Chapitre 13 - " Je veux me souvenir de toi"
La porte s’ouvrit dans un grincement sonore et une forte odeur de jasmin s’engouffra dans les narines d’Arwenne. De là où elle se trouvait, elle pouvait voir l’intérieur de l’arbre et pensa rêver encore fois. L’habitation paraîssait gigantesque. Meublée avec, à première vue, du mobiler fait de bois et de pierres précieuses, cela lui semblait confortable et coquet. Un immense escalier en colimaçon, en bois lui aussi, s’imposait en plein milieu de la pièce et elle se demanda jusqu’où il pouvait bien aller. Elle qui pensait que le nid du lutin serait comme celui dans lequel Luna couvait ses œufs, elle s’était trompée.
Perplexe, elle recula pour jauger le diamètre du tronc. Son regard se porta ensuite sur Lîtillkri qui lui, la scrutait, les yeux brillant de fierté.
— Impressionnant, hein ! lança-t-il pas peu fier.
— Comment est-ce possible ?
— Ho, c’est pas grand-chose, ça ne m’a pris que cent ans pour gratter l’intérieur du tronc, encore cent autres pour construire chaque meuble qui s’y trouve et je te passe les détails pour l’escalier, pouffa-t-il. J’ai tout fait de mes petites mains ! Mais attends, tu n’as pas encore tout vu !
À ces mots, il poussa doucement la fée dans le dos pour qu’elle s’avance. Instinctivement, Arwenne s'ésquiva et se rabattit sur le côté de l’arbre, dos collé à celui-ci.
La fée, en retrait et inquiète, regarda encore une fois Murkt, cherchant en lui du soutien. Elle avait confiance en lui, mais pourquoi ? Pourtant le loup n’avait eu aucun geste gentil envers elle. Tout du moins, aucun qui pourrait expliquer ce lien étrange qu’elle ressentait envers lui. Cette pensée lui brisa le coeur, mais elle parvint à contenir ses larmes cette fois.
Tout à coup, comme si lui aussi pouvait lire dans ses pensées, il s’approcha de la jolie fée, abaissa sa tête autant qu’il le pouvait et lui dit d’une voix de ténor :
— Aucun mal ne t’arrivera, tu peux lui faire confiance. Je vous rejoindrai quand vous serez de l’autre côté.
La voix de Murkt ressonait dans sa tête et l’hypnotisait presque. Ce son semblait si doux pour son coeur. Quelque chose en elle lui hurlait qu’elle l’avait déjà entendu, mais elle n’arrivait pas à mettre la main sur ce souvenir qui lui donnerait la réponse. Arwenne se concentra alors, cherchant au tréfond d’elle-même, mais rien ne vint.
— Je te connais Murkt, mon coeur se rappelle de toi,commença-t-elle, déboussolée.
— J’aiderai ton coeur à se souvenir quand cela te sera nécessaire. Il te faut suivre Lîttilkri. Maintenant.
C’en était trop pour Arwenne, sans plus se retenir ni réflechir, elle se jeta sur une des immenses pattes de Murkt et se blottit contre celle-ci. L’odeur musquée de la sublime bête raviva un artefact de sa mémoire ; oui, elle le connaissait. Cela ne faisait aucun doute.
— Je veux me souvenir de toi ! Je sais que je t’ai beaucoup aimé sinon tu te serais, toi aussi, perdu dans le labyrinthe de ma mémoire.
Surpris, Murkt resta les premières secondes immobile. Un larme coula au coin de son œil et il finit par se résoudre à baisser enfin sa tête jusqu’au visage de la fée. Le loup souffla, ce qui fit voler la longue chevelure d’Arwenne jusqu’à lui. Tout à coup, les poils gris de Murkt et les ailes de la douce fée se mirent alors à se confondre et briller à l’unisson comme le ferait deux pièces magiques enfin réunies.
En voyant cela, le loup s’affola et se releva un peu trop brusquement, ce qui surprit la fée.
— Pardon, s’empressa-t-elle de dire, confuse, en se détachant de lui.
— Lîtiilkri, il faut faire vite ! Elle doit immédiatement quitter le royaume de Silah, dit Murkt d’un ton sec au lutin.
— Mais…
— Arwenne, écoute-moi, il le faut, la coupa-t-il. Rentre dans l’arbre, tout de suite, je serai là de l’autre côte, je te le promets.
Il la poussa alors du museau pour la faire avancer, mais la fée dont les ailes brillaient de plus en plus fort voulut prendre son envol et s'enfuir. De justesse, Lîtillkri l’attrapa. Elle se débattit, mais du haut de ses dix centimètres elle était impuissante face à la poigne du lutin.
— Murkt, viens avec moi ! Ne m’abandonne pas une nouvelle fois ! hurla-t-elle.
Elle dit cela sans réfléchir, et se retrouva elle-même choquée par ses paroles.
Soudain, un flash d’elle et du loup envahit sa tête qui se mit à lui tourner : elle, posée sur son dos, plus grande qu'elle ne l'est aujourd'hui, riant à gorge déployée, le vent lui battant le visage pendant que lui courait à vive allure dans une forêt qui lui était inconnue. Tout autour d’eux n’étaient qu’arbres fruitiers et rochers de pierres précieuses et un cheval étrange, avec une corne sur la tête et à la crinière scintillante, galopait à leurs côtés. Ils semblaient heureux.
Arwenne revivait cette scène comme si cela se passait sous ses yeux, perdue entre deux monde. Sa vision devint floue et elle ne pouvait plus que voir la silhouette du loup se tenant toujours devant elle.
— M..Mu...tentait-elle de dire, mais sa langue semblait ne plus lui obéir.
— Elle se souvient Lîtillkri ! Vite ! Emmène là, cache la dans l’arbre, maintenant ! entendit-elle dire Murkt d’une voix tonitruante et autoritaire.
Arwenne sentit que le lutin se mit à courir, et avant que l'épuisement ne l'emporte, elle entendit la porte se refermer violemment.
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