Après une nuit et une journée pleines de réflexion, Arwenne annonça son départ imminent à sa mère.

— Je veux explorer de plus lointaines contrées. Ma décision est prise. Si je reste ici, je n'aurai jamais de réponses à mes questions. Je le ressens au fond de moi, et la lune m'a donné la force nécessaire pour prendre cette décision. Maman, dis-moi que tu es d'accord...s'il te plaît, je ne veux pas te blesser.

— La lune ! Tu t'acoquines avec elle depuis petite ! Lorsque tu lui parles, tu as toujours des idées farfelues ! commença Luna, un peu hautaine. Voyons Arwenne, c'est bien trop dangereux ! Tu ne dois jamais trop t'éloigner de mon nid tant que tu n'es pas prête !

La mésange faisait de petits bonds en tout sens, stressée, l'air autoritaire, ses petites plumes s'ébouriffant sous la brise. Lorsqu'elle posa enfin les yeux sur sa fille, son regard s'adoucit, son amour prenant le dessus.

— Tu le sais, c'est dangereux, tu ne peux pas quitter le nid sur un coup de tête.

- Mais je ne suis pas un oiseau, maman... Nous le savons bien toutes les deux. Je dois trouver qui je suis...ce que je suis !

— Si ! Moi je sais qui tu es ! Tu es comme nous ! J'ai veillé sur toi tant d'années, Arwenne ! Tu ne peux pas me quitter ainsi. Me laisser en proie à l’inquiétude tout le long de ton voyage. Tu es ma fille... adoptive, certes, mais ma fille malgré tout et si précieuse à mes yeux ! s'emporta de nouveau le bel oiseau.

— Tes vrais enfants ont tous pris leur envol ! Tous sauf moi ! rétorqua la fée, bras croisés, le visage renfrogné.

Luna lui tourna le dos, voulant cacher les larmes qui menaçaient de couler face à cette dure vérité.

Elle eut besoin de quelques secondes pour se resaisir. La brise lui soufflait le souvenir de cette sensation de liberté qu'elle-même chérissait tant.

Mais ce besoin battait aussi dans les veines de sa fille, elle le savait. Paradoxalement, elles se ressemblaient tant...

— C'est vrai...commença Luna. Tu as raison. Je ne dois pas me montrer égoïste...Mais tes ailes sont plus fragiles que les nôtres ! Tu es tellement petite... j'ai peur, ma tendre enfant, que le vent t'emporte ! Que la pluie te noie ! Qu’un oiseau te prenne pour un papillon et te dévore...

— Je n'ai peur de rien ni de personne ! répliqua Arwenne, en bombant le torse. Je braverai le vent, la pluie et tous les animaux de la forêt s'il le faut, je t'en fais la promesse.

En s’approchant de Luna, elle ajouta d’une voix calme qui se voulait réconfortante.

— Fais-moi confiance, s’il te plaît…j'en ai besoin. Je suis heureuse avec toi, mais je ne me sens pas complète…J’ai besoin de savoir qui je suis.

— Je connais ta bravoure ma douce, je ne peux t’empêcher d'accomplir ce chemin...Promets-moi de ne pas m'oublier, c’est tout. N’oublie jamais que, quelque part, ta mère pense à toi et espère ton retour avant l'hiver prochain.

À ces mots, la petit fée au coeur si doux se réfugia tendrement sous les ailes de Luna, enfouissant son petit visage dans ses plumes jaunes et bleues. Dans cette étreinte, elle lui chuchota alors dans un souffle, le corps vibrant sous l’émotion :

— Je te promets, maman, de penser à toi chaque jour et de revenir ! Oh oui, je te le promets... Je te promets aussi que lorsque mon voyage sera fini, je reviendrai ici, avant le prochain hiver pour de nouveau te prendre dans mes bras. Je te ferai alors le plus gros câlin que tu auras jamais reçu de ta vie !

— Je t'aime tant, lui répondit simplement sa mère.

— Moi aussi...plus que la lune et le soleil…

— Et plus que toutes les étoiles dans le ciel, ajouta Luna, souriant tendrement dans le cou d’Arwenne.

Elles restèrent ainsi de longues minutes dans cette étreinte, chacune profitant de l'odeur et de la chaleur de l'autre.

Le cœur lourd, Arwenne se sépara de sa mère adoptive et s’en retourna à sa petite cabane feuillue afin de terminer la préparation de son voyage.