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Aliénor suivait la domestique en silence à la lueur d’une bougie. Elle était frigorifiée du voyage. Dix longues journées sous les vents toujours plus froid de Givrevent à mesure qu’ils avançaient toujours plus vers le nord de Graym Skaria. Le fait qu’elle avait à peine manger durant tout ce temps ne l’aidait pas non plus. Elle était épuisée et affamée. Elle était à bout et ne tenait encore debout que par pur miracle.

Après avoir parcouru quelques couloirs et monté quelques volées de marches, Guenièvre fini par ouvrir une porte et laissa entrer la princesse. Aliénor se frottait les bras pour tenter de se réchauffer. La domestique alluma rapidement un feu dans la cheminée et s’approcha de la jeune fille.

— Ma pauvre enfant, fit-elle doucement. Vous êtes gelée ! Venez vous réchauffer.

Elle saisit doucement le bras de la princesse et la rapprocha lentement des flammes sans l’effrayer. Aliénor commença à se calmer en voyant son visage doux et la lueur bienveillante dans son regard. Guenièvre l’observa un moment. La jeune fille était couverte de saletés et vêtue d’une robe déchirée, laissant découvrir sa chemise de coton.

— Je vais chercher de quoi vous changer et vous nettoyer, annonça-t-elle ensuite avant de sortir de la chambre.

Aliénor ne bougea pas, les yeux fixés sur les flammes dans la cheminée sans réellement les voir. Elle tremblait encore. Au bout d’un instant, elle finit par s’agenouiller et tendit les mains pour se rapprocher de la chaleur en quête de réconfort.

Quand la domestique revint dans la chambre, elle trouva la jeune fille serrée en boule contre le manteau de la cheminée. Elle s’était endormie. Le coeur de Guenièvre se serrait à cette vision. Qui que soit cette jeune fille, elle avait vécu des épreuves traumatisantes avant d’arriver ici et devait se sentir terrifiée et perdue. Elle soupira et s’agenouilla devant elle. Elle la réveilla doucement, cela n’empêcha pas à la petite de sursauter et pousser un petit cri étouffé.

— Doucement, mon enfant, tout va bien. Il n’y a aucun danger.

Elle lui tendit la main et l’aida à se lever. Toujours avec lenteur et une infinie patience. Elle lui disait des mots réconfortants alors qu’elle l’attirait vers une chaise devant une coiffeuse. Tout en effaçant les taches de boue séchée et de poussière sur ce visage d’ange, Guenièvre pouvait voir les cernes creuser ses traits fins. Ils étaient d’autant plus visible que la peau de la petite était pâle. L’enfant se laissait faire sans émettre le moindre son. Elle ne pleurait même pas. Elle était encore trop sous le choc pour cela.

Elle l’aida à se dévêtir et lui fit enfiler une chemise en coton propre qu’elle avait récupéré dans sa propre garde-robe. Elle était un peu trop grande pour la demoiselle mais c’était temporaire, le temps que le jour revienne avec sa lumière et lui permette de repriser ses vêtements abîmés.

Une fois changée, elle l’aida à s’allonger tout en continuant de la rassurer. Ses paupières étaient lourdes et bien rapidement la jeune fille se rendormit, au bord de l’épuisement.

Guenièvre ressortit de la chambre avec les vêtements abîmés et les emmena chez elle. Elle les réparerait dès les premières lueurs du Jour des Espoirs Retrouvés.



Quand Aliénor se réveilla, elle était plongée dans le noir absolu. Elle ne voyait rien autour d’elle. Elle ne pouvait que s’en remettre à ses sens de l’ouïe et du toucher. Généralement pendant les Jours de Dangers, il y avait toujours une torche d’allumée dans sa chambre. Elle remarqua que là, il n’y avait rien alors qu’elle se redressait. En le constatant, elle se souvint que les événements des derniers jours n’étaient pas qu’un mauvais rêve. Elle avait réellement été enlevée et emmenée de force en Nirrurath. Malgré la chaleur de son lit, elle frissonna. Les Vénérables Dieux seuls pouvaient savoir ce qu’il adviendrait d’elle désormais. Elle ne connaissait presque rien des routes du nord et elle ne pouvait même pas voir plus loin que le bout de son nez en cet instant. En grande pragmatique, elle prit la décision de rester sage et obéissante le temps que le Jour des Espoirs Retrouvés revienne pour déterminer au mieux dans quelle situation elle se trouvait.

Elle tenta de se lever pour visiter un peu l’endroit où elle se trouvait avec ses mains mais à peine eut-elle écarté la courtepointe matelassée qu’elle trembla, cette fois-ci de froid. Elle avait l’impression d’être dans la glacière juste derrière les cuisines du château de son père. Elle se réfugia à nouveau sous les couvertures et patienta que quelqu’un vienne la voir.

Quelqu’un devrait certainement venir s’enquérir d’elle et lui apporter à manger, non ? En son for intérieur, elle l’espérait car elle mourrait littéralement de faim !

Quelques heures plus tard, qui lui semblèrent durer une éternité, elle attendait toujours dans le noir le plus complet quand Guenièvre pénétra dans la chambre. Elle s’éclairait avec une bougie et portait un petit panier chargé de bois pour le feu. Sans vraiment le vouloir, elle soupira de soulagement. Quelqu’un était venu, certes une étrangère mais au moins, Aliénor n’était plus seule dans le noir. Pas qu’elle ait vraiment peur du noir, c’était juste une accumulation de faits qui la rendait nerveuse et qu’elle n’était pas du tout à l’aise dans ce lieu sans repère.

— Avez-vous bien dormi, Mademoiselle ? Demanda Guenièvre d’une voix douce.

— Oui, murmura la jeune fille. Merci.

— J’allume vite le feu et je vous apporte votre repas, dit la servante avec un sourire doux avant de s’atteler à la tâche.

Rapidement, des ombres rouges et jaunes dansèrent sur les murs et la princesse put enfin détailler le mobilier de sa chambre. Elle était richement décorée et la princesse quitta le lit pour la découvrir. Des tapisseries représentant différentes faunes et flores de Graym Skaria étaient suspendues contre des murs entre l’un et l’autre rideaux. Tout le mobilier de bois sombre qui dégageait une nuance rosâtre à la lumière des flammes. Elle ne doutait pas un seul instant qu’il s’agissait de bois d’adenium sanguin. Il y avait une table avec trois chaises, une coiffeuse, un lit à baldaquin et une coiffeuse.

Tout à sa contemplation de la décoration, elle n’avait pas remarqué tout de suite que Guenièvre était partie et déjà revenue avec un plateau repas et une cape bien chaude.

— Venez vous restaurer, Mademoiselle, dit-elle après lui avoir passé le tissu en laine autour des épaules.

Aliénor sursauta légèrement, surprise, et tourna vers Guenièvre. Elle se laissa mener vers la table où l’attendait un bol de potage de topinambours. Elle la but assez rapidement bien que toujours avec l’élégance due à son rang. Maintenant qu’elle avait bien plus chaud et qu’elle pouvait réfléchir un peu plus raisonnablement. Elle avait conscience qu’elle n’était pas enfermée avec les autres villageois uniquement parce qu’elle était de statut différent. Elle n’allait pas leur donner une raison de penser qu’elle était une paysanne. Juste… peut-être pas leur dire qu’elle était la fille du roi. Son père lui avait dit il y avait de cela longtemps qu’il était en froid avec le Seigneur Drake et elle ne voulait pas donner à l’homme une raison de la maltraiter ou de l’envoyer au cachot. Cela l’empêcherait de trouver une solution pour s’échapper en temps voulu. Elle devait vraiment mettre toutes les cartes de son coté tant qu’elle le pouvait encore.

Quand elle eut fini son repas, elle partit s’installer devant le feu de la cheminée. Que pouvait-elle faire d’autre de toute façon. Il n’y avait rien dans la chambre qui lui permettrait de s’occuper. Aucun livre, aucun objet d’un quelconque intérêt. A part les tapisseries, la pièce était impersonnelle. Une chambre d’invités comme il y en avait tant dans le château de son père.

Son père… Il devait se faire un sang d’encre pour elle. Et il devait aussi tout mettre en œuvre pour la retrouver. Mais avec la Grande Nuit qui venait de tomber, il ne pourrait pas le faire tout de suite. Mine de rien, il était dangereux de voyager en cette période de l’année. Déjà qu’en temps normal, il n’était pas conseiller de voyager durant la saison morte, surtout vers le nord. Alors mener une invasion … Elle ne savait pas grand-chose au sujet des déplacements armés et actions militaires mais elle avait entendu bien des marchands se plaindre des conditions de voyage quand ils venaient de loin pour vendre leurs articles et produits en tous genres. Son père n’arriverait certainement pas avant au moins le Jour des Espoirs Retrouvés.

Alors elle attendait simplement que le temps infiniment long s’écoule à observer la danse des flammes dans la cheminée. Ce ne fut qu’au soir — ou ce qui devrait être le soir, supposa-t-elle — que Guenièvre revint avec un autre plateau de nourriture, chargé avec un peu de pain et quelques viandes séchées.


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