Chapitre 14 : Sur le Fil du Destin
Une réunion tendue s’ensuivit, André se leva avec calme et détermination, prenant la parole pour annoncer leur départ.
— Comme expliqué précédemment au reste de l’équipe, je me range au côté de ma femme, et vous annonce officiellement que Léa et moi avons décidé de ne plus participer à cette folie, déclara-t-il d’une voix posée, mais ferme.
— Le séquençage de l’ADN, est notre découverte. Nous avons également travaillé des mois sur ces manuscrits et sur les premières théories, et si vous décidez de continuer, ce sera sans nous, nos découvertes et nos recherches.
Il croisa le regard froid du professeur Kennywood, qui resta silencieux mais dont ses trais se firent plus dur.
— Nous partons avec nos travaux. Si vous souhaitez poursuivre vos expérimentations dangereuses, Nous refusons catégoriquement d'être mêlés à ces abominations.
Le silence qui s’instaura était lourd de sens. Kennywood garda un moment de calme, ses yeux noirs et froids scrutant les autres. Derrière son expression impassible, une rage se construisait lentement, prête à éclater. Kennywood n'avait pas besoin de parler, son silence en disait long, et tout le monde le sentait.
Léa se détourna la première, perdue dans ses pensées, l’esprit envahi par une angoisse grandissante. Elle chuchota à André, les mains tremblantes.
— Il faut qu'on parte. Maintenant.
André hocha la tête sans dire un mot, et tous deux se dirigèrent précipitamment vers leur quartier, une petite pièce exiguë et étouffante à l’arrière du laboratoire. Les murs semblaient se resserrer autour d'eux. Tandis qu'ils entraient, Léa laissa tomber son sac sur le lit avec une violence contenue, et André commença à fouiller dans leurs affaires.
— Tu penses qu’on pourra tout emporter ? murmura-t-elle, d’une voix brisée.
— Je ne sais pas, répondit-il en ramassant des carnets de notes éparpillés sur le bureau. Mais on n’a pas le choix.
Ils agissaient avec une frénésie presque désespérée, chaque geste précipité. Des disquettes, des graphiques, des relevés… ils empilaient leurs découvertes dans les sacs comme s'ils tentaient de fuir une menace invisible. À chaque objet qu'ils prenaient, un poids semblait s’ajouter, celui de leurs erreurs et des conséquences qu’ils redoutaient. « On pourrait tout effacer, recommencer ailleurs, mais… ça ne nous laissera jamais en paix », pensa Léa, sans oser le dire à haute voix.
Dans le couloir, la porte étant restée entrouverte, Jeff les observait en silence, appuyé contre le mur. Il ne voulait pas ajouter de tensions inutiles, mais son regard trahissait un mélange de tristesse et de frustration. Quand il croisa les yeux de Léa et André, il remarqua la froideur dans leur expression. Ils l’avaient toujours pris pour un témoin indifférent, mais ce silence qu'ils interprétaient comme du mépris lui déchirait le cœur.
— Jeff..., Léa le dévisageait, mais ses prunelles s'éloignaient. Tu viens ?
Il secoua la tête, incapable de répondre.
— Non, je reste. Vous avez raison de partir, mais je dois terminer ce que j'ai commencé.
Ils se figèrent un instant, puis Léa et André échangèrent un échange silencieux, plus lourd de sens que mille mots. Un dernier soupir avant que le quotidien ne reprenne ses droits.
Le lendemain matin, ils se levèrent tôt, dans l'espoir que leur départ marquerait la fin de cette histoire sombre, mais au fond d’eux, une peur persistante les rongeait. Ils savaient qu’ils ne quitteraient jamais vraiment cet endroit. Non, pas tant que les ombres de leurs créations, de leurs erreurs, seraient là, à les hanter, imprégnées dans leurs cerveaux et dans leurs vies.
Cependant, ce qu'ils ignoraient, c'était que Kennywood ne permettrait pas à leur décision de détruire son rêve de gloire et de découverte. Il les voyait désormais comme des obstacles à abattre, des menaces qu'il fallait éliminer avant qu'ils ne puissent fuir et tout dévoiler.
Le couple Wullschleger appela un taxi dans le village africain isolé le plus proche, espérant rejoindre rapidement l'aéroport régional. Ils étaient loin de se douter que Kennywood, informé de leur départ imminent, avait déjà préparé un plan pour les empêcher de quitter le pays.
Sous prétexte d'une inspection de routine, leur départ fut retardé d'un jour. Ce délai, soigneusement orchestré, leur coûterait cher. Un mécanicien local, corrompu par un agent de Kennywood, se présenta discrètement pour "réviser" le taxi. Sans éveiller de soupçons, il prit soin de saboter les freins du véhicule. Le chauffeur, quant à lui, n'avait aucune idée de ce qui se préparait. Il pensait simplement qu’il s’agissait d’une vérification de routine, une simple mesure de sécurité avant de prendre la route.
Le soleil couchant jetait des ombres longues sur la piste poussiéreuse du village, mais l'ombre la plus menaçante était invisible. Elle se glissait dans les rouages du destin, implacable et silencieuse.
Le surlendemain, alors que Léa et André montèrent dans le taxi, ils échangèrent un dernier regard avec leurs collègues. La tristesse voilait leurs sourires, mais une lueur d’inquiétude se glissait derrière leurs yeux fatigués. Le chauffeur, silencieux, lança la voiture sur la route sinueuse du Drakensberg. Autour d’eux, les montagnes s’élevaient comme des géants silencieux, menaçants sous la lumière déclinante. Aucun d’eux ne devinait que ce voyage pourrait être leur dernier.
Le taxi s’engagea sur une pente raide, chaque virage serré les rapprochant davantage du vide. Le silence dans l'habitacle était devenu étouffant, une tension palpable s’infiltrant dans les moindres recoins de la voiture. Soudain, le véhicule frémit, un grincement inquiétant montait des freins. Léa et André échangèrent un regard, leur cœur battant à l’unisson.
Puis, sans avertissement, la voiture se mit à déraper violemment.
Le chauffeur se crispa sur le volant, tentant de redresser la trajectoire, mais le véhicule glissait, incontrôlable. André saisit instinctivement la main de Léa, leur dernière pensée fut pour leur fille Pauline. Le paysage autour d’eux bascula tandis que le taxi filait vers le bord de la route, luttant en vain contre le poids implacable de la gravité.
Une fraction de seconde de silence. Puis, une chute brutale.
Le véhicule percuta la paroi rocheuse, rebondit, et bascula enfin dans le vide. Les ténèbres les engloutirent, et un hurlement strident perça le silence des montagnes.
À l’aube, les secouristes retrouvèrent un tas de débris calcinés, méconnaissable, au fond du ravin.
On parla d’un accident, de freins défaillants.
Mais quelque part, dans l’ombre, une silhouette invisible levait un verre en guise de célébration, savourant la disparition de ceux qui s’étaient approchés trop près de la vérité.
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