Le Cas Kimberly Schwartz, Partie 1
ATTENTION, CE CHAPITRE CONTIENT DES PASSAGES POUVANT HEURTER LA SENSIBILITE DE CERTAINES PERSONNES.
Sigmund Freud. Friedrich Nietzsche. Hermann Rorschach. Tous ces grands psychologues ont pu côtoyer la folie de près. J’ai toujours voulu étudier un cas à ce point intéressant, qu'il révolutionnerai la psychiatrie. En acceptant un poste de psychologue au centre hospitalier d’internement de Lorient il y a maintenant vingt ans, jamais je n’aurais pensé tomber sur un cas aussi étrange et hors du commun que celui de la jeune Kimberly Schwartz.
J’entends des bruits de pas résonner dans le couloir, ce doit être Kimberly. Nous avons un rendez-vous programmé ce matin. Je vois l'infirmier s'arrêter devant la porte de mon bureau.
Il frappe et attend. Je lui réponds qu'il peut entrer. Il ouvre la porte et pousse une frêle jeune fille à l'intérieur.
Les gardes de cet établissement ne sont décidément pas tendre avec nos pensionnaires, en particulier avec cette enfant.
-Ah Kimberly, je t'attendais.
-Bonjour Professeur Lang.
Je suis toujours impressionné par son apparence innocente malgré ce que mentionnait le rapport qui avait été dressé par un de mes confrères lors de son procès. Habituellement, le genre de patients que je traite ne peuvent camoufler leurs troubles, ils se lisent sur leurs visages. Elle, au contraire, ne montre aucun signe de folie. Elle semble surtout déboussolée et malheureuse.
Selon la justice, elle a été considérée comme mentalement instable et inapte à vivre en société. Voilà pourquoi, depuis un an, elle était enfermée ici à seulement 16 ans. Je l'invite à s'asseoir sur le fauteuil devant elle et elle s'exécute. Elle semble avoir une certaine confiance en moi. Cette petite m'avait avouée un jour que mon apparence la mettait en confiance. Elle m'avait expliquée que je lui faisais penser à Victor Hugo, ce qui m'avait beaucoup amusé.
-Alors Kimberly, comment vas tu aujourd'hui ?
-Je vais bien.
Elle essaie d'être convaincante devant moi mais je suis habitué à ce genre de réactions de façade et je vois très bien que ça ne va pas.
-Encore ces cauchemars ?
Elle me fait un petit signe de la tête.
- Toujours le même, me répond-elle.
- Raconte-le moi encore une fois.
Son visage se durcit, elle a peur, elle n'aime pas en parler.
-Chaque fois il commence de la même façon. Je suis sur le pas de la porte, chez mes parents. Le soleil s'est couché depuis longtemps. Dehors, la nuit est sombre et glacial, la rue silencieuse. Je me dépêche de rentrer. L'intérieur est tout aussi calme que l'extérieur, à première vue, il ne semble y avoir personne à la maison. D'abord, le calme ambiant commence à peser, puis j'entends un bruit, comme un gémissement étouffé. Cela semble venir du salon, je m'y dirige donc. J'arrive dans le salon et là je vois......
Elle se fige, toute tremblante, le regard horrifié.
- Calme-toi Kim. Ici, il ne peut rien t'arriver. Dit moi ce que tu vois dans le salon.
Elle respire profondément et reprend son récit.
-Je vois mes parents attachés sur des chaises. Ils sont bâillonnés et ne peuvent que pousser des gémissements plaintifs. Je m'approche de ma mère et lui retire son bâillon. Mais, à cet instant, je m'aperçois avec effroi que sa bouche est cousue. Je retire le bâillon de mon père et lui aussi a la bouche cousue. Je recule, j'ai peur. Et c'est là que je sens sa main sur mon épaule, sa respiration froide dans mon cou et que je vois son sourire malsain déformant son visage.
Comme à chaque fois qu'elle arrive à ce passage, sa respiration s'accélère.
-Dit moi qui c'est ? Qui est cette personne ?
Je lui pose la question mais je connais déjà la réponse. C’est la même à chacune de nos séances.
- Non ! Il ne veut pas que je parle de lui, hurle-t-elle.
Ce souvenir la terrifie, j’ai pu le constater avec le temps, mais jamais elle n’avait réagi aussi violemment. Je tente de la calmer.
- Tout va bien Kimberly. Tu n’as rien à craindre ici, tu es en sécurité.
Elle sèche ses larmes avec sa manche et inspire profondément pour faire cesser ses sanglots.
- Alors, dit moi, qui a fait cela à tes parents ?
- C'est mon frère qui leur a fait cela. Mon frère, Jonathan.
- Continue.
- Il approche un couteau de ma gorge. Je vois la lame briller, la Lune soit se refléter dessus. Je sens le contact glacial du tranchant sur ma peau. Il se penche à mon oreille et chuchote faiblement. Il me demande comment je vais, comment s'est passé ma soirée.
- Et que lui réponds-tu ?
- Ce qu'il veut entendre. Que tout va bien, que la soirée était bien.
- Lui demandes-tu pourquoi il a fait ça à tes parents ?
- Oui.
-Que te répond-il ?
- Il me répond qu'il a fait cela pour le silence, pour instaurer la paix dans la maison. Qu'il a fait cela pour moi. Il me fixe du regard. Il est pénétrant, comme s’il réussissait à sonder mon âme.
La peur la gagne à nouveau. C'est comme si elle le voyait à nouveau devant elle.
- Calme-toi Kim. Jonathan n'est pas ici et tu le sais.
Elle se raidit sur sa chaise et se calme sur l’instant.
- Vous avez tort docteur.
- Comment cela ?
- Mon frère est ici, ne le sentez vous pas ? Ne sentez vous pas la puanteur de son âme ?
Elle se lève de sa chaise et me regarde droit dans les yeux. Je le vois enfin. Ce regard que je vois chez la plupart de mes patients, dénué d'empathie, rempli d'une rage envers le monde. En onze mois, c'était la première fois qu'elle réagis comme cela.
- Kimberly, rassied toi.
- Vous avez peur professeur ? Vous l'avez dit vous même: Jonathan n'est pas ici. Alors vous n'avez rien à craindre.
La peur me gagne mais je sais gérer ce genre d'excès.
- Kimberly, rassis toi maintenant !
Ma voix semble la transpercer et lui fait reprendre ses esprits. Elle reste statique tandis qu'un infirmier fait irruption dans la salle.
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