Chapitre 12
Lentement la lune se leva.
Elle était énorme et générait de grandes amplitudes de marées, détail qui n’intéressait pas Britess en cet instant. Par contre la lueur argentée qui recouvrait maintenant le paysage la fit sourire. Ce fut tout de même avec une certaine prudence qu’elle poursuivit sa route vers la tour.
Accroupie, elle guettait le moindre mouvement dans les débris. Il n’y avait personne. Trois étages étaient encore en bon état. Britess se faufila entre les rochers et entra, sans peur. Les revenants n’avaient qu’à se tenir tranquilles s’ils ne voulaient pas avoir à faire à elle.
Il ne restait aucun meuble, tout avait été pillé à différentes époques. Deux escaliers, à des côtés opposés, gravissaient les niveaux dont les planchers avaient disparu. Elle grimpa vers un recoin qu’elle connaissait et qui offrait l’avantage de pouvoir jeter un œil à l’extérieur. Elle se cala, bien assise, et attendit.
Un détail attira son attention. Au centre, sur le sol, on devinait un symbole : une roue, dentelée, comme les rouages du machin mécanique dans l’arrière-boutique de Noto. Le temps avait presque effacé la gravure. Elle l’observait encore quand le sommeil l’emporta.
La main posée sur sa bouche la réveilla en sursaut.
- Silence, murmura la voix de Noto.
Il lui fit signe, vers l’extérieur et la libéra. Une petite escouade de guerriers prenait place autour des blocs, essayant de se cacher de toute personne qui arriverait.
- Je ne pense pas qu’ils nous laisseront repartir sain et sauf.
- Que fais-tu ici ? De quel droit m’as-tu suivi ?
Britess ne quittait pas les autres des yeux. Elle cherchait celui qui donnait les ordres et qu’il faudrait abattre en premier.
- Je me suis inquiété quand je t’ai vu partir loin de la ville. Je t’ai suivi pour te ramener vers le bon chemin, mais je t’ai perdu de vue. J’ai juste eu le temps de te voir entrer dans la tour. Cela fait des heures que je guette. Ces gars sont arrivés alors j’ai décidé de venir te prévenir.
Elle regarda l’artisan. Il avait l’air sincère, et totalement apeuré.
- C’est bien ta veine, Noto. Te voilà embarqué dans une histoire qui sent vraiment mauvais.
- Hein ?
- Je dois attendre quelqu’un, ici. Mais je pense que cette personne n’arrivera jamais à atteindre le lieu du rendez-vous. Ces soudards vont s’en assurer.
Elle regarda l’horizon. Le gris argenté laissait progressivement la place au gris orangé de l’aube.
- Il nous faut réussir à rejoindre la plage et protéger celui qui va débarquer.
- On peut essayer de descendre en escaladant depuis le haut.
Un claquement sec.
L’air fut comme absorbé par un trou béant. Au même instant, en contrebas, deux personnes s’étaient matérialisées. Noto lâcha un petit cri de souris.
Une lumière tamisée les entoura aussitôt, alors qu’un chauve pointait la paume de sa main ouverte vers eux. L’autre, chapeau de paille sur la tête, grimpa les marches à une vitesse dépassant l’entendement. Il colla la lame de son épée fine et légèrement recourbée sur la gorge de Noto.
- Apprenez à vous taire, murmura la voix féminine.
- Je suis Britess, envoyée par l’ambassade du Couchant pour vous protéger et vous guider. Des mercenaires ont tendu une embuscade au-dehors.
Elle jeta un œil pour les voir arriver en courant.
- Ils arrivent.
La femme du Couchant sauta pour rejoindre le chauve. L’homme était jeune, un adolescent peut-être. Torse nu, il affichait un corps aux muscles ciselés par l’exercice. Il portait une Hache courte à la hanche gauche. D’un des quatre sacs qu’il portait en bandoulière, il sortait des herbes et des feuilles séchées, les écrasant dans son poing droit avant de tracer des symboles compliqués en l’air, devant lui. Des lettres brillèrent, balayant tout le spectre du vert et du marron.
Les premiers soldats entrèrent, chargeant aussitôt le mage. Ils se retrouvèrent propulsés contre un mur, enchevêtrés dans des lierres.
La femme se précipita, sabrant autour d’elle, tuant sur le coup les deux suivants.
Britess arriva à son tour, Noto sur ses talons. Elle dégaina Dragon et passa la porte, à la recherche du chef. Elle vit trop tard celui qui attendait, embusqué, collé contre l’ouverture. Noto lui transperça la tempe d’un mouvement souple. Il virevolta autour du cadavre qui tombait, prit appui sur lui et se propulsa vers un autre ennemi qu’il atteignit au cœur.
Britess para le coup du meneur. Elle écarquilla les yeux en reconnaissant Jurg. Le visage fermé, il s’appliqua à viser les points faibles de Britess. Ce n’était plus un entraînement. Elle reçut trois blessures légères au niveau des bras et des jambes.
Briser l’assaut.
Reculer.
Faire rapidement le point sur la situation. Noto dansait toujours autour d’elle, interdisant le périmètre au moindre renfort. La femme du Couchant et le chauve passaient, en marchant, sous la porte.
Elle empoigna la garde, la faisant tourner dans sa main. Des gants. La prochaine fois, elle mettrait des gants.
Jurg feinta. Elle s’emmêla les pieds en esquivant et se retrouva au sol. Il lui envoya un coup de pied dans les seins. Elle eut le souffle coupé, mais la brassière de Noto joua son rôle à merveille, évitant une douleur trop incapacitante. Le militaire voulut l’achever, mais elle bougea au dernier moment, sans pouvoir toutefois empêcher la lame de lui entailler le cuir chevelu. Elle se redressa, le sang ruisselant le long de sa joue. Jurg ne lui laissait pas le moindre répit. Elle para un autre coup avec l’avant-bras. L’os arrêta la lame. Elle hurla, et dégagea son bras, luttant pour ne pas perdre connaissance. Il voulut la poignarder avec son couteau pris dans sa botte, mais l’armure encaissa le coup. Elle en profita pour empoigner Jurg et l’attirer vers elle. Dans un dernier effort, elle lui assena un coup de tête, lui faisant éclater le nez. Elle réussit à poser la pointe de sa lame dans le défaut du cou et l’y enfonça. Le corps tremblant de l’ennemi s’effondra. Britess tituba, la vision trouble. Elle tomba à genoux, la vie la quittant, lentement.
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