ce que vous réalisez vraiment ce qu’il s’est passé ? retenant à peine un sanglot de colère.


Le choc de ses paroles résonna à travers l’équipe, qui échangea des murmures emplis d’effroi.


— Je suis sérieuse, ajouta-t-elle, ses mains tremblotantes légèrement, et reprit de plus belle. Ce n’est plus une question de science. Nous jouons avec des forces que nous ne comprenons pas, qui nous dépasse et je ne laisserai pas ma conscience être complice de cela.


La tension dans la pièce était palpable. Les regards fuyants et les respirations plus rapides trahissaient l’agitation qui secouait chacun des membres du groupe. Léa, serrant les poings, fixa André. L’ombre de l'ultimatum de Kennywood planait au-dessus d'eux, menaçant non seulement de briser leurs recherches, mais aussi l’équilibre fragile qui les unissait.


— Tu n’es pas sérieux ? murmura Léa, les lèvres tremblantes, brisant enfin le silence. On ne peut pas continuer comme ça ! Pense à notre fille, pense à Pauline.


André ne répondit pas immédiatement, le regard fixé sur le sol, son esprit en proie à un tourbillon de doutes. Il savait que sa décision n'était pas simple, que chaque option comportait des risques. Mais en la voyant si déterminée, il sentit une vague de réconfort. C’était peut-être cela, leur force : leur unité. Il tourna lentement la tête vers elle.


— Je sais, Léa... Je sais... Mais il faut peser chaque aspect. Sa voix était faible, presque inaudible.


Il se leva, se dirigeant vers la fenêtre pour échapper à l'intensité du moment. Le froid du verre contre ses paumes lui apporta un semblant de clarté. La situation n’était plus seulement une question de science, de faits concrets. C'était devenu une question de principes. Une question de ce qu'ils étaient prêts à risquer pour des théories fumeuses sur la « structure de la réalité ». André ferma les yeux, se rappelant les premières étapes de ce projet. Chaque nuit sans sommeil, chaque tentative pour comprendre ces diagrammes incomplets, chaque échec… Leurs hypothèses avaient l’air si prometteuses au début. Mais aujourd’hui, la réalité était tout autre.


— Kennywood ne se soucie plus de la vérité. Il veut tout, maintenant. André se tourna vers l’équipe, puis d’un ton ferme. Je me range du côté de ma femme, désolé, mais je ne peux plus suivre cette voie.


Léa s’avança, posant une main sur son bras. Elle n’avait pas besoin de dire plus. Ils se comprenaient. Ils avaient travaillé ensemble sans relâche, mais la science n’était plus ce qui les guidait ici. Les idées de Kennywood avaient pris une tournure dangereuse, et il était temps d’en sortir. Ensemble.


— On se retire. C’est la seule solution, conclut Léa, le regard fixe, résolue.


André hocha la tête. Il savait que sa décision n’avait rien d’anodin. Mais il n’était plus seul dans cette décision. Ils étaient une équipe, comme au début. Et cette fois, ils s’en allaient ensemble.


Un silence lourd enveloppa le groupe, pesant comme un orage prêt à éclater. Léa jeta un regard furtif autour d'elle, cherchant un signe de soutien, un éclat de compréhension dans les yeux de ses collègues. Mais tout ce qu’elle trouva fut une série de visages fermés, des regards méfiants, presque menaçants.


André lui serra brièvement la main, mais elle sentait son propre doute, sa propre peur, se mêler à la sienne. Tout autour, l’air semblait chargé d’électricité, et chaque seconde de silence ne faisait qu’alourdir le poids de la décision qui les attendait.


— Tu es sûre de vouloir aller jusqu’au bout ? murmura-t-il, sa voix à peine un souffle.


Léa hésita, sentant son cœur battre plus fort, sa respiration se faire plus courte. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais une ombre bougea soudain à l'entrée du laboratoire. Tous les regards se tournèrent tandis que l’éclat d’une lampe vacillante projetait des ombres inquiétantes sur les murs. Sans un bruit, Kennywood fit irruption dans la pièce, un sourire cruel étirant ses lèvres. Ses yeux sombres parcouraient chaque visage avec une intensité à glacer le sang.


— Léa, André… on dirait que vous avez quelque chose d'urgent à nous dire. Sa voix, étrangement douce, résonnait avec une fausse cordialité qui figea le sang de Léa. Alors, qu’attendez-vous ?


Le silence s’étira, terrifiant, suspendu comme la dernière inspiration avant la chute. Léa sentit ses mains devenir moites, et un frisson lui parcourut l’échine. Elle se rendit compte que tout le monde retenait son souffle, que chaque mouvement était scruté, analysé.


Mais quelque chose, dans le regard de Kennywood, lui dit qu'il ne leur laisserait pas la moindre chance de fuir, pas une seule possibilité de briser le secret sans en payer le prix.


Et à cet instant, Léa sut que leur avenir, ainsi que celui de tous ceux qui se trouvaient là, venait de basculer.

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