007

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Guenièvre avançait dans l’obscurité, éclairant son chemin comme toujours de sa bougie. Alors qu’elle approchait de la tour de la demoiselle d’Ewatha, elle allumait les quelques torches sur son chemin.

La dernière révéla une bien horrible scène. La jeune demoiselle était étendue sur le sol dans sa fine robe de nuit blanche. Elle avait la peau encore plus pâle que d’habitude. Seule un fin filet de sang sur son visage la marquait.

— Mademoiselle ! S’exclama-t-elle en s’agenouillant auprès d’elle.

Elle la secoua légèrement. La jeune fille était froide. En le constatant, Guenièvre blêmit.

— Par les Vénérables non ! Mademoiselle !

Elle porta une main juste devant la bouche et le nez de la demoiselle. Elle soupira de soulagement. Elle respirait encore.

— Gardes ! Appela-t-elle alors qu’elle la prenait dans ses bras pour la réchauffer le plus possible. S’il vous plait ! Gardes ! Aidez-moi !

Un garde arriva, tenant une torche en main et serrant son épée à la ceinture de l’autre.

— Qu’y a-t-il, Guenièvre ? Demanda-t-il, la voix inquiète.

— Va chercher le roi ! Vite ! Le pressa-t-elle avec urgence. C’est la demoiselle Ali ! Elle est tombée dans les escaliers !

Le garde resta deux secondes immobiles avant de s’élancer, ses pas résonnant fortement dans le couloir de pierre.

Guenièvre serra la jeune demoiselle contre elle, la tête doucement pressée contre son giron. Elle lui frottait les bras et le dos pour tenter de la réchauffer au mieux. Elle souhaiterait pouvoir la porter mais elle n’était pas assez forte pour le faire et la ramener dans son lit en haut de la tour. Si seulement elle pouvait être aussi forte …



Drake était dans la cour intérieure du palais et s’entraînait à l’arc dans la pénombre des flammes. Il ne savait pas quoi faire pour s’occuper l’esprit en attendant le retour de la lumière. Sa cible était une botte de foin disposée à une centaine de mètres, juste devant un mur, loin de tout accès. Il ne voudrait pas blesser ses sujets par accident juste parce qu’il s’ennuyait.

La corde vibrait et sifflait, une douce chanson à ses oreilles. Il avait hâte de pouvoir reprendre la saison de la chasse et d’y participer un peu entre deux devoirs royaux. C’était un sport qu’il appréciait autant que l’escrime. Voire même plus.

Un son de pas métallique venant du château parvint à ses oreilles. C’était rapide. Un homme courait. Drake tira la flèche qu’il venait d’encocher. Il frappa sa cible de paille mais pas en son centre. La légère déconcentration et l’obscurité l’avait fait manquer de peu.

— Votre Majesté ! S’écria une voix précipitée.

— Iordanus, fit le roi en se tournant légèrement vers l’un de ses chevaliers.

Il nota directement son inquiétude à la faible lueur des flammes. 0

— Que puis-je pour vous aider ? Demanda-t-il directement.

— Guenièvre a trouvé la demoiselle au pied de la tour, Messire ! Elle est inconsciente !

Drake hésita quelques secondes, mettant du sens sur les propos hâtifs de l’homme, avant de le devancer dans les couloirs froids de sa forteresse. Il courrait déjà, inquiet pour l’état de la jeune fille. Si Guenièvre avait trouvé la jeune fille inconsciente, cela n’était pas bon du tout !

Il était à peine essoufflé par son ascension quand il arriva enfin au couloir ouest. Il vit immédiatement Guenièvre essayer de réchauffer au mieux la jeune fille qu’elle tenait contre elle. Une jeune fille en tenue bien légère par ce temps glacial. Il ne réfléchit pas plus et ôta sa lourde cape en fourrure pour la recouvrir.

— Que s’est-il passé ? Demanda-t-il directement.

Il grimaça légèrement en sentant que la jeune Ali, ou qui qu’elle puisse être en réalité, soit si froide. Il la souleva immédiatement pour qu’elle ne soit plus en contact avec le sol.

— Je l’ignore, Sire ! S’exclama Guenièvre d’une voix extrêmement inquiète. Je l’ai découverte ainsi il y a pas longtemps ! Elle est si froide. Et elle s’est cognée la tête aussi !

Drake porta son regard à la tête de la jeune fille dans la pénombre à peine éclairée des flammes et la masse de cheveux, il ne distingua rien. Il ne mit toutefois pas la parole de la dame en doute.

— Monte ! Ordonna-t-il alors en resserrant sa prise autour du corps fin de la demoiselle.

— Oui, Sire !

Guenièvre s’exécuta rapidement et ils montèrent tous deux au sommet de la tour. Le chevalier Iordanus les suivait, silencieux, un pli soucieux lui barrant le front. Quand ils arrivèrent en haut, le soldat se dirigea immédiatement vers le lit et en ouvrit les draps avant même que son roi ne lui ordonne. Il avait deviné ses intentions. Drake y allongea donc la jeune fille et la recouvrit immédiatement avant de poser une main sur son front.

— Elle est glacée, dit-il d’une voix contrôlée.

— Je ravive le feu tout de suite, Sire ! Informa Guenièvre qui s’attelait déjà à la tâche.

Le roi hocha la tête même si elle ne pouvait le voir. Il se tourna ensuite vers Iordanus.

— Va chercher Istraserius, dit-il.

— Oui, sire.

L’homme sortit d’un pas rapide. Un silence inquiet s’imposa dans la chambre. Drake glissa une main blanche sur le front de la jeune Ali et écarta une mèche de cheveux. Il put voir alors le trait de sang séché sur son visage blanc. La blessure était quelque part dans ses cheveux où il y avait une tache bien plus sombre et rugueuse au toucher.

Il sentit le lit bouger légèrement et il vit une main féminine approcher avec douceur.

— Je vais chercher de l’eau et un morceau de tissu pour nettoyer la plaie, informa Guenièvre avant de disparaître dans les escaliers.

Drake resta là sans bouger, attendant l’arrivée du sorcier de la cour. Même s’il n’affichait pas beaucoup d’émotions, il était inquiet pour l’état de la jeune fille. La chaleur montait peu à peu dans la pièce, rendant les lieux bien plus agréables et pourtant, elle restait aussi froide qu’un glaçon. Et sa main était inerte même s’il la tenait doucement dans la sienne. Elle était inconsciente. Ou pire.

Il ne voulait pas penser à cela tant qu’il n’avait pas un diagnostic précis. Mais si c’était bien le pire, les conséquences seraient … terribles. La jeune fille était une fille de noble à n’en pas douter. Même un petit et il aurait à en répondre. A part Rowan, il n’en voulait à personne et ne se cherchait aucun ennemi. Il ne l’avait jamais voulu. Et là, en la regardant ainsi, immobile, il avait une boule d’inquiétude qui lui enserrait la gorge car il savait qu’au fond de lui, il savait que c’était de sa faute.

Istraserius finit par arriver. Son regard balaya rapidement la pièce avant qu’il ne s’attarde sur le lit. Il approcha rapidement et passa une main devant le cristal de son bâton. Une lumière vive éclaira la pièce, obligeant le roi à se protéger les yeux un instant, plus du tout habitué à une telle luminosité.

Drake s’écarta pour lui laisser la place et sans qu’il n’ait à donner un ordre, le sorcier se pencha sur la jeune fille afin de l’examiner. Il resta un instant ainsi, concentré, marmonnant quelques mots incompréhensibles tout en tâtant délicatement la tête de la blessée. Quand il se redressa, Istraserius se tourna vers son roi.

— Elle s’est sérieusement cogné la tête, mon roi, informa-t-il. Il est possible qu’elle reste inconsciente quelques jours comme quelques semaines. Tout dépend d’elle. Mais si cela devait durer des semaines, cela pourrait porter atteinte à sa survie.

— Peux-tu y faire quelque chose ?

— Peut-être, mais pas avant le Jour des Espoirs Retrouvés. J’aurais besoin de quelques herbes et racines qui poussent dans la forêt.

Comprenant le problème, le roi accepta le délai sans même rouspéter. Il était très dangereux de s’aventurer la nuit loin des lieux habités. Même pour un sorcier capable de transformer la nuit en jour.

Istraserius était sur le point de quitter les lieux quand Drake l’arrêta d’un mot.

— As-tu découvert qui elle est ? Demanda-t-il.

— Oui, mon roi.

— Alors ? Qui est-elle ?

— Il s’agit de la Princesse Aliénor.

Drake jeta un regard à la jeune fille inconsciente. Il était surpris par l’annonce et en même temps il en doutait.

— Tu en es sûr ? Fit-il ensuite.

— Oui. Elle possède une breloque qu’il me semble avoir reconnue.

— Quelle breloque ?

— Un cadeau que vous avez offert à Lady Lillian quand vous étiez plus jeune, mon roi. Une amulette de la déesse Kihone.

Le regard de Drake s’étrécit. Maintenant qu’il entendait cela, il remettait les pièces du puzzle en place. La jeune fille avait dit s’appeler Ali, ce qui était assez proche d’Aliénor pour qu’elle puisse réagir. C’était peut-être même un diminutif et donc pas un mensonge. Il est toujours plus facile de mentir quand il y a un soupçon de vérité dans ce que l’on dit… Elle avait eu l’audace de se dire fille de Messire Wymark. Si elle était bien la fille de Rowan, ce n’était plus de l’audace mais de l’intelligence et de l’auto-préservation. Elle avait du se sentir en danger en le voyant, lui, l’ennemi juré de son père. Ses cheveux roux aussi étaient un indicateur pour ce qu’il en savait. Et il était de notoriété publique que Rowan avait une fille qui ressemblait en beaucoup de points à sa mère …

Ainsi, il avait la princesse en tant qu’invitée dans son château. Voilà qui changeait ses plans la concernant. Maintenant, il avait quelque chose à laquelle Rowan devait tenir plus que tout.

Il hocha la tête et Istraserius sortit. Drake resta là à veiller quelques instants sur la jeune fille, tout à ses pensées. Au bout de ce qui devait être une heure, peut-être deux, il finit par se lever et ordonna à Guenièvre de veiller sur la princesse. La femme inclina la tête, obéissante et volontaire.

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