Chapitre 7 - Les abeilles

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Arwenne volait bien haut sous les rayons du soleil, dans un sublime ciel sans nuages.

D'ici, elle pouvait contempler la beauté de la contrée. La forêt de Silah lui paraissait encore plus belle et les montagnes qui l'entouraient plus immenses encore qu'elle ne l'aurait cru. Elle ne pouvait s'empêcher de s'émerveiller, à chaque instant, par la création de Terre-Mère.

La fée voltigeuse tournoyait dans le ciel, les bras largement écartés, profitant du vent mélangé à la chaleur du soleil. Un moineau se joignit à elle et, dans ce qui ressemblait à une danse, ils époustouflaient les autres volatiles par leur grâce et leur dextérité. Ensuite, comme bouquet final, ils plongèrent en chute libre, tête en avant, dans une course amicale qui prit fin à la cime d'un hêtre devenu juge de leurs prouesses.

— Tu es agile, le moineau !

— Je suis le plus rapide de mon nid ! On se refait une course ?

— Si tu...

Tout à coup, au loin, les arbres se mirent à bouger, ce qui lui coupa la parole. Furtivement, Arwenne entre-aperçut le loup qui courait à vive allure. Il ne fallut que quelques secondes, pour que la fée le perde de vue tant il était rapide.

- Je dois y aller ! C'était un plaisir ! lança Arwenne au moineau, un peu déçu. Tu es un champion !

Elle plongea vers le sol, fendant l'air à toute allure, sous les yeux étonnés de l'oiseau qui comprit qu'elle l'avait laissé gagner.

Une fois à terre, au milieu des sapins et des bouleaux, elle se mit à la recherche d’empreintes laissées par l'animal non identifié. Plusieurs y étaient visibles, mais elles appartenaient à plusieurs espèces. Elle prit la décision de procéder par élimination.

"Traces de pattes de lapin."

Si jamais elle avait la joie de le croiser, elle adorerait tailler la bavette avec lui. Les lapins sont pourvus d'un sens de l'humour sans pareil, mais ils sont aussi toujours si pressés ! Arwenne avait toujours pensé qu'ils étaient les créateurs du temps, tant ils couraient après.

"Traces de pattes de pie."

Par contre, celle-là, elle n'espérait pas la croiser ! Elle avait eu quelques conflits avec ces petites voleuses, qui avaient essayés de la becqueter à cause du reflet de ses ailes ! De plus, elles avaient aussi volés le joli attrape-rêve en diamant qu'Aurore avait construit pour elle, afin de calmer ses cauchemars.

— Mais où sont passées tes empreintes ! Je t'ai vu ! Entendu !

Notre petite fée rentra plus profondément dans la forêt, suivant son instinct.

Elle posa sa main sur les traces qu'elle trouva presque aussitôt.

"Traces de pattes de sanglier, mais aussi de raton-laveur."

Celui-ci allant à gauche, le sanglier à droite.

Il était encore tôt et les traces du sanglier étaient toujours fraîches. Elle choisit donc de partir à sa recherche en premier.

Les empreintes débouchèrent à l'orée d'une magnifique clairière baignée de soleil. Les fleurs naissantes y étaient nombreuses, mais les abeilles aussi. Celles-ci, bien qu'elles fussent des êtres pacifiques, se montraient tout de même méfiantes face aux inconnus.

Arwenne était parvenue à se lier d'amitié avec celles qui habitaient quelques branches plus bas dans son sapin, donc elle connaissait certaines de leurs lois. Les abeilles pouvaient se montrer féroces lorsqu’elles pensaient qu’un potentiel ennemi se trouvait près de leur ruche et notre petite fée ne savait que trop bien que, si jamais elle se faisait capturer, elle serait emprisonnée et jugée.

Elle remarqua alors qu’à quelques pas seulement se trouvaient de grandes marguerites d’un jaune éclatant. Une idée lui vint.

En marchant très lentement, Arwenne se dirigea vers celles-ci, et arracha les pétales de l’une-d’elles. Armée de son fil robuste, elle entreprit d’assembler quatre pétales entre eux pour se confectionner une robe qu’elle enfila aussitôt. Ensuite, d'un geste vif, elle se saisit d'une brindille d'herbe à sa portée et ceintura sa création à la hanche. Elle espérait que le jaune de la marguerite lui permette de passer inaperçue.

Lentement, elle déploya ses grandes ailes et les fit vrombir au même rythme que celles des abeilles. Elle prit son envol dans l’espoir de traverser la clairière sans encombre. Mais l’espoir fut bien évidemment de courte durée, à peine eut-elle fait dix mètres que déjà elle se faisait interpeller.

— Qui es-tu toi ? Je ne te connais pas, et ton odeur ne m'est pas familière ! s'écria, d'une voix claironnante, une abeille gardienne munie d'un casque. D'où viens-tu ? Qui est ta reine ?

Arwenne, maligne, prit quelques instants pour réfléchir avant de répondre, cherchant une ruse.

— Toi qui es-tu ? Je ne t'ai jamais vu, non plus ! lui répondit-elle d’une voix assurée.

L'abeille abasourdie ne réagit pas tout de suite. Elle lorgnait, muette, notre maligne petite fée.

— Qui es-tu ? demanda de nouveau Arwenne.

— Mais je suis la gardienne de cette clairière, moi ! s’exclama enfin l’abeille, vexée, le visage profondément indigné.

— Et si c’était vrai, pourquoi n'ai-je jamais entendu parler de toi ? l’accusa-t-elle.

— Quoi ?! Mais ici tout le monde me connaît ! Je suis la gardienne de cette clairière. Je te le répète !

— Comment j’ose te demander qui tu es ! Quel culot ! Et toi comment oses-tu me demander qui je suis ? lança-t-elle, la piquant une nouvelle fois au vif pour gagner du temps.

— MAIS...mais...c'est mon travail !

Ses petits yeux allaient en tous sens, tant elle essayait de trouver un sens au discours de notre fée.

— Moi aussi, je ne fais que mon travail.

Elle se massa les sourcils, feintant l'agacement.

— Comment tu t'appelles ? finit par demander la gardienne, d’un ton inquisiteur.

- Arwenne. Je suis une abeille solitaire. Comme je t’ai dit, je fais moi aussi mon travail. Sauf que moi, je travaille pour moi-même !

— CE N’EST PAS POSSIBLE ! Une abeille ne peut pas être solitaire. Tu as besoin d'un essaim pour vivre et d’une reine à vénérer ! s’outragea l’insecte.

— C'est ce que je pensais aussi, mais au final, non. Je vis là-bas, non loin, près de la rivière magique !

— La rivière magique ? De quoi me parles-tu ? s’enquit la gardienne, curieuse.

Continuant sa mascarade, Arwenne fit un signe de tête et pointa son doigt vers la gauche.

— Là-bas ! Il s'y trouve des fleurs plus belles que toutes celles que tu as pu voir un jour ! Leur nectar est si délicieux que tu es repue pour une semaine, en un seul repas. Et toi, comment t'appelles-tu ?

— Rose.

— Écoute-moi, Rose. Pourquoi ne vas-tu pas juste jeter un coup d’œil, si tu ne me crois pas ?

— Je ne peux pas quitter mon poste ! La reine a confiance en moi !

— Je te remplace, si tu veux.

Rose, silencieuse, fixait un instant la direction que Arwenne lui avait montrée, d’un air songeur.

— Imagine si tu ramenais de ce nectar à la reine ! Comme elle serait honorée !

Les ailes de l'abeille se mirent à frémir encore plus vite à cette idée. Ce qui n'échappa pas à notre intelligente fée. Sentant la victoire, elle sourit largement. Les abeilles ne vivent que pour le bonheur et le bien-être de leur reine. Elle savait qu'elle venait de toucher la corde sensible.

— Bon...je vais aller jeter un œil, vite fait...mais tu viens avec moi ! imposa Rose, ce qui prit Arwenne au dépourvu.

Heureusement, peu de temps lui fallut pour se ressaisir.

— Ah non ! fit-elle mine de s'emporter.

— Et pourquoi donc ? s’enquit la gardienne, de nouveau suspicieuse.

— Suis-je ta prisonnière ? Ai-je fait quelque chose de mal ? répondit-elle avec le regard plein de défis.

— Non...non, tu n'es pas ma prisonnière, c’est vrai...

— Alors laisse-moi donc. J’ai déjà perdu beaucoup de temps ! Si tu veux je ramènerai moi-même du nectar à ta reine, elle sera ravie ! la piqua au vif Arwenne.

— Pour qu'elle t'aime !? MA REINE ! C'est ma reine ! Je vais lui en chercher moi- même ! s’énerva l'abeille, faisant frémir ses ailes encore une fois.

— Comme tu veux... va donc alors, lui lâcha Arwenne en haussant les épaules, feintant de retourner sur la marguerite qui se trouvait à ses pieds. Ne t’inquiète pas. Je ne viens pas pour le nectar de tes fleurs, je n’en manque pas. Je viens pour récolter des pétales de marguerites car je les aime beaucoup. Il n’y en a pas dans la forêt magique...

Arwenne se posa alors sur la marguerite et en découpa un pétale. Elle laissa quelques instants passer et se retourna enfin pour s’apercevoir que Rose ne se trouvait plus derrière elle. La cherchant des yeux, elle la vit prendre la direction de la forêt.

Le rouge lui monta aux joues, tant elle était fière d’elle, quoiqu’un peu honteuse de s’être jouée de la gardienne.

Elle se promettait qu’à son retour, elle lui apporterait un nectar si exquis qu’elle lui pardonnerait cette supercherie.

Luna lui avait expliqué un jour que la passion était capable de tout, surtout de déraison. Ses amies, les abeilles de sa contrée, lui avaient raconté à quel point elles vouaient une passion sans faille à leur reine. Qu'elles ne vivaient que pour la rendre heureuse.

Leçon apprise et appliquée. Petite fée Arwenne, passa devant toutes les autres abeilles. Ayant été aperçue avec la gardienne, elle avait pour le moment le champ libre.

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